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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 64, juillet-août 2009

Un semestre de lutte des universités : ce n’est qu’un début ?

Mis en ligne le 3 juillet 2009 Convergences Politique

Après un semestre de lutte, l’année universitaire se termine sans que le mouvement ait eu la force de faire reculer le gouvernement. Malgré les multiples réécritures du décret sur le statut des enseignants-chercheurs et le report partiel d’un an de la réforme de la mastérisation des concours de recrutement des enseignants du primaire et du secondaire, le cœur des projets contestés par les universitaires en lutte n’a pas bougé. Au contraire, Xavier Darcos et Valérie Pécresse ont fait passer en force ces décrets, l’un pendant les vacances de Pâques, l’autre dans la dernière semaine de mai, avec celui sur le contrat doctoral unique. Une véritable provocation pour le mouvement !

Le seul recul réel concerne les suppressions de poste dans l’enseignement supérieur dont la ministre a annoncé le gel pour les deux années à venir. Et encore ! Il n’est pas question de revenir sur les 900 postes déjà supprimés pour cette année, sans parler bien sûr des milliers de créations d’emplois qui seraient nécessaires. Et la ministre continue d’annoncer la suppression des corps de biatoss de catégorie C et l’externalisation systématique de leurs tâches comme une perspective inéluctable.

La question des examens

Pendant tout le mois de mai, c’est la question de la tenue ou non des examens qui a occupé l’essentiel des discussions. Valérie Pécresse a lancé au début du mois une campagne contre le mouvement, relayée dans la presse et les médias. Il s’agissait d’imposer par la menace et la pression la normalisation de la situation dans les facs pour que les examens se tiennent comme si rien ne s’était passé et que la grève soit en quelque sorte effacée. Mais, en faisant tout pour que la tension monte au maximum, l’objectif de la ministre était probablement plus encore de jeter les unes contre les autres les différentes catégories de l’université qui avaient jusque-là lutté ensemble, en particulier les étudiants et les enseignants.

La réponse de la Coordination nationale des universités, CNU, a été d’affirmer à la fois que la non-tenue des examens était la seule solution réaliste après un semestre complet de grève mais que les étudiants qui n’avaient pas eu cours ne devaient pas en payer la note. Il fallait donc envisager des modalités de banalisation ou de validation automatique du semestre. Dans les universités encore très mobilisées, le tiers environ des établissements, il a un moment semblé que cette option allait l’emporter. Mais il aurait fallu pour cela un niveau de détermination et une unanimité que le mouvement n’avait déjà plus à ce moment-là. Progressivement, les facs ont donc les unes après les autres reculé sur la question des examens et décidé de les organiser. Après un semestre complet quasiment sans cours, il ne pouvait s’agir que d’une comédie pour la forme, une parodie d’examens pour sauver les meubles. Dans la majorité des cas, cela s’est fait, non sans mal, après une véritable discussion et une décision collective, avec des garanties relatives et des engagements des enseignants pour que les étudiants ne soient pas pénalisés. Dans certaines universités, la situation est restée plus tendue et c’est l’administration qui a imposé, parfois par la force, la levée des blocages.

Malgré la diversité des situations et les tensions parfois très fortes, le pire, c’est-à-dire l’affrontement général entre étudiants et enseignants que cherchait à provoquer Pécresse, a été évité. Si la tenue des examens marque bien la fin de la grève pour ce semestre, elle n’a pas provoqué de rupture ou de démoralisation significative dans le mouvement. Au contraire, une large fraction des enseignants, des personnels et des étudiants mobilisés reste sur l’idée que cette bagarre n’est pas finie et qu’il faudra se retrouver à la rentrée pour la continuer. La dernière Coordination nationale des universités, le 4 juin à Villetaneuse, a d’ailleurs d’ores et déjà posé des jalons dans ce sens : des universités d’été pour se retrouver et faire le point, une CNU de rentrée dès le 30 septembre.

Une mobilisation historique des universités... et ses limites

Le recul du mouvement devant l’obstacle des examens a montré les limites de la détermination des enseignants-chercheurs en grève. Très large et majoritaire à son démarrage en février, l’élargissement de la grève a plafonné et connu un certain repli dès la mi-mars. Dans une bonne moitié des universités elle est restée très massive, avec souvent aucun ou très peu de cours, la reprise commençant progressivement dans les autres.

Chez les étudiants, le mouvement était depuis le début plus disparate, avec une forte mobilisation dans certaines universités (Toulouse II, Paris-Sorbonne, Censier, Bordeaux III, etc.), inexistante ou très faible dans d’autres. De même, chez les biatoss, malgré des points de très forte mobilisation comme à Paris VIII, voire de grève totale comme à Paris IV, le mouvement n’a jamais réussi à s’étendre massivement à l’échelle nationale.

Les tentatives d’élargissement

Malgré ses limites, l’unité des différentes composantes de l’université est un des éléments marquants et un acquis de ce semestre de lutte. Elle s’est concrétisée dans la Coordination nationale des universités, qui s’est effectivement imposée, jusqu’au bout, comme le cadre d’élaboration et de discussion démocratique qui a rassemblé les différentes composantes et sensibilités du mouvement. Sans jamais réussir à être une vraie direction, elle a su, notamment en se dotant de porte-parole, être une voix largement reconnue à côté de celles des directions syndicales et des associations universitaires.

Très rapidement, elle a posé la nécessité de s’adresser à d’autres secteurs comme une question centrale du mouvement. Dans cette perspective, les premières tentatives ont eu lieu en direction du reste de l’Éducation (primaire et secondaire). Puis, dès le début de la mobilisation dans les hôpitaux contre la loi Bachelot, la CNU a insisté sur la similitude des attaques du gouvernement contre les services publics et ses porte-parole ont rédigé un tract national s’adressant aux personnels de la santé. Des tentatives de prises de contact ont eu lieu dans de nombreuses universités. Celles-ci se sont concrétisées dans la journée du 28 avril où les manifestations de l’université et de la santé se sont rejointes, notamment à Paris. Cette tentative d’aller vers une convergence avec d’autres secteurs au niveau national n’a pas eu de suite. Elle a montré pourtant que, dans l’esprit de ses participants, hospitaliers comme universitaires, existait bien le désir d’aller dans le sens de la construction d’un mouvement plus large. Et ceux qui ont effectivement réalisé une première jonction savent maintenant que cela n’a rien d’irréalisable. Une conclusion qui devrait avoir toute son importance dans un avenir… pas forcément lointain.

Le 14 mai, la santé et l’université appelaient encore à manifester le même jour. Malheureusement, alors qu’une manifestation commune était très largement souhaitée et que la CNU y appelait, les tentatives dans ce sens se sont heurtées à l’inertie et aux réticences des directions syndicales. Il y eu donc ce jour-là un défilé des hôpitaux le matin et un des universités l’après-midi.

Pour dépasser cela et construire par-dessus la tête des organisations syndicales une véritable lutte commune avec d’autres secteurs au-delà de l’université, il aurait fallu une détermination bien plus grande et une mobilisation bien plus massive.

Dans le cours du mouvement, un large milieu d’enseignants-chercheurs se sont radicalisés et politisés. Ils ont pendant quatre mois tenu tête au gouvernement. Ils ont compris que l’élargissement et la lutte commune avec d’autres secteurs, en particulier de la Fonction publique, était une condition nécessaire de la victoire, au point que cette idée est aujourd’hui largement partagée par ceux qui ont participé à ce mouvement.

Celui-ci se termine donc malgré tout sur un certain nombre d’acquis. Pour la première fois, les enseignants-chercheurs se sont massivement mobilisés pour contester la politique du gouvernement. Ils l’ont fait dans l’unité avec les différentes catégories de l’université, rassemblées dans le cadre démocratique de la Coordination nationale des universités. Et une large partie du mouvement a senti et touché du doigt la nécessité de s’adresser à l’extérieur de l’université pour construire avec d’autres le rapport de forces qui permettrait de vaincre. Autant de points qui compteront dès la rentrée prochaine.

24 juin 2009

Léa NOLAN

Vincent BERGER


Le mouvement des universités a été majoritairement un mouvement des enseignants-chercheurs mais il a aussi entraîné les autres catégories de l’université, étudiants et personnels administratifs, techniques et des bibliothèques (biatoss). Les deux mesures qui ont mis le feu aux poudres ont été la réforme du statut des enseignants-chercheurs qui revient, entre autres choses, à les faire travailler plus pour gagner moins et la réforme des concours de recrutement des enseignants du primaire et du secondaire (mastérisation) qui aboutit à dégrader la formation de ces enseignants et à les précariser fortement. Les revendications se sont rapidement élargies aux problèmes de l’université dans son ensemble, en particulier la loi LRU, les suppressions de postes et la réforme du statut des doctorants.

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