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Dette, déficits, subventions et… bénéfices nets !

vendredi 23 mars 2018

Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Quitte à mentir comme Bruno Le Maire le 16 février sur CNews, qui a annoncé 3 milliards de pertes à la SNCF. Pas de chance, on apprenait dix jours plus tard que c’était 1,3 milliard… de bénéfices ! L’annonce arrivait tellement à contretemps de l’offensive gouvernementale que Pepy s’en excusait presque en conférence de presse le 27 février : « ce n’est pas du vrai argent ». Ah bon ? Mais l’heure n’était pas aux bonnes nouvelles, il fallait terroriser l’opinion avec les 50 milliards de la dette ferroviaire !

Comme l’a annoncé Édouard Philippe, il faudrait que les cheminots acceptent des reculs sociaux tout de suite, pour ouvrir une discussion sur les conditions de reprise de la dette ferroviaire d’ici 2022. Ce mirage de l’effacement de la dette avait déjà été servi par Hollande en 2014 pour faire accepter sa réforme ferroviaire aux syndicats les plus dociles. Ce serait donc la dette contre le statut. Sous-entendu : c’est le statut qui serait responsable de la dette. Mensonge encore ! Heureusement que Macron n’a pas encore fait passer sa loi contre les fake news car beaucoup de têtes seraient tombées, y compris la sienne !

D’où vient cette dette ? D’abord des investissements dans de nouvelles infrastructures, notamment les lignes à grande vitesse (LGV). Ensuite du renouvellement du réseau existant qui nécessite des rénovations régulières et des mises à niveau techniques. Et, last but not least, du coût du service de la dette elle-même, qui est émise sur les marchés financiers.

Lignes à grande vitesse : socialiser les pertes, privatiser les profits

Pour chaque LGV, la SNCF signe une convention qui répartit les coûts entre l’État, les collectivités territoriales, l’Union européenne, et… la SNCF. Or les « dépassements », une pratique fréquente des bétonneurs comme Vinci, sont systématiquement à la charge de la SNCF. C’est ainsi que pour chaque LGV construite, la SNCF s’endette énormément. Et aujourd’hui doublement, avec les « partenariats public-privé » (PPP) !

Prenons l’exemple de la LGV Bordeaux-Tours : Vinci devait financer entièrement le chantier au sein d’un PPP qui lui permet en contrepartie de percevoir la totalité des péages pendant 44 ans. Or, le groupe de BTP n’a finalement déboursé que 2,4 milliards d’euros sur les 7,6 milliards de coût total. De plus, il a fait pression pour que le nombre d’allers-retours par jour soit fixé par contrat bien au-dessus des besoins. Addition pour la SNCF : 250 millions d’euros de déficit annuel.

L’État et la SNCF ont donc choisi de verser une rente à Vinci, alors que l’argent public a financé l’essentiel des infrastructures.

Le coût du sous-entretien du réseau

Les frais liés à l’entretien du réseau sont en augmentation importante depuis 2010, notamment en Île-de-France. Mais rien n’avait été fait – même pas le minimum – pendant les 30 ans précédents. Au contraire, la SNCF a cassé les brigades de l’équipement qui entretiennent les voies. Auparavant attachées à un territoire donné, elles connaissaient par cœur leur zone d’intervention et réalisaient un travail titanesque de maintenance permanente. Aujourd’hui elles sont regroupées dans des équipes mobiles qui doivent intervenir en cas d’incident d’un bout à l’autre d’une région et qui ne peuvent plus faire aucune prévention. C’est une des conséquences de la suppression de 100 000 postes en 30 ans.

La vétusté actuelle du réseau en Île-de-France est lourde de conséquences en termes de sécurité. L’accident de Brétigny, qui a fait sept morts en 2013, en est la preuve. Pointer du doigt les trop faibles dépenses d’entretien comme si elles étaient un coût insupportable, c’est irresponsable et criminel.

À qui profite la dette ferroviaire ?

Enfin la dette n’est pas perdue pour tout le monde, elle fait des heureux et des fortunes. Aujourd’hui, les intérêts représentent, à eux seuls, une facture d’un milliard et demi d’euros par an, sans aucun remboursement du capital.

À qui sont payés ces intérêts ? Pour plus de 90 % à des banques privées, des gestionnaires d’actifs, des fonds de pension et des compagnies d’assurance. Moins de 10 % reviennent aux banques centrales. La dette et son service sont donc une rente énorme prélevée par les marchés financiers sur la sueur des cheminots et le portefeuille des usagers.

Ce tribut payé à la finance serait exactement le même si la dette était reprise par l’État. De ce point de vue, les cheminots n’ont aucun intérêt à revendiquer une « reprise » de la dette ferroviaire. Les syndicats qui le font (quasiment tous) ne défendent pas les intérêts des travailleurs, mais ceux de l’entreprise, c’est-à-dire de leurs patrons.

En vérité, Macron exerce un chantage sur les cheminots. Un chantage à la compétitivité que tous les salariés connaissent bien. On le sert dans le privé, avec ces accords de la honte où l’on demande aux travailleurs d’accepter les licenciements collectifs et les reculs sociaux au nom de la bonne santé des actionnaires. Mais on le sert aussi dans les hôpitaux qui se doivent, chacun, d’être rentable. Avec des artifices comptables ultra-bureaucratiques qui font que les budgets diminuent chaque année.

Le gouvernement a le culot de dire que ce sont les cheminots qui représentent un « coût ». Mais qui fait rouler les trains ? Qui permet à la SNCF d’être bénéficiaire ? De verser des dividendes à l’État ? De faire un cadeau de plus d’un milliard et demi d’euros chaque année aux banques et aux marchés financiers ? Dans les semaines à venir, c’est la grève qui, nous l’espérons, permettra de rappeler à Macron que ce sont les cheminots qui font rouler les trains. Et cette grève, oui, elle aura un coût… pour le patronat ! 

Raphaël PRESTON

Mots-clés Entreprises , SNCF