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Tunisie : « chute du régime », et maintenant ?

lundi 26 juillet 2021

Hier, dimanche 25 juillet, jour du 64e anniversaire de la proclamation de la fin de la monarchie husseinite et anniversaire de la République en Tunisie, des manifestations ont eu lieu presque partout. Associés à une crise sociale importante, le variant Delta et une quatrième vague meurtrière n’ont fait qu’exacerber les tensions politiques et conflits de classe prégnants ces derniers jours. Au point qu’à la suite des manifestations d’hier, le président vient de limoger le Premier ministre (soutenu par Ennahdha) et dissoudre le gouvernement dans une ambiance de « chute du régime ».

Attaquer Ennahdha et les forces de l’ordre

Les manifestations ont été dispersées par les forces de l’ordre dans la journée, car en Tunisie, s’il n’y a plus d’oxygène, il reste encore beaucoup de lacrymogène. À Sfax (centre-est) des heurts violents avaient éclaté entre les forces de l’ordre et les manifestants qui ont incendié un véhicule antiémeute. Une ambiance rappelant les émeutes de janvier février 2021 et qui laissait présumer de nouvelles nuits d’été ardentes. Ces protestations s’inscrivent dans la continuité de celles qui ont marqué l’année écoulée : contre les violences policières, pour une vie digne, la chute du régime, la dissolution du Parlement et pour enjoindre H. Mechichi, le Premier ministre, et R. Ghannouchi, chef du parti Ennahdha, à dégager. S’ajoute depuis plusieurs semaines la demande d’accès à la vaccination.

Les locaux du parti islamiste Ennahdha ont été ciblés. Les manifestants se montrant déterminés pour les saccager, les occuper ou y mettre le feu comme à Tozeur (sud-ouest). La colère contre Ennahdha n’est pas nouvelle, elle remonte au moins aux manifestations de 2013 à la suite de l’assassinat de l’opposant politique Chokri Belaïd. Toujours majoritaire au Parlement, ce parti représente pour beaucoup le pouvoir en place : un pouvoir incapable, avide, corrompu et responsable de la situation. En réclamant au gouvernement des milliards d’indemnisations pour ses militants au titre d’indemnisation des victimes de la dictature de Ben Ali, en pleine crise économique et sanitaire, le parti a su attiser d’autant plus la colère envers lui.

Et maintenant ?

Face au risque d’embrasement, le président Kaïs Saïed [1] se pose désormais comme celui qui va écouter : pas de vague d’arrestations arbitraires et de tortures cette fois-ci. Après une réunion d’urgence avec les hauts dirigeants de l’armée, il annonce le limogeage du Premier ministre H. Mechichi, soutenu par Ennahdha, et utilise l’article 80 de la Constitution lui permettant la dissolution du gouvernement en prenant la responsabilité de désigner le nouveau chef du gouvernement ainsi que ses nouveaux membres [2]. Une sorte de coup d’État... Il annonce aussi la levée de l’immunité de tous les députés du Parlement (ARP) et présidera lui-même le parquet suivant les affaires soulevées contre les parlementaires. Il évoque également d’autres mesures pour assurer le retour à la paix sociale en avertissant que si « quiconque tire une seule balle, nos forces armées le confronteront à un barrage de balles ».

Dans un communiqué publié le soir même, le parti Ennahdha réagit en appelant ses membres à sortir dans la rue : « ce qu’a fait Kaïs Saïed est un coup d’État contre la révolution et contre la Constitution, et les partisans de Ennahda ainsi que le peuple tunisien défendront la révolution. » Ces derniers étaient très peu nombreux. Les personnes qui sont sorties voulaient clamer leur joie, s’incarnant dans l’espoir d’une chute d’un régime marqué par les exactions contre la population. Quand en haut ça tremble c’est plutôt bon signe. Mais rien ne dit que les islamistes se laisseront facilement faire. L’armée, les fonctionnaires et le personnel politique qui restent au pouvoir sont-ils mieux capables de gérer l’épidémie et la crise économique ? Ces problèmes ne peuvent être résolus que si les masses sont prêtes à aller plus loin.

Nora Debs


[1Vieil universitaire « hors du monde politique », qui sait parler à la jeunesse, ce dernier a été élu sur son image d’homme non corrompu en 2019.

[2Le Conseil des ministres sera présidé par le président de la République.

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