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États-Unis : un pays balayé par une explosion des manifestations

(Extraits)

lundi 22 juin 2020

Extraits de la transcription de l’intervention d’une camarade de Speak Out Now, lors du meeting Zoom de l’Étincelle-NPA de dimanche 7 juin. On peut retrouver sur notre site la transcription de l’intervention complète et sur notre chaine Youtube la vidéo de l’intervention.

« …Nous en sommes maintenant à la 13e journée des protestations contre la mort de George Floyd, qui n’ont pas arrêté, du matin jusqu’à tard dans la nuit, à travers le pays. En décembre, on n’aurait jamais pu imaginer ce qu’on vit ici en juin. L’année dernière, il nous semblait que le monde entier éclatait en rébellions. […] Ici aux États-Unis, nous vivions un silence social, avec un fort sentiment de démoralisation face à l’aggravation des conditions de vie de la classe ouvrière. Conditions qui étaient cachées dans la presse par un barrage constant de fausses bonnes nouvelles économiques. Six mois plus tard, voilà que le pays est balayé par une explosion de manifestations.

[…] L’épidémie a durement frappé : nous avons eu aux États-Unis au moins 110 000 morts. Et les pauvres et les travailleurs sont les plus touchés. Les Noirs et les Latinos sont largement surreprésentés parmi les victimes… En tout cas, ce mois de juin, notre monde a été totalement bouleversé.

Des émeutes et manifs contre la violence de la police, nous avons vu ça à maintes reprises au long de notre histoire. […]

D’abord, ce qui est similaire aux mouvements passés : historiquement, le meurtre d’une personne noire, souvent par la police, mais pas seulement, conduit à une explosion de colère, un soulèvement de la communauté noire, et aussi aux pillages et aux incendies dans certaines parties des villes. Cela a été le cas tout au long des xixe, xxe et maintenant xxie siècles. Certains d’entre vous se rappellent les émeutes de 1992 à Los Angeles après l’acquittement des policiers qui avaient tabassé Rodney King, et beaucoup plus connaissent le mouvement Black Lives Matter, qui a commencé en 2012 avec le meurtre de Trayvon Martin… et puis a repris de l’élan en réponse au meurtre de Michael Brown à Ferguson.

À la suite de ces manifs et émeutes, traditionnellement, la communauté fait face à une répression brutale, généralement la garde nationale est appelée à prendre le contrôle des rues. Ensuite, souvent, mais pas toujours, les notables demandent des rapports proposant des réformes de la police, ou des comités chargés de superviser la police. Il est très rare que le gouvernement ensuite propose des réformes qui touchent vraiment aux conditions économiques racistes. […]

Mais maintenant je veux insister sur les différences avec le passé. Cette fois-ci, le mouvement ne commence pas exclusivement dans la communauté noire. Il est très large. […] Nous voyons des gens de toutes les couleurs participer aux manifestations, et de larges pans de la classe moyenne, de la classe ouvrière et des pauvres, tous ensemble dans les grandes villes. Les manifestations ont lieu dans les grandes villes, mais aussi dans les petites villes et les banlieues. Nous voyons des manifestations de quartiers noirs qui se dirigent dans les centres-villes, mais aussi là où il n’y a pas ou presque pas de Noirs du tout. […] Une autre différence est que nous avons assisté à un rare déferlement de soutiens dans les médias, parmi les reporters qui interviewent des manifestants qui se mettent à pleurer à la télévision, C’est contradictoire, bien sûr, parce que nous avons encore des reportages qui se concentrent sur les incendies et les pillages, comme d’habitude.

Je crois qu’une des raisons pour cette différence d’ampleur du mouvement [tient au] changement de conscience qu’a produit le mouvement BlackLivesMatter (Les vies noires comptent). […] Cette génération qui est dans la rue aujourd’hui, a eu cette expérience de passer de l’âge de 10 à 18 ans sous l’influence de ce mouvement, connaissant les noms des tués, sous le slogan de « Say Their Names » (dites leur nom). Dans mon lycée par exemple, un mur entier est recouvert par le nom des Noirs et Latinos tués ces six dernières années […] Beaucoup de jeunes Blancs répètent ce qu’ils entendent chez les Noirs : c’est aux Blancs d’arrêter le racisme. On entend aussi que les vrais voleurs, voyous et meurtriers sont blancs, que le vrai crime, ce n’est pas de piller un magasin ou d’allumer un incendie.

Et la réponse des forces de l’ordre ? De la police ? La garde nationale ?

Face à ce vaste mouvement de protestation multiracial, nous constatons que bien sûr, il y a de la violence policière, des gaz lacrymogènes, des flash-balls, et près de San Francisco, dans la ville de Vallejo, un Latino de 22 ans, Sean Monterrosa, a été tué par balle mardi dernier, alors qu’il était à genou, les bras en l’air. À New York et Washington jeudi, la police a entouré les manifestants, une tactique qui s’appelle kettling, pour ensuite les matraquer et les couvrir de gaz lacrymogènes. Et puis… les couvre-feux, mais ensuite, il semble y avoir un accord, surtout dans les États et les villes qui sont sous le contrôle du Parti démocrate, mais pas seulement, pour réagir avec plus de retenue dans l’ensemble que par le passé. Bien sûr, cela peut changer très rapidement ! Mais c’est ce que nous constatons en ce moment.

Certaines différences sont étonnantes : notre première surprise a été que Derek Chauvin, l’assassin de Floyd, a été accusé de meurtre au deuxième degré et emprisonné quatre jours après le crime – c’était trop long, bien sûr, mais très rapide par rapport à ce qui se passe habituellement. […] Dans certains cas, la police s’est jointe aux manifestants, et tous ont défilé bras dessus, bras dessous ! Certains des policiers se sont mis « à genoux », dans la tradition du célèbre joueur de football américain, Colin Kaepernick. […]

Puis il y a les politiciens

Dans le camp de Trump : nous avons les performances extraordinaires de Trump, qui a eu comme politique d’attiser les flammes de la lutte raciale. Mais ça ne s’est pas très bien passé pour lui. Des militaires importants ont désavoué sa politique. […] Son barrage de tweets racistes a certainement une base de partisans : ceux qui croient à sa propagande et que les manifestants sont des « antifas terroristes ». Et encore, il y a des bandes de suprémacistes blancs qui brisent eux-mêmes les vitrines et sont responsables de pillages pour discréditer les protestations. Mais il se peut qu’à l’heure actuelle, la crise du virus, la crise économique massive, et maintenant cette utilisation des militaires contre des manifestants pacifiques lui coûtent une partie de sa base.

Du côté de l’opposition

Les politiciens du Parti démocrate s’offrent souvent comme alternative en essayant de prendre la tête des manifs. Aujourd’hui, le parti veut renaître en se dressant contre Trump en répondant au meurtre de Floyd. C’est ce qu’on a vu à Los Angeles, où le maire, qui est latino, prend la tête des manifestations. Le maire de San Francisco l’a fait aussi. Le maire de Minneapolis, et beaucoup d’autres, soutiennent les manifestations, bien qu’ils soient bien sûr opposés à briser des vitres et à mettre le feu. La maire noire de Washington a fait peindre une rue avec les mots BLM et l’a nommée « place Black Lives Matter ».

Jeudi, des villes comme San Francisco, Oakland et Seattle ont mis fin à leur couvre-feu en réponse à la pression croissante des manifestants. Ici à Oakland, des milliers de manifestants ont dansé dans les rues pour défier le couvre-feu, sans conséquence, et donc, il a été levé. Mercredi, Obama s’est prononcé en défense des manifestations. Les politiciens noirs, les ONG, chantent le même refrain : il n’y aura pas de futur si nous ne gagnons pas ces élections.

Il nous semble donc évident que la majorité de la classe dirigeante veut faire attention à ne pas provoquer la population en ce moment, et espère qu’en soutenant une bonne partie des manifestants, elle pourra faire passer la protestation par des canaux sûrs, et redonner confiance au peuple dans les élus et les commissions de surveillance de la police, et dans les élections futures. »

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