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PSA Poissy

Justice de classe… sans surprise !

mercredi 13 décembre 2017

Jeudi 16 novembre, devant le tribunal correctionnel de Versailles, 500 manifestants étaient présents au rassemblement de soutien aux neuf militants de la CGT PSA Poissy.

Ces neuf ouvriers comparaissaient pour « arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivis d’une libération avant le septième jour » et pour « violence commise en réunion suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours ». Des faits passibles de cinq ans de prison ferme et 75 000 euros d’amende, dit-on, parce qu’ils auraient séquestré un chef pendant… 17 minutes. En réalité un banal entretien entre des militants syndicaux et un chef pour défendre un salarié revenu d’arrêt maladie (il venait de subir une opération au pied, ne pouvait pas tenir le poste éprouvant qu’on lui assignait et demandait à ce qu’on tienne compte de sa restriction médicale sur un poste adapté).

La contre-attaque de la CGT PSA Poissy

Un coup monté de toutes pièces par la direction de PSA, avec pour unique but de discréditer la CGT un mois avant les élections professionnelles de mars dernier. Ce qui n’avait pas empêché cette dernière de devenir le premier syndicat chez les ouvriers.

Malgré les calomnies, les humiliations, les neuf heures de garde à vue imposées à chacun des neuf militants CGT avec prélèvements ADN, la CGT PSA Poissy a tenu tête et a mobilisé les ouvriers de l’entreprise pour dénoncer l’injustice et faire connaître à l’extérieur cette attaque patronale. Un comité de soutien a été créé, avec des personnalités, parrainé par l’ancien inspecteur du travail Gérard Filoche. Ce comité a permis de médiatiser l’affaire ainsi qu’une autre du même genre, à PSA Mulhouse [1].

Pendant des mois, les militants de la CGT PSA Poissy ont diffusé des tracts au sujet de la répression syndicale lors des manifestations contre les lois Macron et récolté plusieurs milliers d’euros. Ils se sont adressés aux travailleurs de l’usine de Renault Flins, de PSA Saint-Ouen, ont participé à des rassemblements contre la répression à la Poste ou dans le Bâtiment [2], à une AG de cheminots à Versailles et ont pris contact avec différentes unions locales syndicales. Présence aussi en juillet dernier, place de la République, à la tribune d’un rassemblement de la France insoumise ; stand à la fête de l’Humanité.

Un rassemblement réussi

Le 16 novembre dernier, jour du rassemblement devant le tribunal, il y avait 80 ouvriers de PSA Poissy (dont deux délégués FO et Unsa), des délégations de la plupart des sites PSA (Saint-Ouen, La Garenne, Rennes, Sochaux, Mulhouse, Valenciennes), de Renault Flins et Guyancourt, de Toyota Onnaing, des postiers, des cheminots, des étudiants. Gérard Filoche (PS), Pierre Laurent (PCF), Clémentine Autain, Eric Coquerel (FI), Nathalie Arthaud (LO), Philippe Poutou (NPA), Mickaël Wamen (ex-Goodyear) étaient présents pour dénoncer la criminalisation de l’action syndicale.

Les prises de paroles ont dénoncé les dures conditions de travail dans les usines PSA (voir Convergences révolutionnaires, no 115). Si PSA cherche manifestement à affaiblir la CGT sur ce site, c’est pour avoir les mains plus libres pour poursuivre l’aggravation de l’exploitation (PSA, c’est 1,2 milliard de profit en six mois en 2017, un nouveau record).

Une absence remarquée toutefois : celle de Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Depuis plusieurs mois, à part une lettre de soutien, il a évité le rassemblement pendant la comparution du secrétaire de la CGT PSA Poissy en juin [3], une conférence de presse en juillet et à nouveau ce rassemblement du 16 novembre. Comme s’il hésitait, comme une partie de la bureaucratie de la CGT, à s’afficher avec ce syndicat combatif, composé notamment de militants révolutionnaires comme Jean-Pierre Mercier [4]… et ne pas trop déranger la famille Peugeot : des capitalistes « made in France » ?

Ambiance d’audience

Un certain nombre d’ouvriers de l’usine a pu assister à l’audience et constater l’insistance de la juge à tenter de faire avouer aux neuf militants un complot destiné à « casser du chef ». Autre aspect risible : le témoignage d’une chef, cité par la partie civile, accusant les ouvriers de se comporter « comme des jeunes de cité »… qu’ils sont effectivement : tout le monde ne peut pas habiter dans un beau pavillon de Versailles ! La procureure a fait référence à des actes comparables aux actions terroristes et aux violences conjugales ; selon elle la CGT ferait régner la terreur dans l’usine, poussant à bout les chefs ! De toute évidence, le monde de la justice ne connaît pas grand-chose à l’exploitation à l’usine, aux mouchards patronaux et au stress permanent !

Le chef réclame 30 900 euros pour préjudice. La procureure a demandé cinq mois de prison avec sursis pour les neuf dangereux criminels… que PSA laisse travailler depuis février tous les jours dans son usine ! Un spectacle assez édifiant !

Le rendu de jugement aura lieu le 20 décembre. 

29 novembre 2017, Hersh RAY


Une justice à deux vitesses

Six ans après le décès d’Emmanuel, un ouvrier de 37 ans de l’usine de Poissy en 2011, PSA et la SNCF sont enfin reconnus coupables d’homicide involontaire par ce même tribunal correctionnel de Versailles. Notre collègue dirigeait un convoi de dix wagons vides servant à la récupération des chutes de tôles de l’Emboutissage. Le train a déraillé après avoir heurté une butée, il est tombé. La direction avait retardé de quatre heures (après l’accident) la venue des représentants du personnel sur les lieux. Dès le départ, les enquêteurs ont souligné ce que l’inspection du travail avait dénoncé : faire faire des manœuvres ferroviaires par du personnel de PSA sans consulter la SNCF constitue un danger. Une évidence, certainement, sauf pour ceux qui sont pressés de faire du fric au détriment des vies. L’entreprise PSA et la SNCF ont été condamnées à verser chacune 50 000 euros à l’État (actionnaire de PSA comme de la SNCF) et à payer en commun seulement 30 000 euros à la veuve, 15 000 euros à chacun des trois enfants. Aucune peine de prison même avec sursis n’a été prononcée.

Pour un homicide, le tribunal de Versailles met six ans à condamner PSA, mais se précipite pour faire comparaître, tous ceux qui, à PSA, se battent le droit des ouvriers à la sécurité.


[1Une perquisition au local syndical et six mises en examen pour la CGT de PSA Mulhouse accusée d’avoir diffusé un simple tract jugé calomnieux par la direction.

[2Philippe Christmann, syndicaliste CGT-Construction, condamné à 17 500 euros d’amende pour un jet de confettis (Voir le journal L’Humanité du 16/10/17).

[3Accusé pour des violences imaginaires contre un chef, il a été condamné à six mois de prison avec sursis et 2 600 euros d’amende, il a fait appel. Le rassemblement de soutien avait mobilisé 300 personnes.

[4Militant de Lutte ouvrière, un des leaders des quatre mois de grève contre la fermeture de PSA Aulnay en 2013.

Mots-clés Entreprises , PSA , Répression
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