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Le point sur les vaccins et la vaccination

dimanche 17 janvier 2021

La vaccination contre le Covid-19 apparaît aujourd’hui comme la porte de sortie de la pandémie qui frappe la planète. L’occasion de rappeler que la vaccination a joué un rôle important dans l’histoire de la lutte contre les épidémies.

Entretien avec une biologiste moléculaire qui nous rappelle l’intérêt de la vaccination.

Remarque : ci-dessous une version raccourcie de l’entretien, publiée dans Convergences révolutionnaires imprimé. On peut lire la transcription complète sur cette page


Dans le cadre d’une épidémie comme celle que nous connaissons aujourd’hui, comment la société humaine peut-elle répondre ?

La première possibilité est de laisser la population s’immuniser : on parle alors d’immunité collective. Celle-ci est atteinte quand un virus ne peut plus se propager dans la population parce qu’il ne rencontre que des personnes protégées par l’infection. Il n’est pas nécessaire que toute la population soit immunisée, il suffit qu’il y en ait suffisamment. Ce phénomène ne confère pas vraiment d’immunité contre le virus, il ne fait que réduire le risque que des personnes vulnérables entrent en contact avec l’agent pathogène. Le problème essentiel de cette approche est que l’épidémie peut faire une hécatombe mortelle avant que l’immunité collective se constitue environ au bout de deux ans. C’est ainsi que la Suède qui avait fait le pari de l’immunité collective compte aujourd’hui trois fois plus de morts que la France pour 100 000 habitants.

Une deuxième façon de réagir est de tenter d’enrayer la progression de l’épidémie en isolant la propagation du virus, comme en Chine où la population a été confinée de façon drastique. C’est radical et, sur le plan purement sanitaire, on doit admettre que cela fonctionne.

Enfin, il reste la possibilité de vacciner la population : c’est-à-dire d’inoculer un agent pathogène atténué ou un morceau de cet agent à un individu pour susciter une réponse immunitaire qui permettra à l’organisme de se défendre efficacement s’il est à nouveau en contact avec cet agent. Une technique déjà employée avec succès dans l’histoire contre d’autres maladies.

Pourrais-tu nous expliquer brièvement l’histoire de la vaccination ?

La préhistoire de la vaccination est attestée par des traces remontant à plus d’un millénaire de pratique d’inoculation dans les tribus africaines, indiennes ou du Caucase. Au Moyen Âge, la variole était très répandue et tuait entre un tiers et un quart de la population. En Chine, on fabriquait des pastilles à partir des croûtes de pustules de variole que l’on introduisait dans le nez de l’enfant. Un enfant sur dix en mourait, mais cela constituait un risque acceptable aux yeux des parents comparé à la mortalité due à la variole.

Au xviie siècle, dans l’empire Ottoman, on parlait de variolisation, une technique qui consistait à introduire dans une veine le pus d’une pustule. L’épouse de l’ambassadeur britannique a importé la technique en Angleterre et a vacciné ses propres enfants. La technique s’est répandue en Angleterre et dans toute l’Europe.

L’invention du principe de la vaccination moderne a lieu à la fin du xviiie siècle, en Angleterre. En 1796, un médecin anglais, Jenner, a inoculé à un jeune garçon le pus prélevé sur une pustule d’une fermière infectée par une variole bénigne des vaches puis, un mois et demi plus tard, lui a inoculé la vraie variole, qui ne se déclenchera pas. C’est du nom latin de cette variole de la vache, Variolae vaccinae, que l’on a tiré le mot « vaccin ».

Au xixe siècle, grâce à Pasteur et à son observation des micro-organismes, un nouveau postulat a été posé : chaque maladie a son microbe. Pasteur a commencé à travailler sur les maladies propres aux animaux puis, en 1885, a inoculé à un enfant qui allait mourir de la rage un vaccin alors expérimental et l’a ainsi sauvé.

Au xxe siècle, les vaccins se sont succédé : contre le choléra, la tuberculose, la coqueluche, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. La vaccination de masse a été initiée sur tous les continents. En 1950, l’URSS parvint à éliminer la variole.

Le risque n’est jamais nul et des accidents tragiques sont survenus, dus à la contamination des vaccins ou à une mauvaise inactivation. En 1955, par exemple, 205 cas de poliomyélite ont été provoqués par une vaccination aux États-Unis.

Au cours de la seconde moitié du xxe siècle, la production des vaccins s’est industrialisée. Jusque dans les années 1980, elle dépendait de laboratoires publics puis elle s’est concentrée en France essentiellement autour de quatre industriels privés, dont Sanofi, l’héritier de Pasteur Vaccins.

Quel est le bilan que l’on pourrait tirer de la vaccination ?

La variole a été officiellement éradiquée à l’échelle planétaire à la fin des années 1970. Pour illustrer l’importance de cette annonce, il faut rappeler que, vers 1750, la moitié des enfants de moins de 10 ans mourait à cause de la variole et l’espérance de vie ne dépassait pas 25 ans.

La poliomyélite est quasiment éradiquée : il y a encore 30 ans, ce virus paralysait plus de 1 000 enfants par jour à travers le monde.

Chaque année entre 2 et 3 millions de décès sont évités grâce à la vaccination et 1,5 million de décès supplémentaires pourraient l’être avec une optimisation de la vaccination.

Mais, depuis l’apparition de la vaccination, des détracteurs apparaissent, provoquant parfois de véritables émeutes. Plus qu’un réel refus de la modernité scientifique, la résistance populaire devant la campagne de vaccination est une résistance à l’administration, à l’État. Même ces derniers temps, des humanitaires se sont fait assassiner en Afghanistan, au Nigeria, au Yémen, car des rumeurs s’étaient répandues, instillant l’idée que la campagne de vaccination avait pour but de stériliser les populations. Bien souvent, malheureusement, ces rumeurs sont entretenues par les pratiques des grands laboratoires pharmaceutiques, comme des essais cliniques illégaux à grande ampleur sur des populations de pays pauvres.

Comment se fait la mise au point d’un vaccin ?

Un candidat vaccin, après une phase de recherche et développement, est testé sur des animaux pour en connaître la toxicité et en extrapoler les doses utilisables pour l’homme, par les essais cliniques. Puis on pourra passer à la fabrication du vaccin sur une grande échelle et vacciner une population.

Fabriquer un vaccin se fait donc en plusieurs étapes :

1. Le microbe contre lequel on souhaite produire un vaccin est sélectionné dans une banque de germes et mis en culture dans des cuves.

2. Les agents pathogènes sont récoltés, concentrés et purifiés.

3. On décide sous quelle forme le microbe sera utilisé afin de provoquer la réponse immunitaire : vivant, avec une virulence atténuée (rubéole, rougeole et oreillons) ; inactivé thermiquement ou chimiquement (tétanos, coqueluche, polio ou diphtérie) ; sous forme d’un fragment (méningocoque, pneumocoque). Depuis peu, on utilise certains gènes codant pour les antigènes sélectionnés du microbe en les insérant dans des cellules de levure (hépatite B). Dernière découverte : l’ARN messager (ARNm) d’un gène codant pour un antigène sélectionné est injecté.

4. Stabilisateurs, agents de conservation et adjuvants peuvent être ajoutés au principe actif.

5. Le vaccin est réparti en doses standardisées.

6. Les lots de vaccins sont contrôlés par l’Agence nationale de sécurité du médicament.

7. Les vaccins sont ensuite distribués.

Souvent quand on pense vaccins on pense effets secondaires et adjuvants : qu’en est-il ?

Les premiers vaccins ne contenaient pas d’adjuvants, ils étaient faits à partir de virus ou bactéries entiers, atténués. Les macrophages stimulaient le système immunitaire avec une multitude d’antigènes, c’est-à-dire de petites parties du corps étranger. On avait alors une réponse immunitaire forte. Mais on a commencé à utiliser des agents morts, voire des fragments de ceux-ci, et l’organisme ne réagissait pas forcément. On a donc ajouté un adjuvant pour créer localement une réaction inflammatoire similaire à ce qui se passerait en cas d’attaque microbienne. L’adjuvant permet de réduire la quantité d’antigènes, il limite le nombre de rappels nécessaires et renforce la réponse des personnes au système immunitaire plus faible, comme les personnes âgées.

Au début on utilisait du tapioca, des miettes de pain, ajoutées au vaccin pour provoquer un abcès local et permettre la réaction inflammatoire. Actuellement le plus utilisé est l’aluminium, qui est suspecté de provoquer de nombreux effets secondaires.

Les derniers vaccins dits à ARNm, comme celui du Covid-19, n’ont pas besoin d’adjuvants. L’ARN messager crée lui-même l’inflammation qui permettra la mobilisation du système immunitaire.