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La Poste : météo orageuse

lundi 29 mars 2021

La direction du groupe La Poste affiche fièrement un bénéfice de plus de deux milliards d’euros en 2020 et proclame à qui veut l’entendre que ses choix « stratégiques » sont les bons. En bonimenteur aguerri, le patron du groupe, le PDG Philippe Wahl, court les rédactions pour vanter son bilan et déplorer l’inexorable baisse des volumes du courrier et du chiffre d’affaires de cette branche. Les pertes sur le courrier seraient de plus de 1,2 milliard, la crise Covid ayant été un « accélérateur des changements structurels ». Conséquence pour les postiers, l’annonce d’un gigantesque plan de restructurations et de suppressions d’emplois baptisé « plan stratégique 2030 ».

La déclinaison de ce plan de bataille contre les travailleurs et travailleuses du groupe pour l’année 2021 fait froid dans le dos : des centaines de bureaux de poste risquent de fermer et un millier de restructurations auront lieu chez les factrices et facteurs. En clair, des milliers de postes vont disparaître, les conditions de travail et la qualité du service se dégrader encore un peu plus.

Pas de prime, sauf pour les boss

Corollaire habituel des larmes de crocodile patronales, le discours sur les « pertes au courrier » se double d’une sanction financière.

La Poste a pris prétexte de la crise Covid pour ne pas verser de prime d’intéressement malgré un bénéfice de plus de deux milliards d’euros. Pour beaucoup de postiers, le fait de perdre cette prime (entre 300 et 400 euros selon les années) est un coup dur et leur renvoie dans la figure les salaires extrêmement bas. Un jeune postier en début de carrière touche 1200 euros net (sans les petites primes ou les heures supplémentaires qui ne sont d’ailleurs pas toujours payées). Ce non-versement de l’intéressement est la preuve que ce genre de primes est bien pratique pour le patronat : contrairement au salaire, les patrons peuvent les faire sauter facilement et saisir des prétextes variés. Malgré la fusion avec la compagnie d’assurances CNP, les bénéfices juteux de celle-ci étaient exclus du calcul pour le versement aux postiers. Une belle entourloupe cosignée par des syndicats qui ont la plume facile quand il s’agit de collaborer avec la direction.

Cela ne passe pas auprès des postiers. En effet perdre près de 350 euros après avoir travaillé au plus fort de la pandémie et avec une sécurité minimum, ça rappelle que ce qu’il nous faudrait, c’est une hausse générale des salaires !

Cela dit, la suppression de « la prime d’intéressement », posait évidemment problème aux dirigeants du groupe, car cette situation risquait d’avoir un impact sur leur propre part variable. Eurêka, se dirent-ils, faisons un conseil d’administration extraordinaire sur le thème. Et ils le firent. Pendant cette belle réunion l’auguste assemblée décidait de changer les critères d’attribution pour que 600 cadres puissent toucher l’oseille sur laquelle ils comptaient. Un braquage à l’ancienne.

La pression monte

Depuis le début de la crise sanitaire et hormis les milliers de droits de retrait de mars 2020, les luttes dans le secteur étaient plutôt clairsemées malgré une énorme charge de travail (+200 % de colis en décembre !) et une attitude pour le moins agressive de la direction. Cela commence clairement à changer depuis février et l’ambiance est de plus en plus à la contestation. Différents mouvements se déroulent ou se sont déroulés en mars : des grèves de plusieurs jours en Guadeloupe, dans le Val-d’Oise, l’Ille-et-Vilaine, la Haute-Garonne, l’Aveyron, l’Isère ; des rassemblements contre la fermeture des bureaux en Gironde, en pays nantais, dans le Vaucluse et dans de nombreuses villes et villages de province. Dans ce contexte, deux journées de grève et de manifestations ont eu lieu, le 16 mars dans les Hauts-de-Seine et le 27 mars en Gironde. Ces différentes actions ont été couronnées de succès et ont vu la participation de plusieurs centaines de postiers. C’est mieux qu’un encouragement pour la suite.

Changement d’ambiance

La reprise des luttes couplée aux attaques patronales crée un cocktail qui pourrait bien donner lieu à une belle explosion sociale. L’ambiance change singulièrement, la prose syndicale se fait soudain plus offensive et il semble se dessiner une campagne intersyndicale pour une journée d’action « tous métiers » à la Poste.

À l’heure où nous écrivons nous ne pouvons évidemment pas savoir si un mouvement éclatera, mais il semble évident que les conditions commencent à être réunies pour qu’il ait lieu. On voit déjà des convergences à l’œuvre comme en Aveyron entre les postiers en grève et les travailleurs de chez Bosch, ou dans plusieurs régions avec les intermittents. Peut-être le début de quelque chose.

28 mars 2021, Erwan Piam

Mots-clés Entreprises , La Poste
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