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Sur la politique de traçage des malades par le gouvernement

À qui profite la collecte des données médicales  ?

dimanche 7 juin 2020

L’effet magique du 11 mai, date retenue pour pousser le plus grand nombre possible de travailleurs à rejoindre leur lieu de travail, s’accompagne de mesures initialement considérées comme inutiles par ce même gouvernement : port du masque, obligatoire cette fois dans de nombreux cas, dépistage plus massif qui devient urgent, prise en charge des personnes atteintes du Covid-19 et même de leur entourage, voire de tous leurs contacts… Quelle mouche pique ce gouvernement et le pousse désormais à déployer des moyens massifs, en apparence du moins, pour dépister et contrôler la transmission du Covid-19 ?

Le gouvernement atteint par le virus du dépistage ?

Le gouvernement affirme que ces informations seront entre les mains de caisses de maladie et des médecins, mais aussi des « brigades Covid » qui seront chargées de contacter et d’enquêter sur les individus contaminés ou ayant croisé une personne contaminée. (Voir Dépistage de la maladie ou pistage des malades ?)

Dès le début de l’épidémie, comme pour toute épidémie, il paraît évident de considérer que dépister, protéger, isoler et soigner, c’est le principe même de la prise en charge et de la prévention. Le gouvernement s’est d’abord assis sur ces principes. Il prétend, des mois après, vouloir y revenir. On ne peut pas lui faire confiance après tant d’incohérence et de mensonges. Son opération de suivi du Covid-19 paraît bien tardive pour être efficace et semble plus destinée à faire passer la reprise de la production au pas de charge qu’autre chose. Et plus cela fera de bruit, plus cela mobilisera, les médecins et les soignants, les bénévoles, les écoles, les travailleurs, plus cela brouillera les repères sur l’épidémie d’une part et sur le but de l’opération : au boulot !

Pistage plus que dépistage, cela semble être le véritable choix du gouvernement tant les moyens mis en œuvre en termes de prévention sont insuffisants pour la politique annoncée : les écoles sous-équipées, les masques en pénurie et coûteux, les transports qui ne peuvent respecter les mesures annoncées. Quant au dépistage possible, il serait plutôt de 250 000 tests par semaine selon les syndicats de biologistes, plutôt que les 700 000 annoncés. Reste que le pistage des individus est une mesure qui mérite qu’on s’y arrête : un fichage informatisé et un suivi à cette échelle est loin d’être anodin.      

La poule aux œufs d’or des informations personnelles

Les données médicales sont actuellement entre les mains des services de santé, qui ne les partagent pas forcément entre eux, d’un médecin à un autre, d’un hôpital à un autre, d’un pharmacien à un autre, et même les caisses de maladie ont une obligation de secret. Les systèmes informatiques des médecins et des hôpitaux sont jusqu’à présent trop incompatibles, et même archaïques parfois, pour centraliser toutes ces informations. Ce ne sera pas le cas demain si des décisions sont prises à grande échelle. Sur le principe, la communication d’informations personnelles doit se faire avec le consentement de la personne concernée, mais les mesures annoncées par le gouvernement sont-elles toujours prises avec cette optique ?

On peut avoir la tentation de considérer que les informations collectées lors de cette opération gouvernementale, ce sont des informations « pour notre bien » ou « pour le bien commun », mais leur efficacité pour ce qui est de la santé s’annonce déjà très limitée par les moyens mis en œuvre et l’incohérence de certaines mesures : école, transport, travail dans certaines conditions en entreprise. Ce qui peut rester, ce sont les informations collectées de gré ou de force à cette occasion. Ces informations peuvent intéresser beaucoup de monde, et ce n’est pas par hasard que des géants de l’informatique comme Apple ou Google se placent sur ce secteur. D’ailleurs, le secteur santé les intéresse fortement, non seulement pour amplifier leurs ventes de matériel ou de logiciels, mais aussi pour collecter massivement des informations en plus de la localisation, le mode de vie, les achats, les liens et le type de réseaux sociaux.

Ainsi, Apple vend une montre connectée agréée par les services officiels de santé pour la cardiologie par exemple, mais elle collecte aussi, tout comme Google, des informations sur la pratique sportive, le nombre de pas effectués dans la journée, l’alimentation, le sommeil, la consommation… Autant de données qui permettent de créer des profils individuels monnayables par des sociétés spécialisées dans le ciblage de la publicité, notamment en ligne. Pour Google, la collecte d’informations personnelles, dont le contenu des mails, de la messagerie, des recherches et des consultations de sites, constitue même son fonds de commerce. Ces informations sont revendues à qui veut, avec l’accord implicite de la personne en cas de non-opposition devant cette collecte. Encore faut-il le savoir, et savoir parcourir le dédale informatique qui permet de s’y opposer, ne serait-ce que partiellement.

Devant ce constat, il faut bien se rendre à l’évidence que l’information collectée et croisée à une échelle de masse est devenue une valeur marchande et une source de profit. Et Apple et Google ne s’y sont pas trompé, eux qui ont proposé très tôt un outil informatique de traçage informatique dans la lutte contre le Covid-19 [1]. Le choix du gouvernement de passer par la collecte des informations personnelles doit donc être analysé sous cet angle.

Une protection de la vie privée en trompe-l’œil

Le gouvernement, sous prétexte de protection de la vie privée, on croit rêver, affirme ne pas vouloir en passer par Apple ou Google pour son application « StopCovid », un nom sans doute trop ambitieux pour l’efficacité réelle que risque d’avoir cette application. (Voir StopCovid : une pierre de plus à la prison numérique) Mais, d’une part, il apparaît difficile de se passer d’eux : ils représentent à eux deux pratiquement 99 % des systèmes logiciels de base (systèmes d’exploitation) des smartphones (Android pour Google, iOS pour Apple), et il faut en passer par leurs conditions pour installer un logiciel, comme une application de dépistage du Covid-19. Et d’autre part, on peut se demander si cette affirmation du gouvernement est guidée principalement par la préoccupation de ne pas livrer à des entreprises américaines les données de ses propres ressortissants et avec un réel souci de protection de la vie privée, mais flirte bien plutôt avec le nationalisme et le protectionnisme économique.

Quoi qu’il en soit de cette application, les données collectées s’ajouteraient et se croiseraient avec les données fournies par les individus, les services médicaux, les brigades de volontaires et autres enquêteurs poussés par le gouvernement. Des informations isolées peuvent ne pas être significatives et dangereuses, mais le croisement des ces informations, et particulièrement si cela concerne la santé, est une d’une toute autre portée.

Certains services de l’État doivent se frotter les mains et doivent rêver de faire main basse sur ces données alors qu’ils ont déjà accès à peu près à tout le reste, à conditions d’en avoir l’autorisation (ou pas) et les moyens (techniques). Il en est de même pour votre patron qui pourrait vous sélectionner ou faire pression sur vous [2], votre bailleur qui pourrait réfléchir à vous signer un bail, votre assureur à vous assurer, votre banque à vous consentir un crédit, la médecine privée à vous soigner.

Bertrand Lepage


[2Voire vous licencier, ce qui a été le cas pour certains travailleurs poussés à démissionner, ou à finir leur période d’essai, lors de l’épidémie du VIH.

Mots-clés Covid-19 , Sciences
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