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Afghanistan : la France veut sa part du bourbier

jeudi 7 décembre 2006

Les 28 et 29 novembre au sommet de l’Otan à Riga, les États-Unis, embourbés tout autant en Afghanistan qu’en Irak, ont fait appel à l’aide de leurs alliés pour renforcer la présence militaire occidentale dans le sud afghan. En particulier à la France. Un triomphe pour Jacques Chirac qui ne cachait pas sa satisfaction en annonçant qu’il allait répondre favorablement. Oubliées les rumeurs distillées il y a quelques semaines, suivant lesquelles le président français avait décidé de retirer les 200 ou 300soldats des troupes spéciales engagées déjà activement là-bas dans la contre-guérilla. Mais il ne s’agissait sans doute que d’une petite manœuvre destinée à impressionner les États-Unis et préparer son ralliement.

En Afghanistan, l’Otan compte déjà 32000 hommes, essentiellement américains, dont 9800 dans le sud du pays. La France amène sa modeste contribution avec 1100 soldats, essentiellement concentrés dans la région de Kaboul. Mais cinq ans après le début de l’intervention militaire, les talibans donnent bien de la peine aux forces armées occidentales. Malgré la mise en place d’un pouvoir central factice à Kaboul, ils dominent des régions entières du sud et de l’est du pays, le long de la frontière pakistanaise, où ils mènent une guérilla infligeant des pertes sévères aux contingents américain, britannique, canadien et hollandais. Depuis le mois de janvier, les combats et les attentats suicides ont fait 140morts dans les rangs de l’Otan.

À Riga, les marchandages entre grandes ou plus petites puissances ont donc consisté à revoir ces effectifs et leur répartition, pour se renforcer dans les zones du bourbier afghan où l’impérialisme s’enlise. Et Chirac, campant le chef de file, a voulu donner le ton : désormais les troupes françaises se déploieront aussi dans le sud pour soutenir les contingents déjà présents. L’effectif n’est pas augmenté, mais l’arsenal militaire le sera : hélicoptères Cougar, avions Rafale et autre matériel militaire... un petit coup de pub pour les marchands d’armes nationaux ne fait jamais de mal ! En échange de cette aide française, en fait plus politique que militaire, Chirac a obtenu que les opérations se déroulent sous la direction de la France. Il a également obtenu l’instauration d’« un groupe de contact » avec les pays fournisseurs de troupes et contributeurs à la reconstruction en Afghanistan, ce qui est pour le moins paradoxal, les fournisseurs de troupes ayant surtout jusqu’ici contribué... à la destruction du pays. Mais au petit jeu de la destruction, reconstruction, re-destruction, etc... certains groupes espèrent certainement de juteux profits.

Bien incapable du même effort militaire que les États-Unis, la France y prend tout de même sa part et tient à ce que ça se sache. On est loin de l’image que ses diplomates cherchaient encore à nous servir il y a peu : une France d’abord au service de la paix et indépendante des États-Unis. Image cultivée depuis le refus de Chirac et Villepin de s’engager dans la guerre contre l’Irak. En réalité la France est une puissance impérialiste, prête aux aventures militaires tout autant que les États-Unis, avec moins de moyens seulement (à noter quand même qu’elle vient juste derrière ceux-ci en nombre de pays où ses troupes sont stationnées, pratiquement sur tous les continents). La paix ? La guerre ? Seulement des moyens pour défendre ses intérêts suivant les rapports de force qu’elle entretient avec les autres puissances. L’enlisement des États-Unis en Afghanistan la met en situation -ce qui n’était pas le cas dans la période qui a précédé l’intervention en Irak- de renégocier, à son avantage, le rôle et l’influence des uns et des autres dans les instances comme l’Otan où se décide le sort et le pillage du monde.

L’intervention militaire en Afghanistan prétendait apporter au peuple afghan démocratie, paix et sécurité. Mais depuis cinq ans que les forces impérialistes sont dans ce pays, elles n’ont abouti qu’à la mise en place d’un État central corrompu, incapable d’améliorer le sort de la population. Les 30millions d’Afghans connaissent un chômage massif, l’absence de moyens pour se soigner correctement et l’arbitraire des chefs de guerre locaux qui se sont taillés de véritables fiefs où ils font régner leur tyrannie. Quant aux femmes, voilées et opprimées qu’elles étaient sous la dictature des talibans, voilées et opprimées elles restent sous le nouveau gouvernement de Hamid Karzaï.

Pas plus la France que les États-Unis ne peuvent ni semer la démocratie par l’envoi de leurs troupes, ni décider du sort des peuples pour eux. D’autant moins que lorsque ces deux puissances se concertent, c’est pour mieux intensifier la guerre qu’elles leur mènent.

Arthur KLEIN