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Maroc : à Kénitra, une grève en travers de la gorge de PSA

lundi 15 février 2021

Le 27 janvier dernier, à l’usine automobile PSA à Kénitra au Maroc, une grève spontanée a bloqué la production. La liste des revendications, présentée à la direction, donne une idée de l’ampleur de l’exploitation quotidienne imposée par PSA : les travailleurs réclament notamment une augmentation des salaires, la régularisation du compteur-modulation de l’année 2020, le règlement des primes liées à « l’overtime », pratique courante dans bien d’autres usines du groupe PSA qui entraîne des heures supplémentaires et des weekends travaillés sans rémunération, l’augmentation des temps de pause, une compensation pour les repas après la fermeture de la cantine, ainsi qu’une couverture médicale dont beaucoup ne disposent pas, ce qui rend impossible l’obtention d’indemnisation en cas d’accident du travail par exemple.

Prétextant « les effets négatifs sur l’entreprise de la crise sanitaire », le directeur de l’usine a répondu à la mobilisation en faisant appel aux forces de l’ordre, encerclant l’usine. Et, dans les jours qui ont suivi, il a viré ceux qu’il considérait comme les meneurs de la grève.

Inaugurée en grande pompe par le roi Mohamed VI en 2019, cette usine PSA réunit près de 2 500 ouvriers pour une production qui, de 100 000 véhicules par an, devrait monter à 200 000 dans l’année qui vient. L’usine est dans une des plus grandes zones franches du continent (Atlantic free zone), spécialisée dans l’automobile et le câblage, et qui regroupe plus de 20 000 salariés. En plus de garantir l’accès à une main-d’œuvre payée une misère (240 euros pour huit heures de travail par jour, six jours sur sept), PSA bénéficie de conditions douanières avantageuses, d’exonération d’impôts, de la mise à disposition de terrains gratuits et même de la construction d’un port pour faciliter l’exportation de ses voitures. Choyés et protégés par le régime, les patrons de PSA se croyaient tout permis au Maroc. Ils sont tombés sur un os.

Et de plus, bien qu’elle fût de courte durée, la mobilisation des ouvriers de PSA Kénitra a eu un retentissement auprès de leurs collègues des usines françaises, notamment à Poissy où travaillent nombre d’ouvriers d’origine marocaine. Cette grève de l’autre côté de la Méditerranée a enthousiasmé et montré que personne à part PSA n’a intérêt à mettre en concurrence les travailleurs entre eux. Des militants syndicaux de la CGT ont diffusé tract et vidéo de solidarité, en arabe et en français, à destination de leurs camarades marocains. Un langage de solidarité ouvrière à l’opposé de celui de tous les politiciens, voire de dirigeants syndicaux, qui n’ont à la bouche que le « produisons français » et les « relocalisations ».

En France comme au Maroc, en Slovaquie ou ailleurs, PSA fait tout pour dégrader les conditions de travail… En même temps l’entreprise empoche l’argent du gouvernement, avec ce « plan de sauvetage » de huit milliards d’euros pour le secteur automobile décidé par Macron au lendemain du premier confinement. Le groupe PSA n’est pourtant pas nécessiteux puisque le 8 mars prochain, les actionnaires de Stellantis, le nouveau groupe formé par la fusion de PSA et Fiat-Chrysler, fêteront ce mariage des deux groupes en se partageant 2,2 milliards d’euros d’actions Faurecia avec un bonus de 308 millions d’euros. Mais dans cette usine du Maroc toute récente, où aucun syndicat n’est toléré par la direction, la première victoire des ouvriers, c’est d’avoir donné à leur patron sa première trouille et une première indigestion aux actionnaires gloutons.

Myriam Rana

Mots-clés Maroc , Monde , PSA
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