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Argent public, fortunes privées

lundi 4 juillet 2005

Chaque année, des milliards d’euros disparaissent mystérieusement des caisses de l’État... au profit de quelques magnats du privé  [1]. Sous les gouvernements de droite comme sous les gouvernements de gauche. Il n’y a pas d’argent pour l’école, pour les hôpitaux, pour la Sécu, pour les retraites, pour les personnes âgées... mais il y en a pour Pinault, Messier, Bouygues, Bolloré, Bernard Arnault et consorts !

Les soldes toute l’année

En 1984, Bernard Arnault, un jeune loup encore inconnu du grand public, rachète pour un franc symbolique le conglomérat textile Boussac. Durant les deux années précédentes, le gouvernement socialiste Mauroy avait injecté 1 milliard de francs de subventions pour renflouer cet ancien fleuron de l’industrie textile du Nord. Un milliard d’un côté, un franc de l’autre, voilà une affaire rondement menée ! Et c’est la clé du succès pour le patron du futur groupe LVMH, numéro un mondial actuel de l’industrie du luxe, puisque à travers Boussac, il acquiert des marques de prestige, comme le grand magasin le Bon Marché et la maison de couture Christian Dior.

Un client qui aime se faire arnaquer...

Autre pilier de la réussite pour les principaux groupes capitalistes français : les commandes de l’État client. Bouygues a collectionné les contrats prestigieux, tels que la construction du Parc des Princes, la grande Arche de la Défense, la bibliothèque François-Mitterrand... sans parler de la plupart des centrales nucléaires françaises, des lycées d’Île-de-France, du revêtement des routes de l’Isère et de la concession du périphérique au nord de Lyon... au doux parfum de corruption.

Quant à Dassault, il s’est fait commander le Rafale, son dernier avion de chasse. En 2000, l’État avait déjà dépensé 50 milliards de francs (7,62 milliards d’euros) pour le Rafale, Dassault n’ayant pas hésité à augmenter de 30 % le prix annoncé au départ ! Les recherches ont en plus contribué à la mise au point d’un logiciel de conception assistée par ordinateur, qui est aujourd’hui la propriété de Dassault Système, une filiale de la famille Dassault. Les Dassault se sont donc approprié tout naturellement le fruit de recherches menées dans le cadre d’un partenariat public/privé. Dassault Systèmes pèse aujourd’hui pour deux tiers dans la fortune familiale.

L’État au secours de « ses pauvres »

Chaque année, 45 milliards d’euros de subventions leur sont allouées par l’État et les collectivités locales. Sans aucun contrôle de l’utilisation de ces fonds. Sans compter les « largesses » exceptionnelles mais néanmoins régulières. En 2001, le ministre de l’Économie et des Finances, Fabius, accorde une remise à Messier, PDG de Vivendi Universal, sur le prix de la licence d’exploitation de son réseau de téléphone portable. Il aurait dû payer 4,85 milliards d’euros. Il ne paiera que 619 millions. Le prix de la licence est divisé par huit !

En comptant d’autres bonnes opérations de ce type, Messier économise au total 16 milliards d’euros de contributions publiques entre 1999 et 2001. En toute légalité. La dispense d’impôts sur les plus-values est à la discrétion du ministre de l’Économie et des Finances... Messier passe une première fois au guichet en 1999 et le socialiste Sautter, alors en charge de Bercy, le dispense d’impôts sur les plus-values sur l’opération Vivendi Environnement. L’année suivante, c’est Fabius qui renonce aux 8,8 milliards d’euros que Vivendi devait à l’État après le rachat d’Universal...

L’élevage de milliardaires en batterie !

À l’époque où le Crédit lyonnais était une banque publique, elle a servi de multiples fois à prêter de l’argent à perte à tous ces grands patrons. Ce qui explique sa déconfiture. En 1992, Clinvest, filiale du Lyonnais, acquiert 20,9 % de la Financière Pinault, la holding personnelle du milliardaire, pour 152 millions d’euros. La banque a payé son investissement un tiers au-dessus de sa valeur ! Quelques mois plus tard, elle réinjecte 44,21 millions d’euros dans la holding pour n’obtenir que 4,5 % de capital en plus : elle accepte cette fois de payer ses actions 50 % au-dessus de leur prix !

En 1994, le Crédit lyonnais vend à Pinault pour 1,3 milliard de francs les 66 % détenus dans la Fnac. Dans le même temps, la Compagnie générale des eaux vendait deux fois plus cher au même acheteur les 33 % restants. Drôle de banque, qui fait volontairement toutes les mauvaises affaires possibles avec de grandes sociétés !

Comment est-ce possible ? C’est pourtant gros !

Ces grands capitalistes agissent en toute impunité. Ils bénéficient d’une bienveillance impressionnante de la part des différents pans de l’appareil d’État.

Les décisions des juges sont toujours favorables aux capitalistes... à quelques exceptions près. De nombreux magistrats sont d’ailleurs recrutés comme consultants par des groupes privés. Être conseillés par les magistrats qui étaient censés les contrôler, rien de tel pour aider les patrons à échapper aux foudres de la justice financière !

La solution à tout ça ? Une opération mains propres pour traquer les fraudes et connivences, lutter contre la corruption ? Changer les lois pour mieux séparer le monde des affaires et de la politique ? C’est oublier que le problème ne vient pas seulement des nombreuses passerelles entre patrons et politiciens. Tout ce qu’on vient de décrire n’est pas une déviance, c’est précisément une des missions de l’État bourgeois : capter l’argent des classes populaires pour en faire bénéficier la classe capitaliste. Argent public, fortunes privées, à l’aide d’un État... finalement très privé lui aussi.

Lydie GRIMAL


[1Titre inspiré de l’ouvrage du même nom d’Olivier Toscer publié en Folio (5,30 euros) dont nous vous recommandons vivement la lecture !

Mots-clés Argent public , Bourgeoisie , Société