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Mutation du PCF : à quand la technoparade sur les salaires

vendredi 22 décembre 2000

Les temps changent, le parti aussi. Et pour prouver que le parti a bien réalisé sa « mutation », Robert Hue ne ménage pas sa peine. Il y a d’abord eu les défilés de mode, celui d’Yves Saint-Laurent pour l’ouverture d’une fête de L’Humanité, et celui de Prada venu guincher en octobre dernier place du Colonel Fabien. Puis le siège du PCF a ouvert ses portes à une exposition sur « l’image de Jésus-Christ 2000 ans après ». Et enfin, samedi dernier, pour les 80 ans du parti, le « bunker » a résonné au son de la musique techno. « L’accordéon c’est bien, mais la techno c’est super » a déclaré aux journalistes Robert Hue, qui n’a quand même pas été jusqu’à danser devant les caméras pour prouver combien le parti avait changé. Ouf !

Au passage, Hue a une nouvelle fois confessé le péché originel du PCF, son « monstrueux aveuglement sur les réalités terribles » de l’URSS. Une repentance trop tardive pour ne pas être suspecte : la dénonciation du passé stalinien du PCF est surtout l’occasion pour sa direction actuelle de se débarrasser d’une « filiation » avec la révolution russe de 1917 qui la gêne encore. Mais que Robert Hue se rassure, le PCF ressemble de plus en plus à un parti comme les autres. Avec sa participation au gouvernement et ses ministres bon teint, le PCF est bien en train de devenir un parti de notables. Il a même ses procès et ses « affaires ». C’est dire !

« En phase ». Voilà le mot d’ordre chic. En fait, sous prétexte de modernisme et d’ouverture, la direction du PCF cherche surtout à se donner l’allure qui doit plaire, croit- elle, aux couches modernes de la petite ou moins petite bourgeoisie, celles qu’elle appelle les classes moyennes.

Et les militants communistes dans tout cela ? Ceux qui rêvent toujours d’une autre société qui ne serait plus régie par le profit, ceux qui luttent quotidiennement contre l’exploitation et les injustices, ceux qui militent dans leur entreprise ou leur quartier ? La direction du parti, qui se veut « en phase » avec la société actuelle, est-elle vraiment en phase avec leurs problèmes et avec ceux des travailleurs, un mot qui ne fait peut-être pas branché mais qui correspond toujours à une réalité sociale ?

Bien sûr la techno, ça fait jeune. C’est certain, un parti révolutionnaire ne pourra pas se construire sans la politisation d’une fraction de la jeunesse révoltée par la société capitaliste. Mais ces jeunes ne viendront pas au communisme séduits par la musique techno (que Robert Hue nous pardonne, mais pour cela il y a de meilleures boîtes que le PCF...) mais parce que ceux qui se réclament du communisme sauront les enthousiasmer par leur audace révolutionnaire, dans les luttes sociales comme dans leur programme.

Oui, il faudrait un nouveau parti communiste, mais lequel ? Le modernisme ne consiste pas à nous resservir les vieilles rengaines du réformisme. Il faut un parti qui renoue avec les idéaux révolutionnaires du mouvement ouvrier et avec la lutte de classe, cette bonne vieille lutte de classe que les patrons, eux, ne cessent de mener de leur côté. Car la société a beau évoluer et le capitalisme « muter », les patrons sont toujours là. Et pour abattre le capitalisme, pour construire une autre société, débarrassée du profit, des inégalités et des classes sociales, bref une société communiste, il n’est toujours pas apparu d’autres forces sociales que le prolétariat.

Ce n’est visiblement pas de ce parti dont rêvent les dirigeants du PCF. Ce parti-là, seule l’extrême gauche en est aujourd’hui porteuse. Avec ceux des militants et sympathisants du PCF qui n’apprécient guère la mutation en cours place du Colonel Fabien, elle pourrait faire un bon pas dans sa construction. A condition de savoir se trouver leur oreille et se les adjoindre.

Ce parti se construira à travers une remontée des luttes, comme cela fut souvent le cas dans l’histoire du mouvement ouvrier. L’extrême gauche n’a évidemment pas les moyens, à elle seule, de déclencher des luttes d’envergure. Mais elle doit profiter de son crédit pour s’adresser au Parti communiste français et à ses militants, à ceux qui ressentent, même confusément, la nécessité d’une lutte d’ensemble pour une augmentation générale des salaires, contre les licenciements, contre la dégradation des conditions de travail due en partie aux accords 35 heures, pour l’embauche de tous les précaires, etc. Ceux à qui, justement, la direction du PCF ne propose plus depuis longtemps de préparer la moindre lutte d’envergure.

Certes, il ne suffit pas de proposer la grève générale pour la déclencher. Mais le rassemblement de Nice, à propos de l’Europe sociale, dont la réussite revient en partie aux militants et sympathisants du PCF, a prouvé que le mouvement ouvrier était toujours prêt à se manifester quand on lui en donne l’occasion. Une manifestation nationale, au moins équivalente à celle de Nice, mais sur des objectifs moins vagues, les salaires, le chômage et la précarité par exemple, pourrait être le début d’un mouvement d’ensemble de toute la classe ouvrière. A partir de là, il n’y aurait pas besoin de musique techno pour mettre de l’ambiance !

Henri ALLARD