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Industrie aéronautique

Des milliards de profits, des millions de morts, des miettes pour les travailleurs

mardi 17 mai 2022

Des grands groupes qui amassent des milliards, il y en a plein. Mais dans l’aéronautique, ces milliards sont notamment le fruit de la vente d’engins de mort et de véhicules de tourisme de luxe hyper-polluants. Au-delà de l’exploitation capitaliste aussi banale que révoltante s’ajoute donc l’odieuse désinvolture des marchands de canons et le gaspillage démesuré et méprisant, produit à la sueur de milliers de personnes. Pas étonnant que tout le secteur s’agite d’une même colère.

Un secteur qui redécolle

Les commandes s’accumulent pour Dassault : en 2021, 140 appareils, essentiellement des Rafale, ont été vendus à l’étranger, dont 80 aux seuls Émirats arabes unis, au point que sur les chaînes, on se demande où trouver les matériaux, bâtis et bras pour construire ou rénover autant d’avions. Et rien n’indique, alors que partout les budgets militaires explosent, que cette dynamique ne sera que temporaire.

Safran profite aussi de ce nouvel essor de l’aéronautique militaire auquel s’ajoute le civil qui repart en flèche. Rien que pour les moteurs, l’activité a augmenté au dernier trimestre 2021 de 24 % par rapport au deuxième trimestre et de 44 % par rapport à la même période de 2020. Safran va d’ailleurs équiper et assurer la maintenance des moteurs de 65 avions de la compagnie Saudi Arabian, un total de 149 moteurs pour la bagatelle de 8,5 milliards de dollars, un contrat qui a pu être signé grâce à l’aide du VRP en chef des capitalistes français, Macron, en visite en Arabie saoudite en décembre dernier.

Cette visite a aussi été l’occasion pour le président français de vendre 26 hélicoptères signés Airbus pour le tourisme de luxe. Le constructeur européen a par ailleurs cumulé les commandes, 98 appareils, rien que pour avril. Petit souci néanmoins, Airbus semble avoir du mal à respecter les délais de son carnet de commande plein à craquer : 48 avions livrés en avril, 190 en quatre mois, on est encore loin des 720 prévus pour 2022 ou des 65 mensuels espérés à l’été 2023.

Des salaires cloués au sol

Avec tous ces milliards, l’industrie aéronautique a de quoi faire des heureux… parmi les capitalistes du secteur. Pour les salaires, on repassera. Si le Covid a été l’occasion de dégraisser les effectifs pour beaucoup d’entreprises, avec la reprise, les embauches se font sur des salaires nettement inférieurs aux taux d’avant la crise. Chez des sous-traitants, comme à AAA, les intérimaires peuvent difficilement espérer un salaire bien plus haut que le Smic. À ce tarif-là, la plupart refusent de signer un contrat : un CDI, pourquoi faire ? Être payé moins dans un secteur où toutes les boîtes courent après la main-d’œuvre (sans forcément y mettre le prix) ? La plupart préfèrent donc la précarité des contrats à la semaine, ou au mois, avec l’idée qu’ils peuvent se barrer pour aller ailleurs, sans forcément se leurrer sur les conditions de travail dans la boîte d’à côté.

Et chez les gros constructeurs, si la situation peut parfois être meilleure, pas de quoi sauter au plafond. Les NAO ont souvent été l’occasion pour les directions de Safran, Thales, Dassault et Airbus de montrer tout leur mépris en annonçant des augmentations de salaire de moins de 2 à 4 %, le plus souvent en faisant la distinction entre ouvriers et cadres qui bénéficient d’augmentations bien plus importantes, alors que l’inflation s’annonçait déjà bien plus élevée et qui exigerait une revalorisation régulière pour suivre le coût de la vie, et pas simplement au rythme poussif des négociations annuelles.

La colère monte en pic

Nous relations déjà dans un précédent article les grèves chez Dassault, Safran et Thales. Chez Dassault, la grève a porté ses fruits avec plus de 100 euros net d’augmentation obtenus après quatre mois de lutte. L’épilogue de ce mouvement a eu lieu à Argenteuil où la grève s’est prolongée jusqu’au début du mois de mai. On n’est encore loin des 200 euros revendiqués, mais cette première victoire a marqué. Chez Thales, c’est une augmentation de 3,8 %, plus de 4 % pour les plus bas salaires, qui a été obtenue. Chez Safran, les grèves continuent à Bordes dans le Béarn, à Charmeil dans l’Allier.

À ces luttes s’ajoutent celles des sous-traitants : on évoquait AAA qui travaille notamment pour Dassault et Airbus. Après deux débrayages très largement suivis, un accord a été signé par la CFDT et FO, dans le dos des travailleurs qui auraient voulu continuer la lutte. L’accord est donc loin de satisfaire et n’a fait qu’augmenter la colère contre une direction méprisante et des syndicats trop conciliants, « achetés » disent certains. Alors que se négocie l’acquisition de l’entreprise par un grand groupe, il ne faudrait pas trop effrayer de potentiels acheteurs.

Autre sous-traitant, Mecachrome était en grève reconductible cette semaine. Les salariés revendiquent 7 % d’augmentation avec un talon de 200 euros, alors que la direction parle de 2 %. La grève à Launaguet près de Toulouse a été suivie par 77 % des salariés. Le vendredi, des grévistes de Mecachrome se sont joints à ceux de Capgemini à Toulouse pour exprimer leur solidarité avec les travailleurs en lutte pour leur salaire dans cette entreprise d’informatique, sous-traitante, entre autres, d’Airbus.

Marinette Wren

Mots-clés Aéronautique , Entreprises
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