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Micro-entrepreneurs : les patrons de misère

mardi 4 mai 2021

« Si vous ne trouvez pas d’emploi, créez-le vous-mêmes » nous racontent les politiciens chacun leur tour, après avoir éventuellement proposé de traverser la rue, comme Macron. Une façon pour eux de rendre les travailleurs responsables du chômage, tandis qu’ils réduisent les allocations au nom d’un déficit creusé à force d’allègements de cotisations patronales. Nombreux sont ceux qui se sont résolus à « créer leur emploi », tels ces micro-entrepreneurs (nouveau nom des auto-entrepreneurs depuis 2014), dont le nombre a dépassé la barre du million. Le chômage n’en a pas tant baissé pour autant. Et difficile de dire que même ces micro-entrepreneurs soient vraiment sortis du chômage.

Qui sont-ils ?

Contrairement à une idée reçue, ils ne sont pas tous « uberisés ». Fin 2018, derniers chiffres disponibles [1], 9 600 micro-entrepreneurs sont taxis ou VTC et 28 300 sont livreurs (notamment de repas, mais aussi de colis en sous-traitance pour La Poste ou autres). Sur un million ce n’est pas beaucoup !

Le gros des effectifs :

Combien gagnent-ils ?

Si les revenus peuvent varier d’un métier à l’autre, les micro-entrepreneurs ont ce point commun qu’ils restent très bas : 90 % d’entre eux gagnent moins de 1 390 euros net par mois et 75 % moins de 793 euros. Les livreurs sont les plus mal lotis, avec un revenu mensuel inférieur à 668 euros pour 90 % d’entre eux et même moins de 326 euros pour 75 %. Et encore, c’était avant les nouvelles baisses de tarif imposées par les plateformes depuis un an.

Pour certains, il ne s’agit que d’un complément de revenu, car ils gardent une activité salariée en parallèle. C’est le cas de quelques cadres et ingénieurs, qui réalisent quelques prestations en à-côté, plus pour s’amuser que par nécessité. Mais pour beaucoup de ceux qui cumulent, il s’agit surtout d’améliorer un salaire insuffisant. On voit ainsi parfois des postiers s’essayer à la livraison de repas après leur tournée du matin. Parfois, ce sont au contraire les autres activités qui viennent compléter les revenus insuffisants du micro-entreprenariat, que l’on espère voir décoller un jour.

Quant à ceux qui n’ont que leur activité de micro-entrepreneur pour vivre, ils gagnent certes un peu plus (en y passant souvent bien plus qu’un temps plein), mais leurs revenus ne s’envolent pas pour autant : 75 % gagnent moins de 946 euros par mois, tandis que seuls les 10 % les plus chanceux parviennent à dépasser 1 522 euros.

Plus précaire que ça tu meurs

Quant à la durabilité d’un tel emploi, c’est encore une autre affaire ! L’Insee avait déjà mesuré que, parmi les auto-entrepreneurs ayant commencé leur activité en 2010, plus du quart avait cessé toute activité non salariée l’année suivante, la moitié trois ans après et près de six sur dix au bout de cinq ans. Et si leur nombre ne fait que grossir, c’est que les nouveaux micro-entrepreneurs se comptent par centaines de milliers chaque année : ils sont 600 000 à s’être lancés depuis un an, sans doute poussés par la déferlante actuelle de suppressions d’emplois. Mais combien parmi eux ont réellement démarré leur activité et dégagé des revenus, et pour combien de temps ? Les statistiques ne le disent pas encore…

On nous vante les micro-entrepreneurs high-tech de « l’informatique » ou de la « création » qui auraient trouvé liberté et richesse. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le statut de micro-entrepreneur sert surtout au grand patronat, le vrai, pour se débarrasser des contraintes du salariat et du Code du travail en employant comme prestataires une main-d’œuvre ultra-précaire et qui s’apparente en tout point à d’authentiques salariés.

Maurice Spirz


Mots-clés Article , Économie , Livreurs , Ubérisation
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