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Le combat féministe dans le parti

mardi 19 janvier 2021

Lors de sa fondation, l’Internationale communiste appelle ses sections à « agir de toutes ses forces en vue de gagner les travailleuses au parti et utiliser tous moyens afin de les instruire dans la signification de la nouvelle société et comment appliquer l’éthique communiste à la vie sociale et familiale ». Cela tranche avec la SFIO et la CGT, réticentes à organiser les femmes, pensant que leur place naturelle est au foyer et que leur travail fait baisser les salaires.

Les femmes sont nombreuses dans les grèves de 1917. Avec la vague révolutionnaire qui traverse l’Europe, le mouvement féministe connaît lui aussi une effervescence. Beaucoup de féministes se rapprochent alors des communistes, qui apparaissent comme les seuls à défendre l’égalité des sexes. Elles sont déjà un certain nombre, pendant la guerre, dans le Comité pour la reprise des relations internationales (CRRI). Les campagnes de la SFIC dénoncent la place des femmes dans la société et leur exclusion des droits politiques, tout en combattant la pénalisation de l’avortement. Mais cette lutte pour l’émancipation des femmes se conjugue avec celle contre le capitalisme et l’exploitation des travailleuses, à l’image de la militante Hélène Brion, qui rebaptise son journal La lutte féministe en La lutte féministe pour le communisme. Il s’agit de se distinguer du féminisme bourgeois, dont les revendications principales (accès aux études supérieures, droit de vote…) concernent peu les ouvrières. En 1922, une revue, L’Ouvrière, est lancée pour s’adresser spécifiquement aux « travailleuses manuelles et intellectuelles ».

Les militantes qui rejoignent le parti sont mises en avant. Pour mettre ses revendications en action, le PC présente des femmes aux élections, y compris en position éligible, à une époque où elles n’ont même pas encore le droit de vote. La place des femmes à la direction est plus importante que dans les rangs du parti. Ce sont cependant surtout des femmes issues de la petite bourgeoisie qui s’engagent, à l’image de Marthe Bigot, institutrice révoquée pour son activité syndicale, élue au comité directeur du parti au congrès de Tours, ou Louise Bodin, journaliste, qui dirige la fédération d’Ille-et-Vilaine entre 1921 et 1923. Dans les milieux ouvriers, certaines branches de la CGTU [1] se féminisent sous l’impulsion de militantes communistes, qui parviennent à organiser des luttes. Au début des années 1920, plusieurs grandes grèves secouent des industries quasi exclusivement composées de femmes, comme la grève des « midinettes », les ouvrières de la mode, à Paris en 1923 ou les sardinières de Douarnenez en Bretagne en 1924.

Au congrès de Marseille (1921)
De gauche à droite : Marie Mayoux, Germaine Goujon, Lucie Colliard, Marthe Bigot, Suzanne Girault.

Cependant, le parti aura du mal à recruter significativement parmi les femmes, qui ne constituent que 4 % des effectifs en 1924, bien moins que les 15 % du parti allemand. L’IC reproche d’ailleurs au parti de négliger le recrutement féminin, pris en charge essentiellement par les femmes. Avec le tournant stalinien, la situation se dégrade. La plupart des militantes féministes quittent le parti, s’opposant à la dérive bureaucratique en URSS et dans le parti, qui freine leur activité militante. En particulier, la politique sectaire « classe contre classe », à la fin des années 1920, ne permet plus de mener une action commune avec les féministes non-communistes.

À partir des années 1930, avec le stalinisme, l’idéologie du PC reprendra un ton plus réactionnaire. Il se mettra à défendre la « famille française » et une politique nataliste opposée à l’avortement et la contraception. Une chanson que continuera de chanter une Jeannette Vermeersch, compagne du chef du parti Maurice Thorez, au tournant des années 1950-1960, alors que commençait à se développer en France le Mouvement pour le planning familial, luttant pour la liberté de la contraception et l’avortement.

É.G. et M.S.


[1Confédération syndicale fondée par les révolutionnaires (communistes, anarchistes et syndicalistes) après leur exclusion de la CGT par la direction réformiste. L’influence des communistes y deviendra vite prépondérante.

Mots-clés Histoire , PCF , Politique
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