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Sur un piquet de Transdev, mercredi 6 octobre 2021

mercredi 6 octobre 2021

Semaine 5, J3 : on souhaite à la STBC « bienvenue dans le monde de la grève ! »

Aujourd’hui, la rue Gustave Nast à Chelles a retenti de plus de klaxons que d’habitude. En cause, le piquet de grève qui s’est planté devant la STBC, filiale de Transdev, et le soutien affiché de la population à la grève. Ce soutien a été le bienvenu : pour beaucoup, c’est la première grève.

Elle s’explique en partie par la détérioration des conditions de travail, dont les grévistes plaisantent. « Tu roules avec des véhicules, le volant il a le cancer ! Même le Covid ne va pas dessus ! – Avant quand un rétro était cassé, le bus ne sortait pas. Maintenant, il te manque une roue, ils te disent ‘‘roule’’ ! » Après les croissants, un gréviste venu de Lagny et accueilli sur le piquet prend la parole, et les accueille à son tour : « Bienvenue dans notre monde… le monde de la grève ! »

Une entrée victorieuse

La journée est vue à tous égards par les grévistes comme une réussite. Ils peuvent se targuer d’un 60 % de grévistes. Ce n’était pas gagné, étant donné l’ambiance du dépôt ces dernières années. La direction à Chelles est en effet particulièrement agressive. La nouvelle directrice a licencié presque 25 % de l’effectif depuis les quelques années qu’elle officie. En anticipation de la grève, elle a fait travailler largement au-delà du temps légal certains salariés (dont un pendant presque 24 heures d’affilée !) pour installer un dépôt sauvage à côté du lycée technique de la ville, et pouvoir continuer la production pendant la grève. Elle avait aussi rappelé aux grévistes la loi : pendant la grève, le contrat de travail est suspendu, donc interdiction formelle pour les grévistes de rentrer dans le dépôt, y compris pour utiliser les toilettes. Décidément, comme avec la suppression des temps de pause, on dirait que c’est son hobby d’empêcher les conducteurs d’aller faire leurs besoins ! Mais à trop pousser le bouchon, c’est la direction qui s’est pris la pression.

Car cette grève est inédite à la STBC. « Je vois des têtes que j’avais jamais vu faire grève avant ! – Toi je pensais pas que tu ferais grève ! Non, je dis ça parce qu’au boulot, tu bosses dur et tu parles pas beaucoup. – Oui, quand je bosse, je bosse. Mais là avec ces nouvelles conditions ce n’est plus possible. » Les grévistes sont contents de leur nombre, et aussi du soutien qu’ils ont reçu de l’extérieur. « On n’avait jamais vu ça, des groupes de grévistes d’autres dépôts qui viennent nous soutenir et renforcer la grève. » Vaux-le-Pénil est là, Lagny et Bailly-Romainvilliers aussi, il y a même un collègue de Keolis Meyer, dans le 91. Cette force collective donne du courage. La directrice a beau faire le chemin de ronde autour de l’entrée du dépôt, comme une sentinelle, le piquet décide d’envahir le dépôt. Face aux grévistes, la directrice ne peut que battre en retraite, et remonter se terrer dans son bureau. « C’est comme dans une opération militaire, reprendre une zone contrôlée par l’ennemi. On a plié notre direction ! » Comme un symbole de la force des grévistes, quand ils sont unis et marchent ensemble. On voit qui fait la loi, finalement !

« C’est un peu tout le monde qui nous a galvanisé »

Les vidéos et audios qui ont tourné par WhatsApp avaient achevé de décider les grévistes à entrer dans cette grève. « C’est un peu tout le monde qui nous a galvanisé. On est en grève pour l’avenir, mais aussi pour changer les conditions de travail présentes. » Et aussi pour les conditions de travail des autres collègues. « Quand la direction dit : ‘‘les appels d’offres c’est pour plus tard’’, elle parle pour ne rien dire. La grève c’est maintenant, et quand on voit les collègues qui perdent des centaines d’euros par mois, on ne peut pas les laisser comme ça. » Comme le disait un gréviste à la manifestation de la veille : « L’esprit de camaraderie c’est beau. Tu sens pendant la grève qu’il y a des gens qui se transcendent. » Beaucoup commencent leur intervention en assemblée générale par : « Je n’ai pas l’habitude de prendre le micro… » Mais « j’y ai été forcé », ajoute un gréviste, « parce que c’est le seul bon moyen pour organiser la grève. » Et ceux qui ont été influencés par des vidéos se mettent à en faire, pour à leur tour emmener leurs collègues dans la grève. Autant dire que s’ils ont réussi à entrer dans leur dépôt, ce n’est pas pour s’y enterrer. « C’est le début de quelque chose ! »

Les grévistes ont reçu l’invitation de leurs collègues de la TRA Villepinte, ce gros dépôt dont l’entrée dans la grève pourrait permettre à cinq cents nouveaux grévistes de peser sur Transdev. « J’y vais demain ! Je suis en grève. Il faut se donner de la force entre nous. » À peine la grève a-t-elle pris dans un nouvel endroit qu’elle cherche à s’étendre ailleurs. C’est que partout les conducteurs, qui font le même métier, savent qu’ils subissent à peu de choses près les mêmes attaques sur leurs conditions de travail.

Quelles revendications pour la grève ?

Des exemplaires du tract signé par des grévistes de la base venant Lieusaint et Vaux-le-Pénil passent de main en main, et certains grévistes le prennent en photo. Même s’il vient d’autres dépôts, les grévistes semblent s’y retrouver, ce qu’illustre une intervention de l’AG : « Le problème, ce n’est pas votre directrice, ou ma direction locale. Le problème c’est l’accord socle, qui concerne tout Transdev. Personne n’en veut. – Mais concrètement, qu’est-ce que ça veut dire sur les fiches de paie ? – Sûrement comme vous, moi ma paie c’est 40 % de primes. Donc avec le différentiel qu’ils ont mis en place, je perds jusqu’à 400 euros par mois. » Dans l’assemblée, les protestations fusent. « 400 euros par mois en moins, et pendant cinq ans ! » Les grévistes de Vaux-le-Pénil avaient déjà fait le calcul : ça vaut bien un mois de grève, voire plus. D’où la revendication d’intégrer les primes au salaire de base, ce qui garantirait au long des appels d’offres le maintien de la rémunération. « Mais pour ça, il faut bloquer les bus. Attention, pas en enfreignant la loi ! Ils n’attendent que ça de nous envoyer les flics. Non, une méthode pour bloquer les bus, c’est être à 100 % de grévistes. C’est pour ça qu’il faut absolument convaincre les collègues, et ceux d’autres dépôts. »

Une autre revendication mise en avant fait mouche, celle de recruter de nouveaux conducteurs. « Pour éviter les services infaisables, la seule solution, c’est de créer des nouveaux services. Ça veut dire embaucher, mais ils ne veulent pas. » Pourtant partager le travail entre ceux qui en ont trop et ceux qui en cherchent semble une idée de bon sens. Mais c’est contraire au sens du profit, le sixième sens des patrons. Pour imposer les revendications du monde du travail, il faut que les travailleurs prennent conscience de leur force. Et cette grève à la STBC, et plus largement à Transdev, montre que c’est bien le cas. « C’est grâce à nous que la boîte elle tourne, mais là ils nous ont mis des services impossibles à faire, en 45 minutes un tour qui en fait 50 ! Quand tu le finis tu es déjà en retard pour le prochain ! – Moi je dis que c’est ceux qui produisent qui devraient organiser la production. – Exactement ! »

Simon Vries

Mots-clés Entreprises , Grève , Transdev , Transports publics
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