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Les pousse-au-crime

lundi 30 octobre 2006

L’incendie d’un bus à Marseille, où une jeune femme de 26 ans a été très grièvement brûlée, est particulièrement odieux. Vengeance stupide de jeunes, refoulés du bus quelques minutes plus tôt, qui aurait tourné mal ? Violence aveugle, pour suivre l’exemple des bus incendiés (mais sans passagers) en banlieue parisienne les jours précédents ? Peut-être. Mais dans cet engrenage, on ne peut pas exclure non plus, lors des précédents incendies de bus de ces derniers jours, l’hypothèse de provocations destinées à alimenter la surenchère sécuritaire.

La presse s’interrogeait la semaine dernière sur l’explosion de colère qu’avait provoquée la mort, il y a un an, de deux adolescents, Zyed et Bouna, électrocutés dans l’enceinte d’un transformateur où ils s’étaient réfugiés pour fuir la police. Le triste anniversaire serait-il l’occasion d’une nouvelle vague de révolte ? Pour l’heure, cela n’a pas été le cas. Les actes de petits commandos qui ont mis le feu à des bus n’ont pas grand-chose à voir avec la révolte de l’an dernier. Même si celle-ci s’était traduite par des voitures brûlées, vitrines cassées ou recherches d’affrontements avec la police, faute d’une conscience sociale que seul le mouvement ouvrier pourrait donner à ces jeunes chômeurs ou fils de chômeurs, délaissés par la société, victimes des tracasseries policières et du racisme, méprisés par ceux qui nous gouvernent.

Depuis un an, rien n’a était fait pour améliorer la situation de la jeunesse des quartiers pauvres, si ce n’est quelques discours. Rien non plus pour rendre plus facile la vie de l’ensemble des habitants de ces quartiers, si ce n’est de menacer les parents de sanctions financières (suppression d’allocations ou de cantine scolaire). Quant à la pauvreté, le chômage et la misère, ils se sont plutôt aggravés.

La sécurité dans les transports publics ? La direction de la RATP (régie de transports parisiens) s’est empressée de déclarer que, face à un commando décidé à incendier un bus, remettre (comme dans le passé) un deuxième agent dans chaque bus ne suffirait pas. A voir. Cela empêcherait déjà bien des incidents de tous les jours, qui empoisonnent la vie des passagers et des chauffeurs qui, rivés à leurs siège, ne peuvent intervenir pour calmer un excité ou faire face à une agression.

Le problème général des banlieues, c’est-à-dire des quartiers pauvres ? Gauche et droite ne se livrent qu’à une polémique politicienne, à qui brandira le plus gros bâton.

La politique d’un Sarkozy traitant l’an dernier les jeunes de « racaille » dont il se faisait fort de « nettoyer les cités au kärcher » avait fait beaucoup pour allumer la colère des banlieues. Ses récentes mises en scène d’interventions et perquisitions massives de la police dans des cités, qu’il a orchestrées, sur convocation des caméras de télévision, ont encore attisé le feu.

Mais quand un Laurent Fabius ou une Ségolène Royal dénoncent les provocations du ministre de l’Intérieur, c’est pour en rajouter dans le même sens : Fabius pour parler des « salopards » qu’il faut « châtier », Royal pour promettre d’envoyer les jeunes fautifs dans « des centres éducatifs fermés ».

S’en prendre aux causes est une autre affaire.

S’en prendre aux très grands délinquants, c’est-à-dire au grand patronat qui a licencié par dizaines de milliers les pères et les mères pour n’offrir au compte-goutte que de sales petits boulots aux enfants ? Jamais question ! Au contraire, l’Etat dirigé par la droite, tout comme les régions dirigées par la gauche, préfèrent arroser de subventions les licencieurs qu’investir dans des services publics pour le plus grand nombre. Et tant pis pour les banlieues ouvrières. La misère, la ségrégation sociale et la ghettoïsation ne feront que grandir avec la poursuite de leurs politiques pro-patronales.

Nous seuls, travailleurs, pouvons donner aux jeunes des quartiers pauvres une perspective. A condition de nous en donner une à nous-mêmes. A condition d’être assez gonflés pour croire à notre revanche collective, cette fois bien ciblée. Et à condition de nous y préparer. Comme en 1936 et 1968. Mieux et plus durablement qu’en 1936 et 1968 !