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Éditorial des bulletins d’entreprise du RSO (Revolutionär sozialistische Organisation) d’Allemagne, du 17 mars 2021

Exproprier ? Mais faites donc !

vendredi 26 mars 2021

Il devient de plus en plus compliqué de trouver un appartement à Berlin. Qu’on cherche plus grand à cause des enfants, qu’on cherche mieux approprié pour des parents vieillissants ou juste une chambre en colocation – c’est quasiment impossible. Depuis bientôt deux ans, l’initiative « Exproprier Deutsche Wohnen [1] & Cie » essaie de changer quelque chose à cette situation. Impulsée par de nombreuses associations de quartier et mouvements contre les hausses de loyer, cette initiative propose un référendum pour « socialiser » les grandes entreprises immobilières. Celles-ci devraient être reprises par une institution de droit public [2]. Partout dans la ville, les affiches de l’initiative sautent aux yeux, qui réclament « Des loyers accessibles pour tous ! »

Deutsche Wohnen, c’est l’enfer !

Un accent particulier concerne l’entreprise cotée en bourse Deutsche Wohnen, qui possède 110 000 appartements à Berlin. L’entreprise est particulièrement détestée : elle laisse ses logements se délabrer et ne les rénove que pour en chasser les locataires. Régulièrement des habitants se plaignent parce que le chauffage ne fonctionne pas durant l’hiver ou parce qu’on attend des heures au téléphone avant de pouvoir joindre un gardien. De plus, Deutsche Wohnen utilise toutes les astuces pour augmenter les loyers. Le résultat est là : 442 millions d’euros de bénéfices en 2019 !

Le but de l’initiative référendaire

Le logement fait partie de ces marchandises bien particulières dans le système capitaliste, dont on ne peut pas vraiment se passer. Même le droit bourgeois prévoit des mesures de protection. Ainsi, le Sénat de Berlin [3] est régi par une Constitution qui l’oblige à fournir des logements « appropriés » à tous les citoyens – mais tout cela n’est que du papier. « Approprié », cela veut dire des logements dont le loyer avec charges ne dépasse pas 30 % du revenu du locataire. Chaque Berlinois peut lui-même voir où il en est ! Plus loin, on peut lire que : « Tout abus de pouvoir économique est illégal » (Constitution de Berlin, Article 24). Cela sonnerait presque comme une condamnation du capitalisme… mais seulement presque !

En réalité, le cadre légal impose des limites strictes à cette initiative de référendum. Quand on parle « d’expropriation », il s’agit uniquement d’imposer aux entreprises de vendre leurs logements, avec des dédommagements évidemment. En cas de succès, le niveau des loyers des années suivantes serait également fixé, car les dédommagements seraient en partie financés par les futurs loyers. Le Sénat de Berlin, pour repousser cette demande, évalue le coût du dédommagement (exorbitant, dit-il) à quelque 29 millions, au prix actuel du marché, boosté depuis des années par des spéculations. Mais pourquoi ce prix du marché ? En cas d’expropriations, lorsque des villages entiers sont rasés pour faire place à des mines de charbon ou à des autoroutes, l’État ou les autorités ont rarement payé au prix du marché. Les logements actuellement détenus par Deutsche Wohnen ont été vendus à bas prix par le Sénat il y a des années et ont ensuite été laissés à l’abandon. Loyers en hausse, combines financières (le trust a économisé des millions d’euros en impôts sur les transactions immobilières à travers des share deals [4]) : le « dédommagement des entreprises devrait se faire aux moindres frais pour la ville !

Il n’y a que la lutte qui paie !

Que le gouvernement berlinois n’ait aucun intérêt à exproprier les entreprises immobilières, on le voit bien à la manière dont il traite cette initiative de référendum. Tout a été fait pour y mettre des barrières légales. Les propositions de plafonnement des loyers étaient censées couper l’herbe sous le pied du mouvement. Visiblement, sans succès…

Plus d’un millier de personnes participent activement à cette campagne pour des loyers décents, en récoltant des signatures, en collant des affiches, en animant des stands d’information, etc. C’est leur engagement qui a rendu cette campagne visible dans toute la ville et qui a fait de l’« expropriation » un sujet de conversation quotidien. Partout en Allemagne, des actions de solidarité s’organisent.

In fine, tout dépendra de la pression de la rue. Certes, il n’y a pas d’illusions à se faire sur des issues légales satisfaisantes dans le cadre du capitalisme, mais cette campagne – politique – a mis le sujet des loyers à l’ordre du jour et rappelle qu’il reste important de se mobiliser largement contre l’explosion des loyers !

Traduction de l’éditorial du 17 mars 2021 du RSO


[1Deutsche Wohnen (Habitat allemand) est une grande entreprise immobilière qui possède de nombreux immeubles à Berlin et est accusée d’être en grande partie responsable de la hausse des loyers berlinois.

[2En quelque sorte nationalisées par la mairie (ou le Sénat) de Berlin.

[3Le Parlement du Bundesland de Berlin.

[4Un montage financier de cession d’actions qui ne constitue pas légalement un achat, et décharge le propriétaire de l’imposition sur les transactions immobilières.

Mots-clés Allemagne , Logement , Monde
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