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Hillbilly Élégie de J.D. Vance

Éditions du Globe, 284 pages, 22 €

mercredi 17 février 2021

On s’est beaucoup interrogé, lors de la dernière élection présidentielle américaine, sur le soutien massif dont jouissait Donald Trump dans toute une partie de la classe ouvrière blanche, soutien que ni les scandales liés à sa Présidence, ni le fait qu’il soit lui-même milliardaire n’ont réussi à entamer.

Le livre Hillbilly Élégie de James David Vance, écrit en 2016, avant que Trump n’ait été désigné comme candidat lors des primaires républicaines, donne quelques clés pour comprendre le phénomène.

Diplômé en droit de la prestigieuse université de Yale, Vance est un avocat d’affaires doublé d’un gérant de fonds de capital-risque. Autant dire un pur produit du capitalisme nord-américain. Ce qui ne l’empêche pas de se pencher avec lucidité sur ses années d’enfance et d’adolescence passées, pour l’essentiel, dans une famille hillbilly, c’est à dire de petits blancs du sud profond.

Le titre original américain du livre, Hillbilly Elegy est suivi d’un bout de phrase, « Mémoire d’une famille et d’une culture en crise », mention absente de l’édition française mais qui rend assez bien compte du contenu de l’ouvrage.

Vance conte son enfance dans une famille pauvre du Kentucky en compagnie de sa sœur aînée, Lindsay, alors que leur père, chrétien évangéliste, les a abandonnés et que leur mère, droguée, collectionne les aventures. Ce sont les grands parents, « Mamaw » et « Papaw » qui prennent alors soin des enfants.

Mais, au travers cette saga familiale, Vance s’intéresse plus généralement à ceux que l’on appelle les « hilbillies », littéralement les « gars des collines », un terme qui, en américain, a un sens généralement péjoratif que l’on pourrait traduire par bouseux, pécores, péquenauds ou culs-terreux. On les surnomme aussi « red necks » (« cous rouges »), voire « white trashes » (déchets blancs). Ils sont nombreux à vivre dans l’immense massif montagneux des Appalaches, dans le sud-est des États-Unis.

Ce sont des communautés qui tentent de survivre dans des conditions matérielles difficiles, qui sont ravagées par l’alcoolisme, la drogue et la délinquance, le culte des armes… et une espérance de vie parmi les plus basses des différents groupes humains du pays.

Dans les années 1950, beaucoup vont tenter leur chance en émigrant vers les états plus au nord qui leur offrent des emplois dans la sidérurgie, l’automobile, le caoutchouc, les mines. La famille quitte alors Jackson, dans le Kentucky, pour Middletown, dans l’Ohio. D’autres choisiront le Michigan ou l’Indiana. Ce sont des états industrialisés où existe une solide tradition démocrate dans la classe ouvrière, les dirigeants syndicaux étant d’ailleurs très souvent acoquinés avec les potentats locaux de ce parti. Et les hillbillies suivent le mouvement et votent alors « à gauche », les démocrates étant supposés être des défenseurs de la classe ouvrière.

Mais cela ne va durer au mieux que deux décennies. La crise économique va transformer les états industriels en « rust belt » (ceinture de rouille), une région dévastée par le chômage et les fermetures d’usine. Nombre de hillbillies connaîtront de nouveau la misère et c’est sur ce désespoir que va surfer un démagogue comme Trump, rendant les démocrates responsables de la crise et promettant le retour à la prospérité et au plein emploi.

On peut évidemment sourire des « solutions » plutôt simplistes, voire carrément réactionnaires, que propose Vance pour régler la question : mettre fin à l’assistanat, faite preuve de volontarisme, se conformer aux préceptes d’une église, voire s’imposer une discipline de vie qu’il a apprise… chez les Marines. Autant de lieux communs qui n’enlèvent cependant rien à l’intérêt de cet ouvrage qui nous fait plonger dans un milieu que l’on a rarement décrit avec autant de justesse.

Jean Liévin


Hillbilly Elegy : le film

L’an dernier le réalisateur américain Ron Howard a porté cet ouvrage à l’écran sous le titre « Une ode américaine ». Un film (1 h 56 mn) que l’on peut voir sur Netflix. Si le scénario suit assez fidèlement la trame originale, la volonté d’Howard d’esthétiser la pauvreté tout en noircissant le trait à outrance (notamment pour le personnage de la mère) l’éloigne beaucoup de l’atmosphère si particulière de l’ouvrage. En outre l’apothéose du film - l’acceptation de Vance dans un grand cabinet d’avocats - ressemble un peu trop à une « happy end » où le héros, sorti de la misère, voit enfin se concrétiser le fameux « rêve américain ». Un lieu commun hollywoodien.

Mots-clés Culture , USA
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