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À propos de la critique du film BlacKkKlansman de Spike Lee

mardi 13 novembre 2018

Les critiques de films et romans parues dans notre revue reflètent le point de vue subjectif des camarades, et, bien entendu, ne font pas toujours l’unanimité entre nos rédacteurs. D’autant qu’on peut apprécier un film ou un livre dont les opinions peuvent être très éloignées des nôtres. Toutefois, ci-dessous, sur un sujet sensible, la critique d’une autre critique !


La critique du film de Spike Lee BlacKkKlansman publiée dans le no 121 de Convergences révolutionnaires était, à mon avis, trop élogieuse, tout comme la critique équivalente dans l’hebdo du NPA L’Anticapitaliste. Certes ce film dénonce le racisme, l’horreur des lynchages et le Ku Klux Klan, dont les membres sont d’ailleurs présentés comme de véritables clowns. Mais il embellit surtout le rôle de la police et d’un agent chargé d’infiltrer le KKK dans les années soixante-dix. Le même agent, qui apparaît comme un héros, avait d’ailleurs été chargé d’infiltrer les organisations radicales noires, ce que le film montre de façon pour le moins soft.

En fait, à cette époque, c’est une véritable politique d’extermination des militants noirs radicaux qui a été menée par la police et le FBI [1], dont le chef, le sinistre Edgar Hoover, avait déclaré en 1968 qu’ils représentaient « le plus grand danger pour les États-Unis ». Le 7 avril 1968, Bobby Newton, l’un des dirigeants des Black Panthers créées en 1966 était assassiné par la police, l’année suivante un autre leader, Fred Hampton tombait lui aussi sous les balles de la police, après avoir été dénoncé par un indicateur infiltré. Pour la seule année 1970, 38 militants noirs étaient assassinés eux aussi. Quant aux infiltrations du KKK, elles n’avaient le plus souvent pas pour objectif de neutraliser les suprémacistes blancs mais de les manipuler… pour assassiner des militants noirs, monter des provocations contre eux. Parallèlement à cette campagne d’assassinats, le FBI organisa en effet toutes sortes de manipulations pour faire emprisonner des militants noirs sous des accusations diverses, meurtres, braquages, vols, etc.

Le film de Spike Lee, loin de dénoncer la police, invite les Noirs à l’intégrer pour la changer de l’intérieur. Le réalisateur a d’ailleurs perçu, en 2016, 200 000 dollars du NYPD (police de New York) pour « favoriser le rapprochement de la police et des minorités » (fait rapporté par différents médias américains) [2].

Spike Lee, s’il insiste à la fin de son film sur le danger que représentent toujours les suprémacistes blancs en montrant les récentes bagarres de Charlottesville (août 2017) au cours desquelles une militante antifasciste a été tuée, est silencieux sur les crimes de la police qui tue incontestablement beaucoup plus de Noirs que le KKK. Bien sûr ce n’est pas un hasard s’il ne montre pas le mouvement Black Lives Matter, qui dénonce ces crimes et représente le mouvement le plus important de ces dernières années. Tout cela a notamment été dénoncé aux États-Unis par le rappeur et réalisateur américain Boots Riley, auteur d’une demi-douzaine de films et connu pour son engagement militant. [3]

Gérard Delteil


[1Sur ce massacre, un article du Monde diplomatique : https://www.monde-diplomatique.fr/1...

[3Voir l’article du Courrier international du 28 août 2018 : https://www.courrierinternational.c...

Mots-clés Culture , Film