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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 144, mars 2022

Victoire de la grève chez ISS à PSA Poissy : plus de 250 euros d’augmentation arrachés !

Les patrons de l’automobile – comme tous – utilisent les sous-traitants pour faire pression, notamment sur les salaires, imposant des conditions toujours revues à la baisse à ces derniers, qui s’empressent de les faire peser sur leurs salariés. À l’usine PSA Poissy (Yvelines) les directions de PSA et de son sous-traitant ISS se sont heurtées à une grève des 16 ouvriers d’ISS.

Ces ouvriers d‘ISS nettoient les cabines de peinture de l’usine PSA Poissy. En quelques jours de grève, ils ont gagné sur la plupart de leurs revendications : l’augmentation de 100 euros sur le salaire mensuel sous forme de changement de qualification (ils réclamaient 150 euros), le 13e mois pour tous, l’attribution d’une prime panier (7,50 euros par jour, soit 195 euros brut par mois) et d’une prime transport (pour 100 kilomètres de trajet par jour, cela correspond à 75 euros), le remboursement à 50 % et rétroactivement du passe Navigo (carte de transport à Paris), le respect de la loi sur les congés (2,5 jours de congé par mois au lieu de 2,08). À cela s’ajoutent pour tous les droits de prestation à la mutuelle et le remboursement des 15 mois de cotisation que la direction leur avait volés sans les inscrire vraiment à la mutuelle. La direction s’engage à ce qu’aucunes représailles ne soient exercées contre les grévistes, qui ont ainsi gagné une augmentation mensuelle de 250 à 300 euros net, voire plus.

Des patrons de la sous-traitance qui se croient tout permis et tombent sur un os

Au bâtiment Peinture, les nettoyeurs ISS travaillent dans des environnements hautement toxiques, bruyants et dangereux, six jours sur sept (dont le samedi sans majoration). Ils gagnent autour de 1 500 euros pour plus de 15 ans d’ancienneté. Basculés d’un employeur à un autre, de Derichebourg à ISS [1], une multinationale danoise richissime (numéro un du nettoyage industriel, 400 000 salariés) en 2020, ils avaient alors débrayé contre la menace de se voir retirer des primes par leur nouvel employeur (et obtenu gain de cause). Au cours de l’année 2021, ils avaient fait une pétition, distribué des tracts sur leurs revendications, adressés aux ouvriers de PSA, ils se réunissaient toutes les deux semaines pour s’organiser avec les militants de la CGT PSA Poissy. De quoi constituer un groupe solidaire.

En novembre 2021, une grève de cinq jours des ouvriers d’un autre sous-traitant, Veolia, suivie quasiment à 100 % par une quarantaine de caristes défilant au Montage et au Ferrage, avait remporté une prime exceptionnelle de changement d’horaire (100 euros), ainsi que l’augmentation du paiement du temps de pause.

Un exemple pour ceux d’ISS. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est lorsqu’en janvier ils ont découvert que certains n’avaient rien touché du treizième mois qu’ils avaient jusque-là, et que d’autres avaient eu un montant semblable, mais surnommé « gratification de fin d’année », ce qui sentait l’arnaque pour l’avenir. Après une année où la direction avait fait la sourde oreille à leurs revendications, il était temps de se mettre en grève.

Une détermination qui a fait craquer ISS et inquiété les patrons de PSA

Jeudi 13 janvier, ces salariés d’ISS diffusent aux portes de l’usine un tract sur leurs revendications salariales. Vendredi 14 janvier, à la prise de poste de 17 heures 30, ils se mettent tous en grève, y compris leur chef d’équipe. Le directeur local ISS, surmontant les embouteillages du vendredi soir, arrive alors en urgence, pour raconter qu’ISS France n’accorde jamais de treizième mois, que ce chantier n’est pas rentable et que, quand on aura trouvé des pistes pour l’optimiser, on reparlera salaires… Il demande deux ou trois interlocuteurs pour décider d’un planning de discussion… Les grévistes veulent des réponses tout de suite et devant tout le monde. Et voilà le directeur reparti, bredouille, dans les embouteillages. Pendant que les grévistes défilent en Peinture, dans les deux équipes, après-midi puis nuit, avec pancartes et slogans, accueillis chaleureusement par les travailleurs PSA, dans ce bâtiment que la direction de PSA croyait historiquement calme.

Samedi 15 janvier, à la prise de poste de 13 heures, la grève est revotée à l’unanimité, ainsi que la création d’un comité de grève : les 16 grévistes s’y inscrivent pour diriger eux-mêmes leur grève. Le lundi, le directeur local revient, épaulé du directeur régional. Ils proposent des entretiens individuels : refus en bloc des grévistes. Puis des discussions, mais sans la présence de délégués de la CGT PSA : un nouveau refus les chasse. Et les grévistes repartent défiler, au Montage cette fois, le plus important bâtiment de l’usine. Déconvenue pour la direction de PSA aussi qui s’efforce de diviser les salariés des différents bâtiments de cette usine de 130 hectares : l’accueil est encore chaleureux au Montage puis devant les vestiaires des salariés de la Peinture au moment de la fin de poste.

Mardi 18 janvier, le directeur local d’ISS revient. Avec un huissier cette fois, et cinq briseurs de grève prêts à bosser, et accompagné de trois délégués CGT de la Fédération du Nettoyage pour l’épauler. Une tentative d’intimidation qui ne fait que renforcer la détermination des grévistes.

C’est alors que la direction d’ISS jette l’éponge et fait savoir que la plupart des revendications seront acceptées. La grève est suspendue. Mais la direction tergiverse et il faudra, lundi 24, la menacer de reprendre la grève pour qu’elle cède.

La menace de la contagion

Avant, pendant et après la grève, les travailleurs ISS de Poissy, soucieux de populariser leur grève, voire de l’élargir, sont restés en contact avec ceux de PSA Sochaux et Mulhouse. Si bien qu’au troisième jour de leur grève, lundi 17 janvier, les nettoyeurs de nuit des cabines peinture de PSA Sochaux avaient débrayé à leur tour sur des revendications similaires. Quinze jours plus tard, le 2 février, à Sochaux encore, ce sont les salariés d’ISS travaillant, eux, à la production, au Montage [2], qui débrayaient, entraînant des pertes importantes de voitures : pour les salaires et le maintien de leurs emplois menacés par l’éventuel non renouvellement du contrat d’ISS avec PSA. Si ces deux débrayages à Sochaux ne sont pas allés plus loin, ils montrent le mécontentement chez ces sous-traitants de l’industrie automobile.

Et à l’usine de Poissy, parmi le personnel PSA, la grève de ceux d’ISS fait discuter : si à 16 nettoyeurs ils sont arrivés à gagner plus de 250 euros net en trois jours de grève, qu’est-ce qu’on pourrait gagner, nous, à plus de 3 500 salariés ?

10 mars 2022, Hersh Ray


[1Les contrats de nettoyage sont changés tous les trois ou cinq ans sur les sites PSA, le personnel étant transféré intégralement de sous-traitant en sous-traitant, entre GSF, ENCI, Veolia, Derichebourg, ISS… ce qui entraîne des différences de traitement dans les salaires et justifie aussi pour les patrons leur blocage ou des pertes d’acquis.

[2Les travailleurs de nuit ISS du Kitting Montage ont gagné tout de même le paiement des heures de grève, et la direction s’est engagée sur des besoins comme des chaussures de sécurité.

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