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Gare de Lyon Part-Dieu : pour leur salaire, les voix de la SNCF se font entendre

samedi 25 décembre 2021

Depuis le 22 décembre, les opérateurs information voyageurs (OIV), plus connus sous le nom de speakers, sont en grève pour requalifier leur poste du niveau C à D. Ce mouvement traduit une demande de hausse des salaires dans un contexte d’évolution du métier dans le cadre de l’ouverture à la concurrence mais surtout de grèves offensives sur cette revendication dans l’entreprise et à l’échelle nationale.

Leur rôle est de diffuser les bonnes informations au bon moment pour orienter les différents opérateurs ferroviaires et les voyageurs dans la gare. Leur capacité à prendre rapidement des décisions en fonction des aléas du trafic permet d’assurer la fiabilité de l’information, ainsi que la sécurité des voyageurs en évitant le blocage des flux de personnes et les dangers liés à la circulation des trains. Bref, sans les speakers, la gare ne fonctionne pas. Ainsi, lorsque tous les OIV de Part-Dieu se sont mis en grève le 17 novembre et que leurs chefs ont voulu les remplacer, les incidents se sont multipliés. Lorsque l’astreinte qui a remplacé les grévistes a affiché des trains au départ sur des quais où les trains devaient partir au dépôt la panique a été telle que la police ferroviaire a menacé d’user de son droit de retrait.

La revendication de requalification du poste est portée par la CGT depuis longtemps. Mais, jusque-là, elle n’avait jamais fait l’objet d’une mobilisation. Néanmoins, le contexte a changé avec l’ouverture à la concurrence. Pour la préparer, la SNCF avait déjà découpé ses activités en services indépendants : SNCF TGV, TER, Gares et connexions. Avec sa mise en place, ce sont encore d’autres compagnies ferroviaires qui arrivent comme Trenitalia qui assure deux allers-retours par jour entre Paris et Milan avec un arrêt à Lyon Part-Dieu. Or, avec la multiplication des opérateurs, le travail des speakers est devenu plus pénible. En effet, la SNCF était une seule et même entité alors qu’aujourd’hui le Centre opérationnel exploitation gare (COEG), la tour de contrôle de la gare, comprend une multiplicité d’acteurs liés par des relations commerciales. La conséquence concrète pour le voyageur est que le sort de sa correspondance dépend d’un accord entre deux entreprises ou plus (TER sur TGV, Ouigo sur TGV, Intercités sur Trenitalia…). Lyon Part-Dieu est la gare qui connaît les plus gros flux de voyageurs en correspondance en Europe. Le travail des speakers est d’autant plus difficile et technique que les opérateurs ferroviaires se multiplient.

Le contexte complexifié de l’exercice du métier a d’ailleurs été bien compris des directeurs de proximité (DPX), les supérieurs directs des speakers. Ceux-ci ont en effet accepté de monter un dossier pour demander le passage à la qualification D du poste. Mais, lorsque que les OIV l’ont présenté au directeur d’établissement (DET) de la Part-Dieu, celui-ci a refusé tout net en leur riant au nez. En avril dernier, la direction considérait que le poste était calibré pour la qualif C, à Lyon comme dans le reste de la France.

Après ce refus, les speakers ont bien compris qu’ils ne pourraient obtenir ce qu’ils demandaient qu’en s’organisant et en luttant. Ainsi, entre le 5 octobre et le 13 décembre, cinq journées de grève ont mobilisé huit agents sur neuf. Sachant qu’il en faut quatre pour faire tourner le poste, les journées ont été suivies à 75 ou 100 %. Tout en maintenant la pression, les OIV ont continué à affirmer qu’ils étaient prêts à négocier avec la direction. À une condition cependant : que les délégations reçues soient tournantes. Tous les grévistes ont donc l’occasion de s’exercer au jeu de la négociation. Cette préoccupation s’inscrit dans la volonté de faire de ce mouvement une mobilisation organisée démocratiquement, où chaque gréviste est un acteur de la lutte. Ainsi s’explique la constance dans les chiffres de la grève. Un exemple de la solidarité qui unit les grévistes : une péréquation est organisée pour que les huit collègues mobilisés supportent à égalité le coût de la grève ; les opérateurs en congé ou en repos les jours de mobilisation reversant une partie de leur salaire de la journée aux autres.

Face à ce mouvement, la direction a bien dû réagir. D’abord en proposant la création de deux ou trois postes de « super » OIV à la qualification D. La manœuvre, grossière, visant à diviser l’équipe a été rejetée. Aujourd’hui, la proposition est de passer tout le monde à la D en échange de nouvelles tâches qui font l’objet de négociations mais à condition d’avoir cinq ans d’ancienneté à la C. Cela reviendrait à attendre 2025 pour les moins bien lotis. Là encore, les grévistes ont pu montrer leur unité en réaffirmant leur revendication : la qualif D pour tout le monde et tout de suite !

Pour obtenir gain de cause, les huit speakers mobilisés sont partis en grève illimitée depuis mercredi 22 décembre. En face, la boite a fait revenir l’encadrement sur ses congés pour éviter une pagaille généralisée dans la gare. Mais ce dernier est épuisé par une fin d’année compliquée par les grèves précédentes et montre des signes de fatigue.

Du côté des grévistes, on se voit bien tenir au moins jusqu’à janvier. Et, la direction est d’autant plus sous pression qu’ailleurs dans la gare le mouvement est regardé avec beaucoup de sympathie et pourrait donner des idées ! À l’espace service par exemple, on ne voit toujours pas la couleur des quinze embauches promises avant l’été. De plus le contexte d’inflation pose de partout la question des salaires. C’est pourquoi les speakers organisent des tournées quotidiennes en gare pour expliquer le mouvement aux collègues, discuter des conditions de travail des uns et des autres ou de combien il manque sur la fiche de paie. Cette préoccupation montre qu’ils ont compris que la victoire de leur mouvement passera par les liens qu’ils sauront tisser et renforcer avec les autres travailleurs de la gare, SNCF ou non.

Correspondants

Mots-clés Entreprises , SNCF
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