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Les Antilles en première ligne face au Covid… et à la maltraitance sanitaire !

jeudi 2 septembre 2021

Depuis de nombreuses semaines, l’épidémie flambe aux Antilles. Les reportages font état de la saturation des hôpitaux, à tel point que des patients sont évacués vers la France, pourtant distante de 7 000 kilomètres. D’autres sont littéralement abandonnés à la mort, non pris en charge, dans une ambiance de « médecine de guerre » et de tri des patients, que dénoncent de nombreux soignants.

Fin août, plus de 500 malades étaient hospitalisés en Guadeloupe, dont 83 en réanimation ; près de 800 en Martinique dont 150 en réa. Les morgues étaient saturées et les pompes funèbres faisaient difficilement face aux nombreux enterrements à organiser. Médias comme gouvernement mettent en avant une unique cause à la gravité de la situation : la faiblesse de la couverture vaccinale parmi la population antillaise. C’est un fait, puisque actuellement seulement 25 % environ des Guadeloupéens et Martiniquais ont reçu au moins une dose de vaccin. Mais ils se gardent bien d’évoquer le fait que cette flambée intervient juste après la réouverture des Antilles au tourisme, sans que la fragilité du système de santé local ait été prise en considération : en Guadeloupe, par exemple, en tout et pour tout, 27 lits de réanimation sont disponibles en temps normal. Les profits des groupes hôteliers passent bien avant la santé de la population… Le ministre de la Santé, Véran, peut toujours mettre en avant l’envoi de la réserve sanitaire et la solidarité de la France, cela n’efface en rien le scandaleux sous-équipement du système hospitalier « outre-mer », dans ces territoires où le temps des colonies continue à sévir et où une grande partie de la population est maintenue dans une situation de misère endémique. D’où un état de santé de la population qui rend l’indigence de prise en charge face au Covid encore plus dramatique : un quart des Antillais présentent des comorbidités qui fragilisent face au virus. La prévalence du diabète et de l’hypertension renvoie au niveau de vie de la population, qui est plus bas qu’en France. Sans parler des agissements des industriels de la malbouffe, qui continuent toujours à sucrer davantage yaourts et sodas aux Antilles que dans l’Hexagone, alors qu’une loi leur impose depuis 2013 de respecter les mêmes taux. De manière générale, l’accès aux soins est déficient. Rien d’étonnant alors à ce que l’accès à la vaccination le soit aussi, quand on voit par exemple les difficultés que les habitants de Seine-Saint-Denis ont eues, eux aussi, pour prendre rendez-vous via Doctolib.

Comme toujours, le gouvernement mise sur la culpabilisation de la population pour tenter de dissimuler ses propres responsabilités. Un discours d’autant plus mal pris aux Antilles que la population a toutes les raisons de n’accorder aucune confiance aux décideurs de Paris. Le scandale du chlordécone, pesticide cancérogène utilisé dans les plantations de bananes, a provoqué récemment de nombreuses mobilisations en Martinique et en Guadeloupe. Alors qu’il avait été interdit en 1976 aux États-Unis, il a été autorisé jusqu’en 1993 aux Antilles, sous la pression des gros planteurs héritiers de la colonisation. Résultat : les sols et les eaux ont été contaminés pour des centaines d’années et 90 % de la population antillaise est empoisonnée. Les autorités ont tout fait pour masquer le problème, puis pour refuser de prendre en charge les victimes. De quoi comprendre l’ampleur de la colère qui s’exprime aujourd’hui dans les manifestations contre le passe sanitaire. Comme en France, la méfiance vis-à-vis de la vaccination est un problème. Au point qu’Élie Domota, à la tête du syndicat indépendantiste UGTG, qui s’était fait connaître lors du mouvement de grève générale contre la vie chère aux Antilles en 2009, clame aujourd’hui haut et fort qu’il ne se fera pas vacciner et que l’hydroxychloroquine serait le remède miracle, rencontrant sans doute un certain écho dans la population. Selon lui, la carence première est l’absence de soins et la désorganisation totale de la santé publique dont l’État français est responsable – certes –, mais il ne met pas en cause – parmi ces carences criminelles – le faible taux de vaccination en Guadeloupe et Martinique – dont l’État français est responsable également [1]. D’autres manifestants et militants syndicaux mettent surtout en avant l’outil de répression que le passe sanitaire représente pour le monde du travail, puisque les salariés sont les premiers visés, menacés de sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement. La CGTG (CGT de la Guadeloupe) prend clairement position sur ce point, affirmant dans un tract du 26 août : « Notre lutte n’est pas une lutte contre le vaccin, c’est une lutte contre les mesures d’obligation vaccinale des travailleurs et le pass sanitaire sous peine de sanction dans les entreprises ! Ce n’est pas la même chose. » [2] Face à l’obligation vaccinale, l’obligation d’embauche et de moyens pour le système de santé est plus que jamais la priorité. Un appel à la grève générale est lancé à partir du 1er septembre, date à partir de laquelle des travailleurs sont menacés de ne pas pouvoir accéder à leur lieu de travail s’ils ne présentent pas de passe sanitaire.

Lydie Grimal


[1Voir une prise de parole d’Élie Domota, à un meeting du 19 août dernier, sur le site : https://la1ere.francetvinfo.fr/guad...

[2Voir le site de la CGTG, sur lequel on trouve des tracts et des vidéos d’interventions lors des récents rassemblements (discours souvent en créole). Voir également le site de Combat ouvrier, groupe lié à Lutte ouvrière.

Mots-clés Covid-19 , Monde , Vaccins
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