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Nous sommes tous des travailleurs du monde !

mardi 13 mai 2008

Avec 50 000 à 80 000 emplois supprimés dans le secteur manufacturier chaque année en France depuis cinq ans et l’expatriation d’industries ou de services (centres d’appel, informatique...), le spectre des délocalisations hante la France. Les coupables tout désignés : le coût du travail et les 35 heures.

Des coupables un peu trop parfaits !

Ce qui importe pour un capitaliste, c’est le coût unitaire de production, qui unit le coût salarial et la productivité du salarié. Or en France, il est avantageux : par rapport aux autres pays industrialisés car les salaires sont assez bas ; par rapport aux pays dits « émergents » car la productivité est très forte.

La productivité française est parmi les meilleures du monde, en termes de richesses créées par travailleur (PIB/emploi) ou par heure de travail (PIB/heure travaillée) et elle dépasse largement celle des pays émergents. Pour les patrons, les travailleurs français ne coûtent pas si cher, car ils rapportent beaucoup.

Quelques comparaisons à la France (base 100).

(Source : Organisation Internationale du Travail PIB en parité de pouvoir d’achat. Année 2006).

PaysPIB/emploiPIB/heure travaillée
France 100 100
États-Unis 139 101
Japon 100 71
Allemagne 89 84
Corée du Sud 81 50
République tchèque 52 34
Mexique 35 26
Chine 28 Non chiffré
Brésil 26 23
Inde 12 Non chiffré

Cette propagande aussi vieille que le capitalisme permet d’accroître l’exploitation. De ce point de vue, les États-unis sont incontestablement un modèle du « travailler plus ». Les classes populaires n’y sont pas plus prospères, mais les entreprises américaines en extraient davantage de profits.

Les salariés américains travaillent en moyenne 1 804 heures dans l’année  [1], pour 1 535 en France. Mais ce « retard » français (dans l’exploitation, pas dans le progrès !) n’existe que par rapport aux États-Unis et non par rapport à l’Europe occidentale. En Allemagne, par exemple, on travaille 1 435 heures en moyenne : il n’y a pas eu « les 35 heures », mais il y a 22 % de temps partiels !

L’autre différence entre les États-Unis et la France réside dans l’emploi des jeunes et des plus âgés (la scolarité chère et les retraites trop basses, voire inexistantes pour certains, les poussent au travail). Les 25-54 ans travaillent autant dans les deux pays (environ 80 %), mais si on élargit aux 15-64 ans, on travaille plus outre-atlantique (72 %) qu’en France (62 %).

Si le patronat américain parvient à surexploiter sa classe ouvrière, l’ « atout français » réside dans la productivité horaire. Augmenter le temps de travail (jusqu’à épuisement) et faire travailler davantage les jeunes (inexpérimentés) et les vieux (fatigués), cela fait baisser la productivité moyenne. Pour le patronat français, ce sont moins des priorités que d’augmenter les cadences (d’où la loi sur les 35 heures). L’objectif des dernières réformes est surtout d’amputer les retraites et de contraindre les jeunes à se laisser payer encore plus au lance-pierres.

Travailleurs de tous les pays, unissons-nous !

Le patronat français s’est maintenu en bonne position dans la concurrence mondiale en délaissant des activités industrielles anciennes pour des activités à haute valeur ajoutée, qui rapportent plus. C’était prétendument une protection pour l’emploi en France. Certains groupes – Renault en Roumanie (Dacia), Axa en Inde (services informatiques), Safran au Maroc (pièces pour l’aéronautique)… – construisent des usines avec double avantage pour eux : bas salaires et productivité à l’occidentale. De plus en plus, les salariés, même assez qualifiés, des sites français sont exposés à une concurrence effectivement redoutable.

C’est le fondement même du capitalisme : la mise en concurrence des travailleurs. La seule réponse est politique. C’est l’internationalisme, la solidarité avec les grévistes vietnamiens de Nike et roumains de Renault-Dacia.

Bernard RUDELLI


[1Gilbert Cette, Productivité et croissance en Europe et aux États-Unis (Repères, La Découverte).

Mots-clés Monde , Prolétariat