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L’intervention de l’extrême gauche trotskyste : Construire le mouvement... donc aussi sa direction

mardi 25 avril 2006

À peu près tous les groupes d’extrême gauche se sont impliqués dans le mouvement des jeunes contre le CPE : agitation sur les facs puis les lycées, tracts ou affiches, participation aux comités unitaires anti-CPE. LO n’a pas fait exception avec son style propre, même si elle n’a pas jugé opportun lorsque cela lui a été proposé de démarrer une campagne de propagande contre le CPE dès janvier : accent sur les tracts aux lycéens, réticences à la participation aux comités unitaires, traditionnelles et en général justifiées, moins pourtant dans cette affaire. Ces réunions de la gauche, de l’extrême gauche et des syndicats avaient pour but d’aider à un combat juste et non pas, comme c’est souvent le cas, de conclure une alliance politique qui aboutit à mettre l’extrême gauche à la remorque de la gauche.

Lorsque l’on est passé au stade suivant, celui de la construction d’un mouvement réel et non plus de la simple « agitation », les militants de LO ont bien pris leur part dans les tournées d’amphis, les premières manifestations, les AG, les structures de villes, voire les blocages (quoi que la majorité de notre organisation ait écrit plus tard), bref toutes les actions nécessaires à la mobilisation. Les camarades ont donc œuvré avec d’autres à l’élargissement du mouvement, vers les étudiants, puis les lycéens, enfin les salariés.

Dans cette dernière phase ils ont même joué un rôle indéniable aux côtés d’autres militants syndicaux ou politiques qui regardaient avec sympathie la mobilisation de la jeunesse. Là où ils le pouvaient, ils ont mis en cheville les étudiants mobilisés et les salariés en étant à l’initiative de l’accueil des étudiants et lycéens venus aux portes des entreprises, accueils qui ont largement contribué à ancrer chez les jeunes la conviction que la liaison étudiants-travailleurs était non seulement nécessaire mais possible. Idée fondamentale et qui sera, nous n’en doutons pas, un des vrais acquis de ce mouvement.

Au sein de la direction du mouvement

Cela rend d’autant plus regrettable la réticence de la majorité de notre organisation à s’impliquer dans la bataille pour donner une politique à la direction du mouvement, voire parfois son quasi mutisme dans les débats de la coordination nationale.

Certes, cette dernière a connu bien des tâtonnements et souffert de toutes sortes de défauts : débats sans fin, tendance à penser que le seul verbe pourrait entraîner des millions de personnes dans la rue, « radicalisme » stérile, préjugés anti-syndicalistes ou anti-politiques, etc. Pourtant, c’est grâce à son existence que la jeunesse mobilisée a pu rythmer son mouvement par des manifestations hebdomadaires ; qu’ont pu se mettre en place toutes sortes d’initiatives, en particulier dans les dernières semaines, permettant à chacun de ne pas rester dans son coin et au mouvement de faire parler de lui dans les intervalles qui séparait les journées de mobilisation par les syndicats.

La seule chance d’ailleurs de ne pas laisser ceux-ci seuls aux commandes (danger vérifié quand après le 4 avril, ils ont pratiquement décidé de mettre fin au mouvement pour passer aux négociations) et de pouvoir parler d’égal à égal avec eux (ce qui n’a pas été vraiment atteint bien sûr, mais a au moins été tenté) n’était-elle pas de se donner une direction autonome ? Une délégation a été élue par la coordination nationale pour s’adresser aux syndicats et leur proposer un certain nombre d’initiatives. Si elle a fini par se faire recevoir par l’intersyndicale, elle n’a pu s’imposer au même titre que l’Unef aux yeux des autres confédérations - il aurait sans doute fallu pour cela que le mouvement passe à un nouveau stade. Sur cette question par exemple, LO a d’abord refusé d’élire une délégation, changeant d’avis la semaine suivante. Signe manifeste d’une absence d’élaboration politique sur les questions tactiques du mouvement. LO s’est ralliée à ce que faisait d’autres... avec un train de retard.

N’était-elle pas favorable au fait que le mouvement se dote d’une direction propre ? Et le rôle des révolutionnaires n’est-il pas de se proposer pour la construire et y participer pleinement ? Sous peine de laisser la direction à d’autres, bureaucrates, réformistes ou ultragauchistes ?

La faute aux autres ?

LO pouvait bien écrire avec une certaine mauvaise foi que « les groupes qui prétendent diriger le mouvement ou qui pensent qu’ils le dirigent puisqu’ils s’alignent sur ses défauts et sur ses insuffisances au lieu de chercher à le rendre toujours plus conscient, ont une large part de responsabilité. Même avec le mot « radicalisation » à la bouche, ils ne font pas avancer le mouvement, mais le font reculer » [1]. Tout d’abord, on combat rarement les insuffisances des autres par l’abstention ou les simples leçons de morale.

Ensuite, dommage que l’article de la Lutte de Classe en question, qui semble ignorer totalement l’existence d’une coordination nationale (même si les étudiants de LO ont finalement fait le choix de s’y faire élire), ne précise pas qui sont ces « groupes qui prétendent diriger le mouvement » qu’elle accuse de tous les maux.

Enfin, ce n’est pas grâce au parti pris par LO consistant à venir en observatrice aux coordinations, que les minorités qui « s’alignent sur les défauts et les insuffisances » du mouvement ont été combattues. En d’autres termes, si ces minorités n’ont pas monopolisé la direction du mouvement, justement, le mérite n’en revient nullement à LO, mais à d’autres révolutionnaires (en particulier JCR et Fraction de LO) ayant fait le choix de se battre pour proposer à chaque étape des perspectives d’élargissement du mouvement, des échéances de mobilisation unitaires avec les travailleurs, une attitude et un langage juste envers les syndicats de salariés et des consignes visant à multiplier les contacts avec les entreprises.

Les militants trotskystes, tant de LO (majorité et Fraction) que des différentes tendances de la LCR, se sont tous retrouvés d’accord dans ce mouvement pour tenter de faire la jonction avec les travailleurs. Et c’est évidemment un point essentiel. Il n’en reste pas moins que les militants de la Fraction ont constaté de notables divergences - disons tactiques - avec la majorité de notre organisation sur les possibilités des révolutionnaires de peser sur ce mouvement, donc sur nos façons respectives d’y intervenir.

Clara SOLDINI


[1Lutte de classe n°96 « CPE : l’épreuve de force continue. Il faut la gagner », p 6

Mots-clés CPE , Extrême gauche , Politique