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On n’arrête pas le progrès ?

lundi 9 mai 2022

Quoique bourré d’inégalités et d’injustices, notre monde a connu dans le dernier siècle toute une série de progrès qu’on a tendance à voir comme définitifs. Le droit des femmes de disposer de leur corps, gagné dans la lutte dans nombre de pays, en fait partie. La possible remise en cause majeure de ce droit à l’avortement aux États-Unis vient démentir cette vision d’un monde en perpétuel progrès : bien des retours en arrière nous menacent.

États-Unis : offensive réactionnaire…

Selon les révélations du média Politico, la Cour suprême des États-Unis s’apprête à enterrer fin juin la jurisprudence « Roe vs Wade » qui fonde dans ce pays le droit à l’avortement depuis 1973. Cette décision ouvrirait la voie dans chacun des 50 États des États-Unis au vote de législations anti-avortement, ou à l’application des lois votées mais pour l’instant bloquées, comme celle qui au Texas promet d’envoyer devant un tribunal tout médecin suspecté de pratiquer des avortements, voire quiconque aide une femme enceinte à se rendre dans un État où l’avortement est légal. Cela concerne pas moins de 26 États, la moitié des États-Unis, et souvent les plus pauvres.

… et anti-ouvrière

Car l’attaque contre le droit à l’avortement a une dimension anti-ouvrière. Dans un pays où il n’y a pas de congé maternité obligatoire, et quasiment pas d’allocations familiales, élever un enfant coûte très cher. Sans surprise, les femmes ayant recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) vivent à 75 % sous le seuil de pauvreté. Ces femmes pauvres – sans, ou avec un ou plusieurs petits boulots – n’ont que difficilement accès à une IVG. Il faut faire de longs trajets pour trouver une clinique qui les pratique, car 90 % des comtés n’en ont pas. Les grossesses non désirées ou à risque sont donc légion.

Hypocritement, les fondamentalistes chrétiens et politiciens anti-avortement se prétendent « pro-vie ». Mais le résultat de leur croisade, c’est que la mortalité des femmes américaines à l’accouchement atteint en moyenne 23 pour 100 000, plus de deux fois plus que les autres pays riches, et jusqu’à 55 pour 100 000 pour les femmes noires, soit le niveau de pays pauvres comme le Panama ou l’Équateur !

Partout dans le monde, les mêmes problèmes

Le même scénario est à l’œuvre dans bon nombre de pays de la planète. En Pologne, l’IVG est depuis deux ans soumis à de telles restrictions qu’il devient pratiquement impossible d’y avoir recours. En France, les députés ont certes étendu de 12 à 14 semaines le délai légal pour une IVG en mars dernier. Mais le manque de moyens accordés aux centres du planning familial et la prégnance des idées réactionnaires parmi tout un pan des médecins constituent de sérieuses entraves.

Ailleurs, c’est le droit à la contraception qui est remis en cause. Les anti-avortement des États-Unis en font d’ailleurs leur prochain objectif. Partout dans le monde, les milieux réactionnaires communient, par-delà leurs diverses obédiences religieuses, dans une même haine de la liberté des femmes ou du libre choix pour chaque individu de sa sexualité. Ces droits sont insupportables aux culs-bénis et aux défenseurs de la famille patriarcale alors même qu’ils ne les empêchent en rien de vivre à leur manière. Ce qu’ils craignent, c’est le caractère contagieux de la liberté… Et c’est bien là qu’est l’espoir !

Il n’y a pas de fatalité

Depuis les années 1970, le combat n’a en fait jamais cessé. Des femmes d’Irlande ou d’Argentine, mobilisées par centaines de milliers, ont arraché récemment la légalisation de l’avortement. Celles de Pologne n’ont pas encore fait reculer leur gouvernement, mais des centaines de milliers d’entre elles se sont éveillées à la lutte. Aux États-Unis, la Women’s March a traduit la même prise de conscience sous Trump. Et la décision de la Cour suprême pourrait la renforcer : 69 % des Américains seraient contre. Femmes et hommes.

La lutte ne fait que (re)commencer.

Mots-clés IVG , Monde , USA