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Travailler plus... pour gagner moins

lundi 17 janvier 2005

Le gouvernement aurait une méthode pour que les salaires des classes populaires soient un peu moins bas. C’est le fameux « Travailler plus pour gagner plus ». La propagande gouvernementale s’accompagne souvent de petites phrases destinées aux plus réactionnaires, comparant la France à un parc de loisirs, ou se plaignant de la perte de valeur du travail.

Mais cette propagande peut également faire écho à la situation de travailleurs pour qui le passage aux 35 heures a signifié une baisse de rémunération. L’aménagement du temps de travail a en effet souvent signifié que le même travail était fait en moins de temps (moins de temps décompté du moins), avec plus de flexibilité. Et du fait du passage à l’annualisation, des heures auparavant comptées comme supplémentaires ne le sont plus : elles sont simplement reportées de période « basse » en période « haute ».

Les patrons sont prompts à accuser les lois Aubry qui les empêcherait de faire faire des heures supplémentaires, d’où les réductions de salaires. Il y a une part de vrai dans ce mensonge : les lois Aubry dispensent souvent de payer les heures sup’... pas de les effectuer !

Déréglementer le temps de travail...

Mais le Medef voudrait le beurre et l’argent du beurre : après avoir échangé une (relative) réduction du temps de travail contre plus de flexibilité, il réclame de garder la flexibilité et se débarrasser de la référence aux 35 heures.

Les 35 heures ne sont pourtant qu’un simple seuil juridique, de multiples dérogations faisant que le décompte du temps de travail se fait sur des périodes plus longues, jusqu’à l’année (1 607 heures). La durée légale du travail, n’est pas non plus sa durée maximale (48 heures dans la semaine) ni sa durée minimale (puisqu’il y a la possibilité du temps partiel). Mais les 35 heures interviennent comme seuil de déclenchement des heures supplémentaires, les heures effectuées au-delà devant être majorées. D’autre part le nombre d’heures supplémentaires est aussi limité : c’est le contingent annuel.

La première façon dont le gouvernement pourrait vider la durée légale du travail de sa substance serait d’augmenter ce contingent ou baisser les majorations. Fillon avait déjà fait adopter une loi en janvier 2003 qui assouplissait la législation sur les heures supplémentaires. Raffarin a annoncé début décembre 2004 la suite de cette réforme : possibilité d’accords d’entreprise dits de « temps choisi » (qui introduiraient une différence entre deux types d’heures supplémentaires, avec des décomptes différents), réforme du compte épargne-temps, etc.

L’horizon de ces réformes est clair dans les propos tenus début novembre par Seillère : « La limite de travailler plus pour gagner plus est, pour nous, clairement posée par une directive européenne qui dit ‘48 heures par semaine’. (...) C’est le cadrage social tel que nous pensons qu’il devrait exister dans de nombreux domaines ». Le retour aux 48 heures hebdomadaires... presque 70 ans en arrière !

Le choix... pour les patrons

Qui peut vraiment croire que le choix de faire ou non des heures supplémentaires sera vraiment à la discrétion du salarié ? Seuls les patrons auront plus de marge de manœuvre.

Rien ne dit d’ailleurs qu’après la réforme annoncée, les patrons feront faire beaucoup plus d’heures supplémentaires. La législation actuelle n’en autorise-t-elle pas déjà en quantité conséquente pour pas cher ? Rares sont les patrons qui sont actuellement réellement bloqués par cette législation. Et si certaines entreprises, à certains moments, accroissent le volant d’heures supplémentaires au lieu d’embaucher, ce sera une possibilité de flexibilité supplémentaire et sûrement pas un avantage pour les salariés.

Chirac et Raffarin peuvent répèter qu’il s’agira d’un « choix » offert aux salariés, qui devront donner leur accord. Mais ce que valent de tels « choix » et « accords » a été illustré en pratique, à Bosch Vénissieux, l’été dernier 2004. Sous menace de licenciement, le patron avait obtenu des salariés leur « accord » pour une régression de leurs conditions de travail : suppression de jours de RTT, modération salariale. Là, c’était clairement travailler plus pour gagner moins.

Les heures supplémentaires sont, par définition, un élément de salaire qui n’est pas garanti, en aucun cas un revenu fiable. En outre, le patronat s’en sert pour ne pas embaucher alors qu’il y a des millions de chômeurs. C’est d’un supplément sur le salaire de base pas d’un supplément d’heures dont les travailleurs ont besoin !

Michel CHARVET


Heures supplémentaires, jungle réglementaire

Passage aux 35 heures, loi Fillon de 2003...s’y retrouver dans la législation sur les heures supplémentaires est devenu un parcours du combattant. Surtout que de plus en plus de dispositions renvoient aux accords de branche ou d’entreprise.

Le premier problème est de savoir ce qu’est une heure supplémentaire. La réponse est à première vue évidente : c’est toute heure au-delà de la 35e heure de travail dans une semaine... Ce qui est vrai, sauf si... Et là les cas particuliers sont nombreux : système de modulation, par cycle, jours de RTT, compte épargne-temps, tous ces systèmes ont en commun de ramener le décompte des heures supplémentaires à des périodes plus longues que la semaine. Ils concerneraient aujourd’hui un établissement sur deux.

Ainsi, avec la modulation, le patron a la possibilité de faire effectuer des semaines de 40 heures si cela est contrebalancé par des semaines de 30 heures, par exemple. Aucune heure supplémentaire ne sera alors comptabilisée !

Les heures supplémentaires sont soumises à une limitation annuelle : c’est ce que l’on appelle le contingent annuel. Pour aller au-delà, il faut l’autorisation de l’inspection du travail. Ce contingent, qui était de 130 heures en 1982 a été augmenté depuis la loi Aubry et porté à 220 heures en 2004, mais il peut être modifié par un accord de branche, à la baisse comme à la hausse...

En ce qui concerne la majoration des heures supplémentaires, elle est dans la loi de 25 % pour les 8 premières heures et 50 % pour les suivantes. Mais les entreprises de moins de 20 salariés bénéficient d’un taux réduit de 10 % pour les 4 premières heures. Autrement dit, une telle entreprise peut faire travailler 39 heures par semaine ses salariés, avec pour seule contrainte une majoration correspondant à 24 minutes par semaine ! Une disposition « transitoire » de la loi Aubry prolongée jusqu’en 2008.

Par-dessus le marché, la loi Fillon de 2003 prévoit que des accords de branche ou d’entreprise peuvent fixer des taux de majoration inférieurs aux taux légaux, la seule limite étant alors de 10 %. Et il s’est déjà trouvé des syndicats pour signer de tels accords !

Enfin l’heure supplémentaire peut être soit payée, soit prise en repos, soit une combinaison des deux. Jusqu’à certaines limites, si elle est compensée en repos, l’heure n’est pas imputée dans le contingent, ce qui permet une plus grande flexibilité.

Sans oublier que bien des patrons pratiquent largement la triche au décompte des heures supplémentaires, faisant travailler les salariés sans payer l’intégralité des heures !

M.C.


Bientôt le report des temps de douche en fin de vie ?

Le système du compte épargne temps va être élargi par le gouvernement. Il s’agit de mettre dans un « compte » géré par l’entreprise différentes choses : des congés payés non pris, des jours de RTT, une augmentation de salaire, etc. On alimente le compte pour l’utiliser ensuite... en congés (quand ça arrange le patron, bien entendu !) ou en salaire, voire en plan d’épargne retraite. Cela permet de faire jouer la flexibilité sur plusieurs années.

Raffarin vantait ce système à la radio récemment en prenant l’exemple d’un salarié qui pourrait accumuler des jours de congé pour prendre un an de vacances avant sa retraite. Mais si on veut accumuler rien que 200 jours, il faudrait renoncer à 10 jours de congé pendant 20 ans.

Belle solution : travailler comme une brute toute sa vie en reportant ses congés sur les dernières années !

Mots-clés Politique , Salaires