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Extinction Rebellion : de la rébellion à la révolution ?

mardi 29 octobre 2019

Extinction Rebellion (« XR ») est un mouvement écologiste créé en Angleterre à l’automne 2018 et qui a depuis essaimé partout dans le monde dans le sillage des grèves sur le climat. Il met en avant l’urgence de lutter contre le changement climatique et l’extinction de la biodiversité. Critiquant la frilosité des organisations environnementales institutionnelles, XR propose la désobéissance civile comme mode d’action principal. Depuis un an, ses militants multiplient ainsi les actions « coup de poing ». À Paris, à l’occasion de la « semaine de rébellion internationale » début octobre, plusieurs centaines de personnes – dont une bonne partie de jeunes – ont ainsi participé à l’occupation du centre commercial Italie 2 puis de la place du Châtelet, au centre de Paris, pendant plusieurs jours.

Ces actions servent de caisse de résonance à l’urgence environnementale et pointent du doigt à juste titre l’inaction et l’hypocrisie du gouvernement. Ségolène Royal a oublié de se taire en déclarant « qu’il y a une instrumentalisation de l’écologie par ces groupes violents et qu’il faut les réprimer très rapidement, parce que c’est une dégradation de l’image de l’écologie » ! Mais « l’instrumentalisation », elle se trouve du côté des politiciens et des grandes entreprises qui utilisent l’écologie comme prétexte pour justifier des licenciements et des taxes. Et ce alors qu’ils sont les premiers responsables de la destruction de la planète. Décharges sauvages, rejets toxiques, manque d’entretien et d’effectifs, absence de mesures de sécurité et de contrôle : tout est bon pour réduire les coûts au mépris des conséquences sanitaires et environnementales que cela peut entraîner, à l’instar de la catastrophe de Lubrizol.

XR gagne aujourd’hui un certain écho dans une partie de la jeunesse qui cherche à s’engager et militer sur ces questions environnementales. Dans la myriade des organisations politiques et associatives « écolo », XR apparait comme une des options les plus « radicales » proposant des actions déterminées et pointant du doigt la nécessité d’un changement global et rapide au-delà des discours lénifiants sur les petits gestes que chacun pourrait faire pour changer la planète.

Se faire entendre, oui ! Mais auprès de qui et pour dire quoi ?

Mais à y regarder de plus près, les perspectives politiques proposées par Extinction Rebellion restent floues et bien timorées par rapport à la radicalité affichée.

La première revendication de la branche française de XR est ainsi de demander a l’État « une communication honnête » et « une reconnaissance de la gravité des crises écologiques ». Pas de quoi faire trembler grand monde en haut ! XR prône de plus la constitution d’une « assemblée citoyenne » statuant sur les meilleures décisions à prendre en matière écologique. Mais qui la composera et sous quels critères ? Et comment ne pas être soumis, quelles que soient les mesures prônées, aux choix des grands capitalistes ? Ce sont bien eux qui détiennent aujourd’hui le pouvoir de décider ce qu’on produit et comment. XR semble ainsi considérer que l’écologie est uniquement une affaire de prise de conscience à l’échelle de la société. Mais gérer écologiquement la planète se fera nécessairement contre les intérêts de cette minorité et des gouvernements à leur service.

Si XR formule une certaine critique du système économique, celle-ci ne vise pas le capitalisme dans ses logiques fondamentales : il s’agirait par exemple de « réduire la consommation ». Mais celle de qui ? De la minorité la plus riche qui pollue le plus ou de l’ensemble de la population, quel que soit son niveau de vie ? Quant aux changements nécessaires de mode de vie – en termes de logement, d’alimentation ou de déplacement –, ils ne peuvent se réaliser à grande échelle qu’en réorganisant totalement la société autour des besoins de la population et non de la recherche du profit.

Enfin, la question de la jonction avec les luttes sociales reste floue dans les actions et les discours de certains militants d’XR, accréditant l’idée qu’il ne faudrait pas mélanger les combats. Erreur fondamentale selon nous, parce que les combats des plus pauvres contre les taxes et/ou des travailleurs contre des « licenciements verts » en chantier ne s’opposent pas au combat pour une autre planète. Au contraire, ils s’y ajoutent : ce n’est pas aux plus pauvres et aux exploités de trinquer ! Gare à ne pas défendre une position qui renforce la propagande du gouvernement et du monde capitaliste qui ont tout intérêt à opposer revendications sociales et écologiques. À ce titre, les embryons de convergence apparus lors des occupations à Italie 2 ou place du Châtelet, notamment avec la lutte des Gilets jaunes, vont dans le bon sens.

Une génération militante à gagner aux idées révolutionnaires

L’attrait dans une certaine partie de la jeunesse pour les actions d’XR est à mettre en lien avec le mouvement planétaire sur le climat qui dure depuis plusieurs mois : une génération militante est en train de voir le jour autour des enjeux climatiques et se politise à vitesse grand V au fur à mesure des expériences faites. En tant que militants révolutionnaires, il s’agit de ne pas rester extérieurs à ce mouvement, de lutter aux côtés de la jeunesse révoltée dans les manifestations ou blocages. Et d’y défendre des perspectives qui n’opposent pas l’écologie aux questions sociales, qui pointent du doigt explicitement les vrais responsables des destructions de la planète : les patrons et les États complices. C’est la seule manière de convaincre du fait que militer pour le climat passe par militer pour la révolution et le renversement du capitalisme !

15 octobre 2019, Boris Leto

Mots-clés Écologie , Politique
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