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Algérie : les incendies qui ravagent le pays, et la responsabilité des criminels qui gouvernent

mardi 17 août 2021

(Photo : Le jeune artiste Djamel Bensmaïl assassiné)

Après la Californie et la Grèce, depuis une semaine les incendies font aussi rage en Algérie, essentiellement dans les régions montagneuses de Kabylie à l’est d’Alger. Ils ont déjà fait à ce jour 90 morts. « Seules des mains criminelles peuvent être à l’origine du déclenchement simultané d’une cinquantaine d’incendies à travers plusieurs localités de la wilaya », s’est empressé de déclarer le ministre algérien de l’Intérieur (il parle de la « wilaya » de Tizi Ouzou, l’équivalent administratif de nos départements). Et pour en fournir des preuves, en quelques jours plusieurs pyromanes supposés ont été arrêtés par la police. La technique est classique du pouvoir algérien (il n’est pas le seul) : se dédouaner en invoquant, à chaque catastrophe, la « main de l’étranger », la « main invisible », les « groupes anonymes ». Ces discours sont souvent relayés avec zèle par les « oppositions » et se répandent.

C’est dans ce climat que mercredi 11 août, dans la ville de montagne Larbaâ Nath Irathen, encerclée par les flammes, à l’est de la capitale régionale Tizi Ouzou, un jeune homme de 35 ans a été pourchassé, battu à mort et son corps brûlé par des individus rendus fous, le tirant même des mains de la police.

Le jeune Djamel Bensmaïl était un inconnu dans la ville, un « étranger » à la Kabylie elle-même, donc une cible toute trouvée pour les hystériques de la chasse aux « pyromanes », aux « rôdeurs », aux gens d’ailleurs, ouverte par les déclarations gouvernementales. Les préjugés anti-arabes, cultivés par certains milieux particularistes kabyles, ne sont peut-être pas étrangers à cette expédition meurtrière (de telles insultes s’entendaient sur les vidéos qui ont filmé la scène). Mais ils sont très loin de l’expliquer : l’hystérie engendrée par « le mythe des pyromanes » aurait pu frapper bien d’autres et de nombreux doutes subsistent sur l’origine de ce drame. Y compris sur les raisons réelles qu’aurait pu avoir la police d’en faire un « coupable » commode en lui mettant la main dessus.

Car Djamel, jeune artiste engagé, était un militant actif et très connu du Hirak dans sa ville de Miliana. Il était venu en Kabylie, à 115 kilomètres de chez lui, pour aider aux secours et à la lutte contre les incendies, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, venus de diverses régions dans un élan de solidarité assez exceptionnel. Fidèle aux idées de son fils, le père de Djamel, accouru à Larbaâ Nath Irathen, a tenu à affirmer qu’il ne tenait pas la population pour responsable, que pour lui non plus il n’y avait pas de distinction, qu’on était tous solidaires et que « les Kabyles sont nos frères ». Il a ajouté, et c’est la partie de sa déclaration que la télévision a occultée, qu’il faut que la lumière soit faite sur le rôle de la police et qu’il considère que cette dernière a « jeté son fils en pâture aux habitants de la commune ».

La police aurait été débordée, prétexte le parquet. Ou a-t-elle laissé faire ? Ou a-t-elle, elle-même, laissé entendre que le jeune Djamel faisait partie de ces pyromanes qu’on recherche ? Les versions, même celles données par les autorités, sur le déroulement des évènements se contredisent, et les Algériens s’interrogent. On ne saura peut-être jamais la vérité.

Mais une chose est certaine : la responsabilité des autorités et du gouvernement est là, qui, afin de se dédouaner face à la colère de la population pour leur imprévoyance et la pénurie de moyens mis en œuvre, ont brandi le spectre des incendiaires, cultivant complotisme et esprit de clocher.

« Une polémique s’est invitée sur les réseaux autour des incendies en cours. Et la question de responsabilité occupe le devant », écrivent sur leur site les camarades du Parti socialiste des travailleurs (PST) de Bejaïa, en Kabylie. « Oui les responsabilités doivent être situées à commencer par les choix politiques qui ont conduit à la dégradation du service public des forêts : disparition des métiers du réseau de sentinelles constituées, autour des gardes champêtres, l’absence de personnel dédié à l’entretien du domaine forestier et doté de moyens (engins et moyens de surveillance…). Les services des forêts sont devenus une agence de distribution des concessions au profit d’une clientèle loin du domaine forestier et des populations y habitant. Ce qui est consacré par le désengagement progressif de l’État des activités de production, de transformation et de commercialisation forestières au profit du secteur privé en 2007. » L’absence d’entretien des forêts, qui va avec cette privatisation du domaine forestier pour la course aux profits, s’ajoute au réchauffement climatique pour aggraver la propagation des incendies.

Pour lutter contre les feux, comme en ce moment aussi contre la croissance de l’épidémie de Covid-19, l’Algérie manque de moyens ; ses dirigeants consacrent une grande part du budget à l’armée plutôt qu’à la sécurité et aux hôpitaux. Et, minable de minable : ce ne sont pas les deux malheureux canadairs français dont Macron a annoncé par tweet l’envoi en Algérie qui suffiront à combler les besoins.

Olivier Belin

Mots-clés Algérie , Monde
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