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L’hôpital a un coût… pas une raison pour en faire une marchandise !

mardi 1er juillet 2008

Dans un article du 18 avril dernier, intitulé « Budget des hôpitaux : une asphyxie programmée, le service public menacé » , la Fédération hospitalière de France (FHF) et les conférences hospitalières de directeurs et de présidents de CME (Commission médicale d’établissement) rappelaient qu’ils dénoncent depuis plusieurs années le sous financement chronique des hôpitaux publics. Ils l’évaluent, pour 2008, à plus de 800 millions d’euros (M€). Ils ajoutent qu’au plan national, ce « manque de financement... représente potentiellement un plan social de près de 20 000 emplois ». Et, évoquant le rapport de la Cour des comptes de septembre 2007, la FHF dénonce également des transferts du public au profit des cliniques et de la médecine de ville à hauteur de 400 M€ pour 2006 et 2007.

C’est bien réel, l’hospitalisation publique va mal. Début 2008, sur la trentaine de CHU du pays, seuls deux établissements ne sont pas dans le rouge. À Nantes, pour faire face au déficit estimé à 58 millions d’euros, on évoque la suppression de près de 900 postes. Les Hospices civils de Lyon annoncent un déficit de près de 100 M€ et on parle de 500 suppressions de postes. Un hôpital de Nice a terminé 2007 avec 36,7 M€ de pertes et prévoit des suppressions importantes d’emplois en CDD comme en CDI, d’après Les échos du 25 avril 2008. Et la liste des plus ou moins petits hôpitaux qui annoncent des suppressions de postes est très longue. En Franche-Comté, Lons-le-Saunier va supprimer 70 postes, soit un tiers des ASH, à Dole 81 agents qui partiront en retraite d’ici à 2012 ne seront pas remplacés et au Centre hospitalier de Belfort et Montbéliard 84 postes dont 45 soignants vont être supprimés. Dans le Nord, l’hôpital de Roubaix annonce un déficit de 6,5 M€, la direction programme 190 suppressions de postes sur 2 600 agents sur trois ans ainsi que la fermeture du service d’hématologie jugé trop coûteux.

Pourtant quand on regarde du côté de l’hospitalisation privée, l’horizon se dégage. La France détient le record européen des hospitalisations en milieu privé à but lucratif (23 %). Les cliniques appartiennent maintenant à des sociétés internationales. La Générale de santé (180 cliniques) a racheté l’hôpital de la Croix Rouge à Paris et vient de verser 420 M€ à ses actionnaires, Vitalia est lié à des fonds de pensions américains, qui exigent des taux de rentabilité du capital de 20 % et Capio santé est passé de 17,5 % de rentabilité en 2006 à 19,5 % en 2007.

Cette situation fait rêver les directeurs de l’hospitalisation publique. G. Vincent, le patron de la FHF dans un entretien au Quotidien du médecin expliquait que les directeurs généraux de CHU demandent que les établissements de santé deviennent des Épic (Établissements publics industriels et commerciaux). Cela leur permettrait d’embaucher tous les nouveaux agents avec des contrats de droit privé...

Quand on veut tuer l’hôpital, il est mauvais et trop cher

Le privé serait donc la panacée, là où l’hospitalisation publique dilapiderait l’argent public. Ça, c’est ce qu’on voudrait nous faire croire.

D’abord si la branche maladie de la Sécurité sociale affiche un déficit de 6 milliards d’euros, c’est essentiellement dû au chômage, à l’État qui ne paye pas ses cotisations et aux exonérations de cotisations accordées au patronat.

Ensuite, si pour la même pathologie l’hôpital public coûte plus cher à la Sécurité sociale, c’est que le secteur privé, lui, coûte beaucoup plus cher... au patient. À l’hôpital, tout est pris en compte : le salaire des médecins tout comme l’ensemble des examens réalisés. Dans le secteur privé, c’est loin d’être la règle : dans la majorité des cas, les examens sont réalisés dans les cabinets de ville et ne sont donc pas pris en compte dans le prix de l’hospitalisation.

Ainsi les dépassements d’honoraires sont d’autant plus prohibitifs que les médecins travaillant en secteur 1 (conventionné) sont devenus rares. D’après l’Igas (Inspection générale des affaires sanitaires) les dépassements atteignent deux milliards d’euros par an. En 2005, le montant de ces derniers facturés par les seuls praticiens exerçant en clinique s’élevait à 470 M€. Dans certaines régions, les spécialistes ne travaillent plus que dans le secteur 2, c’est-à-dire qu’ils sont autorisés à demander des dépassements d’honoraires et ils ne s’en privent pas. Pour se faire soigner, les patients ont le choix entre payer sans être remboursés par la Sécurité sociale ou faire plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un spécialiste travaillant en secteur 1.

D’après Le Monde diplomatique du 23/03/2008, « à Paris, il est commun de devoir payer des dépassements de l’ordre de 500 à 1 000 € pour une cataracte et pour une prothèse de hanche, 3 000 € pour le chirurgien et 1 000 € pour l’anesthésiste  » . Les médecins libéraux, la main sur le coeur, récitent le serment d’ Hippocrate et tonnent que « c’est un faux problème : aucun praticien ne demande systématiquement de compléments d’honoraires ! » à l’instar du docteur Cup, président de l’Union des chirurgiens de France. En fait les chirurgiens libéraux dépasseraient en moyenne les tarifs de la Sécu pour les deux tiers de leur activité. Et beaucoup moins hypocrite que son collègue, le docteur Cousin, président du Syndicat des gynécologues-obstétriciens de France déclarait que si le dépassement d’honoraires en clinique « ne convient pas aux patients, il faut qu’ils aillent à l’hôpital se faire soigner par des praticiens à diplôme étranger » .

Face à cette situation les responsables de plusieurs ARH (Agence régionale de l’hospitalisation) expliquent qu’ils n’ont aucun moyen juridique pour encadrer les tarifs des médecins. Ils ont bien autorité sur les cliniques, mais ils n’en ont aucune sur les praticiens qui y exercent.

Le gouvernement attaque tout le système public de santé, la riposte doit être globale

Le gouvernement a décidé d’offrir aux investisseurs la manne de la santé. La porte est grande ouverte aux compagnies d’assurances complémentaires et en particulier aux assureurs privés. Demain, tout ceux qui gagnent une à deux fois le Smic, soit 50 % des salariés, ne pourront plus se soigner parce qu’ils ne pourront plus se payer une mutuelle.

C’est un problème national, tous les hôpitaux sont touchés. Pour que cesse le scandale de l’argent public servant à financer les actionnaires de la Générale de Santé, Vitalia ou autre Capio Santé, et s’il est un domaine où une réponse globale et une mobilisation générale s’imposerait, c’est bien celui de la santé.

Pourtant dans bien des établissements les élus PS ont voté les budgets, même si cela entraîne des licenciements : ainsi Jean-Marc Ayrault président du groupe socialiste à l’assemblée nationale mais aussi du Conseil d’administration du CHU de Nantes ou encore le maire PS de Roubaix. Ils peuvent bien faire des déclarations contre la politique de Sarkozy, dans les faits ils la mettent en application.

De leur côté, les centrales syndicales restent muettes et n’organisent rien pour apporter une réponse générale à cette attaque contre les agents hospitaliers, mais aussi contre toute la population.

Les personnels tentent bien de réagir dans les hôpitaux où des licenciements ont été annoncés. Ils alertent la population sur ce qui se trame et vont dire au directeur de l’ARH ce qu’ils pensent de cette politique qui donne des milliards au secteur privé pour laisser dépérir le public, mais ces réactions hôpital par hôpital ont forcément des résultats partiels et limités.

Anne FONTAINE


La tarification à l’activité ?

Avec l’entrée en vigueur de la « tarification à l’activité », la T2A, mise en place en 2005, les hôpitaux ne sont plus financés par un budget qui leur était alloué en début d’année et qui sous évaluait déjà leurs besoins, mais en fonction du nombre d’actes qui y sont accomplis.

À chacun de ces actes correspond un tarif fixé par l’administration. En début d’année, c’est le parlement qui vote le montant du coefficient d’augmentation des tarifs. En 2007, ce dernier a augmenté de 3,18 % alors qu’il aurait fallu qu’il le soit de 3,99 % pour simplement maintenir ce qui existe compte tenu de l’inflation.

Depuis janvier 2008, l’activité Médecine, Chirurgie, Obstétrique des établissements est financée à environ 100 % par la T2A. En fait si l’hospitalisation publique semble plus onéreuse que le privé, c’est que l’hôpital assume les pathologies les plus lourdes et les plus coûteuses. Or les tarifs sous-évaluent les coûts des traitements lourds, de patients en réanimation ou en soins intensifs.

Ainsi, d’après la FHF, 74 % des sinusites chroniques sont prises en charge par la clinique quand 67 % des tumeurs ORL sont orientées vers l’hôpital. Il en va de même pour la cardiologie où 55 % des réglages de pacemaker vont au secteur privé, quand 88 % des péricardites ou les myocardites sont prises en charge par le public.


L’exemple de l’hôpital de Besançon

Le CHU de Besançon était lourdement sous-doté par le budget global (ancien mode de financement des hôpitaux). L’ARH, la direction et les élus PS du département ont vanté aux personnels les mérites de la T2A qui devait apporter les financements tant attendus.

Seulement voilà, les recettes espérées ne sont pas arrivées, ou si peu, alors que l’activité augmente régulièrement (1,7 % par an depuis 2004). Il y a plus de travail, mais l’effectif des secteurs n’augmente pratiquement pas (17 créations de postes financés par la T2A pour un établissement d’environ 5 000 agents).

Les établissements sont donc incités à faire de plus en plus d’activités puisque leur financement en dépend. Mais pas n’importe lesquelles, d’abord évidemment celles qui « rapportent » comme les examens en externe ou la chirurgie en ambulatoire. Et la direction de reprocher à ceux qui travaillent principalement avec des patients hospitalisés qu’ils ne sont pas « efficients ». En clair, si un service de radio B fait essentiellement des scanners à des patients en externe, il est rentable. Par contre, la radio A qui a principalement des patients hospitalisés, les moins valides donc, n’est pas « efficiente » !

7 millions d’euros d’heures supplémentaires toujours pas payées

Le personnel se fatigue et les arrêts sont de plus en plus fréquents et moins bien remplacés. Les heures supplémentaires des médecins et des personnels non médicaux s’accumulent sur les Comptes épargne temps (CET) ou simplement sur les pointeuses. Pour tout l’hôpital, cela représente environ 7 M€.

Sarkozy, dans le cadre de son « travailler plus pour gagner plus », expliquait qu’il allait régler le problème scandaleux des heures supplémentaires à l’hôpital. Il promettait même que ces heures supplémentaires seraient sur les fiches de paye de juin. La direction vient de dire que l’on ne connaîtra le montant de l’enveloppe allouée par l’ARH que fin juillet...

En fait, pour les heures supplémentaires entassées en 2007, pour les personnels non médicaux, il est proposé de payer les 14 premières heures de chaque mois à l’indice de l’agent et les heures suivantes à 13 € brut. Et les infirmières spécialisées des blocs opératoires qui ont accumulé le plus grand nombre d’heures supplémentaires, seront payées à un tarif inférieur aux heures normales.

Le 22 avril, la direction a présenté aux représentants du personnel ses prévisions pour le budget 2008. Il mentionnait bien les augmentations de l’énergie (8 %), de l’alimentation (8 %) ou des assurances (11 %) ainsi que les 0,3 M€ créditant un compte appelé « part variable des chirurgiens », mais il n’y avait pas trace des 7 M€ créditant les heures supplémentaires.

Au total, le budget est en déficit d’environ 19 M€, soit environ 5,5 % du budget global. Or, si le déficit dépasse 2,5 %, c’est l’ARH qui prend la gestion de l’établissement en main. Demain, l’ARH du Doubs peut décider de supprimer des postes ou des secteurs d’activités.

Les représentants du personnel, en CTE (comité technique d’établissement) tout comme au CA ont voté contre le budget. Par contre, il a été voté par les représentants de la CME (Commission médicale d’établissement) et les élus, toutes tendances politiques confondues.

A.F.

Mots-clés Entreprises , Hôpital