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Le dogme de la « valeur travail » au service de l’exploitation

lundi 7 décembre 2020

Lors de son discours télévisé du 14 juin 2020, Macron a sommé de « travailler davantage pour produire davantage ». En 2018, il prétendait déjà « remettre la France au travail », usant de la vieille formule de Daladier, président du Conseil en 1938, qui avait voulu se débarrasser des 40 heures héritées des grèves de 1936.

Depuis les débuts du capitalisme, patrons et politiciens s’indignent qu’« on » ne travaille pas assez. L’ex-Premier ministre, Édouard Philippe, s’offusquait à la télévision : « On ne travaille pas assez dans ce pays, on ne travaille pas assez dans la semaine, on ne travaille pas assez dans l’année, on ne travaille pas assez dans sa vie. »

Il s’agirait même de nous faire croire que le travail rend libre. Ainsi, Macron n’aime pas le mot « pénibilité », « parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible ». Pour lui, « le travail c’est l’émancipation, c’est ce qui vous donne une place ». Lors de la mise en place des 35 heures, en 2001, le patron du Medef de l’époque, Ernest-Antoine Seillière, regrettait que la valeur du travail se perde : « Avec la politique obstinée des 35 heures, il y a la volonté de rendre le travail secondaire par rapport aux autres activités et le choix délibéré d’éloigner les individus de l’entreprise. Le travail est une valeur fondamentale des sociétés développées, celle qui permet le progrès économique tout en étant le gage d’une vraie liberté. »

Une morale bourgeoise bonne pour le profit

Rien d’étonnant à ce que la bourgeoisie fasse l’éloge du travail (des autres). Quand elle achète à l’ouvrier sa force de travail contre un salaire, elle entend bien en avoir pour son argent. Le loisir du salarié n’est que temps perdu pour son patron. Comme disait Marx, la morale, dans les sociétés de classes, correspond à l’intérêt de la classe dominante.

En 1880, dans son pamphlet Le droit à la paresse, le militant socialiste Paul Lafargue ironisait sur la mauvaise santé des bourgeois, obligés de se gaver pour écouler des marchandises produites par des ouvriers miséreux :

« Aujourd’hui, il n’est fils de parvenu qui ne se croie tenu de développer la prostitution et de mercurialiser son corps pour donner un but au labeur que s’imposent les ouvriers des mines de mercure ; il n’est bourgeois qui ne s’empiffre de chapons truffés et de lafite navigué, pour encourager les éleveurs de la Flèche et les vignerons du Bordelais. À ce métier, l’organisme se délabre rapidement, les cheveux tombent, les dents se déchaussent, le tronc se déforme, le ventre s’entripaille, la respiration s’embarrasse, les mouvements s’alourdissent, les articulations s’ankylosent, les phalanges se nouent. D’autres, trop malingres pour supporter les fatigues de la débauche, mais dotés de la bosse du prudhommisme, dessèchent leur cervelle comme les Garnier de l’économie politique, les Acollas de la philosophie juridique, à élucubrer de gros livres soporifiques pour occuper les loisirs des compositeurs et des imprimeurs. »

Nos grands patrons et agioteurs d’aujourd’hui, bien conseillés par leur coach personnel, se gavent moins de denrées alimentaires et plus de yachts, de voitures de luxe ou autres biens dont la seule fonction est de faire étalage de leur fortune. Ils n’en sont pas pour autant devenus férus de travail.

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