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Dopesick

Série en huit épisodes, disponible sur Disney+

dimanche 20 février 2022

Dopesick (« En manque ») est une des meilleures séries de 2021. Elle met en lumière tous les aspects du scandale sanitaire de l’OxyContin, qui a coûté la vie à plusieurs centaines de milliers de personnes au cours des trente dernières années aux États-Unis. Par certains aspects, ce scandale rappelle celui du Mediator en France.

En 1995, le laboratoire Purdue Pharma, développe un traitement qualifié de remède miracle contre la douleur. Le médicament, à base d’opioïde, promet de ne pas provoquer de dépendance et de soulager la douleur en continu pendant douze heures. Deux mensonges qui vont faire sombrer dans la dépendance des centaines de milliers d’Américains.

Etalée sur plusieurs années, la série retrace le combat de longue haleine contre le laboratoire pharmaceutique. On y suit notamment une agent des stups, en lutte pour faire changer l’autorisation de mise sur le marché par l’agence américaine du médicament (la FDA), et deux procureurs, qui vont s’acharner pendant plus de cinq ans à prouver la responsabilité des dirigeants du laboratoire dans le scandale. Tout y est dit : la complicité de l’agence du médicament, les relations avec les juges, les pressions politiques, etc. Même l’ancien maire de New York, Rudy Guiliani, est épinglé pour avoir aidé le laboratoire.

Le duo du docteur Finnix, un médecin d’une petite ville de Virginie, naïf et honnête qui prescrit de l’OxyContin et de son commercial de Purdue Pharma, met en lumière la relation complexe entre les médecins et ceux qu’on appelle en France les « visiteurs médicaux », ces commerciaux chargés d’inciter les médecins à prescrire leurs médicaments.

La série s’est aussi donné pour objectif de faire changer de regard sur les victimes de la dépendance et sur les vrais responsables de cette crise. Elle met en parallèle les victimes et le laboratoire, dont la principale défense est de rendre les toxicomanes responsables des dérives de son médicament. Le cas de Betsy est emblématique. Après une blessure du dos à son travail, cette jeune ouvrière des mines se voit prescrire de l’OxyContin et se retrouve prise dans la spirale de la dépendance. La série montre bien que le capitalisme a un visage et, dans le cas présent, il s’appelle Sackler. Cette famille de multimilliardaires (leur fortune actuelle est estimée à dix milliards de dollars), propriétaire de Purdue Pharma, va s’enrichir sur l’OxiContin. Tout au long de la série, on suit leurs savantes machinations pour faire vendre toujours plus d’OxyContin malgré la montagne de cadavres qui s’accumule devant leur porte. Un exemple : en 2010, le laboratoire change la formule de l’OxyContin pour rendre le médicament plus difficile à écraser. Officiellement, il s’agit de lutter contre les toxicomanes qui écrasent les comprimés pour les sniffer. L’objectif réel est moins avouable : en modifiant légèrement la formule, les Sackler s’assurent de la poursuite du brevet (qui arrivait à terme) et de la non-concurrence des génériques.

Les scènes de dîner au milieu d’un musée, où l’on voit la famille prendre les décisions principales concernant l’entreprise et l’OxyContin, sont particulièrement révélatrices : encore aujourd’hui, les Sackler tentent de faire oublier leur rôle dans le scandale sanitaire en se présentant comme des philanthropes et de grands mécènes de l’art. Le Louvre, entre autres, a dû recouvrir la mention « aile Sackler » de ruban adhésif en 2019 après des manifestations organisées devant plusieurs musées contre l’affichage honorifique accordé à leur nom.

Guilaine Thomas

Mots-clés Culture , Industrie pharmaceutique , Santé , Série
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