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Pour arrêter le bégaiement de l’histoire

mercredi 28 juin 2006

Dans un entretien au Monde, le 13 février 2006, l’intellectuel - laïque - palestinien Mahmoud Darwich déclarait : « S’il y avait des élections libres dans le monde arabo-musulman, les islamistes l’emporteraient partout, c’est aussi simple que cela ! C’est un monde qui vit profondément dans le sentiment de l’injustice, dont il rend responsable l’Occident. Lequel répond par une forme d’« intégrisme » impérial qui renforce le sentiment d’injustice. » Un rapide tour d’horizon de ce monde arabo-musulman confirme sans conteste le succès actuel de courants extrêmement réactionnaires.

Les partis islamistes représentent pour de nombreux opprimés l’alternative radicale aux vieilles forces qui ont fait la preuve de leur échec. Leur base est populaire, prolétarienne même dans certains cas. Les succès de l’islam politique ont conduit en effet nombre de courants se réclamant d’idéaux laïques ou même socialistes à faire preuve d’une vraie complicité avec les discours religieux... et donc à abandonner sans combat les classes qu’ils prétendaient représenter aux mollahs et au fanatisme.

Les leçons de l’histoire

L’exemple de l’Iran est de ce point de vue particulièrement dramatique. Lors de la révolution de 1979, les partis, sous influence stalinienne ou maoiste, ayant le plus de poids parmi les travailleurs, se réclamaient de la révolution socialiste. Mais ces organisations, comme les autres, se sont ralliées inconditionnellement à Khomeiny. Jusqu’à ce que le régime des mollahs les interdise et élimine physiquement des milliers de leurs militants et d’ouvriers qui leur avaient fait confiance.

Il n’était pourtant pas besoin d’attendre l’expérience dramatique de l’Iran, puis sa répétition en Afghanistan, pour savoir à quelles impasses mortelles pour les masses pauvres pouvait conduire l’idéologie religieuse. Il n’y a évidemment aucun espoir d’émancipation, pour les opprimés du Moyen-Orient, dans l’abandon de leur sort aux mains de clercs prétendant restaurer un ordre mythique, en fait hyper oppressif. Un ordre dont l’impérialisme est toujours en fin de compte le grand bénéficiaire, malgré toute la démagogie anti-occidentale circonstancielle dont sont capables les leaders islamistes.

L’histoire des révolutions du XXe siècle montre bien que l’émancipation politique des peuples et des travailleurs n’est envisageable que si des forces politiques conséquentes, implantées parmi les prolétaires (de plus en plus nombreux au Moyen-Orient comme ailleurs) en défendent la perspective. Après l’échec des nationalismes laïques, celui des nationalismes pseudo-marxisants, après l’énorme régression que représentent les courants religieux, il n’y a toujours pas d’autre choix que de s’attacher à construire de nouvelles organisations prolétariennes révolutionnaires.

Avec les communistes du Moyen-Orient

C’est d’ailleurs ce que tentent quelques militants aujourd’hui. En Iran ou en Irak, notamment, des petits groupes révolutionnaires, parfois proches du trotskysme, essayent de se développer, dans des conditions difficiles, que ce soit à l’intérieur ou en exil. Les informations qu’ils relaient (manifestations de dizaines de milliers de travailleurs le 1er mai dernier à Téhéran, manifestations de femmes en lutte pour leurs droits, etc.) montrent d’ailleurs que, sous le couvercle de plomb des dictatures [1], la colère sociale bouillonne sans doute plus qu’on ne peut l’apercevoir d’Europe.

Il y eut sans doute dans le passé des possibilités de créer et implanter des partis révolutionnaires des travailleurs, dans les années qui suivirent la Deuxième guerre mondiale et connurent des révoltes anticoloniales par exemple, ou encore lors de la révolution iranienne au début de laquelle la mobilisation de la classe ouvrière joua un rôle décisif.

Mais, aujourd’hui, la construction de partis révolutionnaires au Proche-Orient est une perspective neuve, comme elle l’est redevenue en Europe et ailleurs ! Aussi neuve qu’à l’époque où Marx, constatant l’emprise de la religion dans les pays européens, sans doute aussi forte qu’elle l’est deux siècles plus tard au Moyen-Orient, écrivait « La misère religieuse est à la fois l’expression de la misère réelle, et la protestation contre cette misère réelle. C’est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans âme, et l’esprit d’un monde sans esprit. » Constatation peu réjouissante mais dont il n’y avait à tirer, comme il le faisait, que l’urgence et la nécessité de s’atteler à la tâche de construire un mouvement communiste international.

Benoît MARCHAND


[1Sur l’Iran, on pourra par exemple consulter le site http://www.iswn.org, et pour l’Irak http://www.solidariteirak.org

Mots-clés Monde , Moyen Orient
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