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2011-2021 : Que reste-t-il du Printemps arabe ?

lundi 18 janvier 2021

L’année 2010, les troupes des USA et de leurs alliés (dont 4 000 soldats français) poursuivaient la guerre d’Afghanistan débutée en 2001. L’Irak était toujours en plein chaos, où l’on faisait pendre à son tour un cousin de feu Saddam Hussein, sur les conseils des vainqueurs « hautement civilisés » de la guerre de 2003. Le monde riche n’était toujours pas sorti de sa crise financière de 2008, et en faisait payer notamment la note à la population grecque (retraites réduites de 15-20 % de la population menacée de pauvreté).

La ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie prévoyait déjà ses vacances de Noël en Tunisie. Avec la Libye, il est vrai, les affaires allaient plus mal : « Les Libyens, ils parlent, ils parlent mais ne nous achètent rien », glissait aux oreilles compatissantes d’une responsable de l’ambassade américaine un diplomate français, déçu du retard pris par l’achat des Rafale promis par Kadhafi à Sarkozy. En Égypte, le président Moubarak était trop vieux pour présenter à nouveau sa candidature en 2012 et les calculs allaient bon train parmi les experts américains pour suggérer le bon remplaçant : le fils de Moubarak, trop insignifiant et impopulaire ; le chef de file des « démocrates », Mohamed El Baradei, ancien directeur général de l’Agence internationale de l’énergie, prix Nobel de la paix, trop peu fiable après leur avoir joué un sale tour en 2003 en refusant de cautionner le mensonge américain sur les prétendues « armes de destruction massive » de l’Irak. Soutenir une alliance entre frères ennemis, armée et frères musulmans, était dans leurs cartons. Élection, élection… les calculs allaient bon train.

Bref, on terminait une année ordinaire… quand le 17 décembre 2010 un de ces innombrables jeunes chômeurs de Tunisie, dans une des villes pauvres du pays, Sidi Bouzid, s’est immolé par le feu, déclenchant par son geste la vague de révoltes qui allait renverser le dictateur tunisien le 14 janvier, se propager en Égypte où Moubarak à son tour était contraint de démissionner le 11 février, toucher le Bahrein, la Syrie, et menacer d’exploser en Libye.

Il y a des moments où trop c’est trop, quand le vieux monde explose à la gueule des possédants…

Les opprimés n’ont pas la mémoire courte

Rappelons cependant que si le monde a été surpris par l’irruption de ces révolutions arabes, celles-ci n’avaient pas éclaté sans signes précurseurs. En Tunisie en 2008, la colère explosait dans la ville de Redeyef, dans le sud du pays, où, à la suite de milliers de suppressions d’emplois dans les mines de phosphate créant un fort chômage, sur fond de favoritisme dans les rares embauches, la mairie et le siège du syndicat UGTT (dont les dirigeants étaient cul et chemise avec ceux de la mine) étaient occupés, pendant que l’armée venait encercler la ville rebelle. De son côté, l’Égypte avait connu en 2007-2008, sous la dictature féroce d’Hosni Moubarak, une des plus grandes grèves de son histoire : celle des 27 000 ouvriers des usines textiles de la ville de Mahalla. Le dernier appel à une grève générale dans la ville le 6 avril 2008 s’était soldé par un échec, policiers et forces antiémeutes ayant envahi la ville, encerclé les usines. Mais il en était resté quelque chose, bien dangereux pour le pouvoir puisque c’est entre autres un « comité du 6 avril », constitué en soutien de cette grève, qui appelait à manifester place Tahrir en janvier 2011 [1].

Alors que reste-t-il à son tour aujourd’hui de cette révolte de 2011, qui a renversé deux dictateurs, s’est propagée dans les pays voisins et a fait trembler un temps les gouvernants des grandes puissances qui voyaient sauter leurs protégés ?

16 janvier 2021, Olivier Belin


[1Sur le déroulement de ce « printemps arabe » de 2011 voir nos articles de 2011 sur notre site : Numéro 73, janvier-février 2011, Numéro 74, mars-avril 2011.

Mots-clés Monde , Révolutions arabes
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