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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 25, janvier-février 2003

USA : L’opposition à la guerre

Mis en ligne le 19 janvier 2003 Convergences Monde

Ci-dessous des extraits d’une correspondance de camarades trotskistes américains, vivant et militant dans la région de San Francisco, en Californie. Leur témoignage montre certes les limites et les contradictions de l’opposition à la guerre, pour le moment plus sentiment diffus que force politique, mais aussi sa réelle existence.


…Un sondage réalisé en décembre montrait qu’une action militaire contre l’Irak serait soutenue à 58% contre 70% un an auparavant. Plus importante encore est la défiance puisque 72% des interrogés pensent que Bush n’a pas suffisamment démontré la nécessité d’aller en guerre.

Au début, seules les personnalités habituelles -Noam Chomsky, Howard Zinn, Gore Vidal, Ramsey Clarck, Eward Said et autres intellectuels de gauche- se sont manifestées pour dénoncer publiquement la politique du gouvernement. Mais depuis, nous avons assisté à une mobilisation plus importante, plus diversifiée, et géographiquement plus étendue que cela ne s’était vu depuis plusieurs années. Nous l’estimons même de plus grande ampleur que celles auxquelles on avait assisté au début de guerres du passé, Vietnam ou Golfe, et nous ne sommes pourtant pas encore, du moins formellement, en guerre contre l’Irak.

Des libraires, des professeurs, des artistes, des scientifiques ont lancé des pétitions sur Internet. Le réseau de radiodiffusion Pacifica radio, qui a des stations à New York, Berkeley, Houston, Washington et Los Angeles et qui fournit des programmes à des dizaines d’autres stations dans le pays, a aussi servi de courroie de transmission aux idées anti-guerre. C’est une tribune pour l’opposition qui permet d’annoncer les meetings et les manifestations et de faire écho à ces événements. Ce réseau diffuse aussi des reportages sur les événements et les opinions du reste du monde. Pour beaucoup, ces radios sont devenues une source chère d’informations. Lors de la collecte de fonds réalisée en octobre pour KFPA à Berkeley ( la station de radio vit uniquement des dons de ses auditeurs) plus d’un million de dollars a été ramassé, presque le double de la meilleure collecte réalisée à ce jour. C’est une indication claire du sentiment qu’il y a nécessité d’une expression critique de la politique gouvernementale…

…Certes il y a eu aussi, et il continue a y avoir, des tentatives faites pour intimider et réduire tous ces opposants au silence. Un groupe de droite, « Campus Watch » (« Surveillance universitaire »), a donné les noms des universitaires qui s’étaient exprimés contre la politique américaine au Moyen-Orient et en Irak, sur son site internet afin de les intimider. La tentative a fait boomerang quand de nombreux autres universitaires ont demandé que leurs noms figurent aussi sur la liste…

Au-delà des milieux universitaires

Le regroupement de « Not in our name » (« Pas en notre nom ») est associé aux familles des morts du World Trade Center qui refusaient que le décès de leurs proches serve de prétexte à une guerre contre le peuple d’Afghanistan ou d’ailleurs. Auprès des gens qui sont inquiets ou opposés à l’idée de cette guerre leur prise de position a eu un écho national. Car dans le climat actuel manifester publiquement son opposition demande des convictions profondes. En particulier dans les petites villes, où il n’y a pas d’anonymat possible. Ceux qui le font appartiennent souvent à la communauté « Paix et Justice », composée de groupes religieux mais aussi de jeunes proches des mouvements anti-mondialisation ou écologistes.

Ainsi le 6 octobre, des manifestations appelées par « Not in our name » ont eu lieu sur différents points du territoire. Et deux semaines plus tard, des manifestations nationales avaient lieu sur la côte Est à Washington, 150 000 personnes, et sur la côte Ouest à San Francisco, 65000 personnes. Cette dernière a rassemblé des participants venus de nombreux coins de la Californie du Nord et au-delà ; des jeunes et des vieux, des petits-bourgeois et des travailleurs, et un grand mélange ethnique. Il n’existe pas de grands partis, de syndicats ou autres organisations bénéficiant de l’influence nécessaire pour mobiliser la population. Mis à part des petits groupes d’action sociale ou pacifistes et le Parti vert, les gens sont venus en petits groupes d’amis ou en famille, ou encore avec leurs collègues de travail, le plus souvent avec des panneaux ou des banderoles confectionnées par eux-mêmes.. Le sentiment dominant était que cette manifestation n’arrêterait peut-être pas la guerre mais qu’il était important de se rassembler face aux attaques contre les libertés à l’intérieur et à la préparation de la guerre à l’étranger…

A Berkeley ou sur d’autres campus que nous connaissons les étudiants et les universitaires sont tout à la fois très opposés à la guerre et très fatalistes quant au fait qu’elle aura lieu. La plupart y voient un prétexte pour faire oublier les problèmes économiques et autres questions de politique intérieure, ainsi qu’un moyen de s’assurer un débouché pétrolier au Moyen-Orient. Beaucoup pensent que s’il y avait une escalade guerrière ils seraient appelés sous les drapeaux et la plupart des jeunes hommes disent qu’ils sont prêts à faire n’importe quoi pour ne pas y aller. Et quand des étudiants sortent du campus pour s’adresser aux milieux populaires ils reçoivent un accueil assez chaleureux, comme nous avons pu le vérifier avec un groupe de jeunes avec qui nous travaillons à Los Angeles...

Les attaques contre les libertés civiles

Parallèlement, au nom d’un soi-disant « Acte Patriotique » et autres nouvelles lois, bien des prétendues protections légales ont été suspendues. Tout « terroriste » potentiel peut avoir sa maison fouillée sans mandat et sans avertissement. Il n’existe même plus un semblant de protection sur le caractère privé des conversations téléphoniques ou l’usage d’e-mails. N’importe quelle organisation peut être placée sous surveillance sans même être soupçonnée d’activité criminelle. Les listes de lecteurs des bibliothèques peuvent être saisies et les bibliothécaires sont passibles de prison s’ils disent aux gens que le FBI a exigé leur listing.

C’est en nombre croissant que les militants politiques sont harcelés aux aéroports : fouilles et interrogatoires sont devenus monnaie courante. Mais le plus inquiétant est l’attaque contre les immigrés ou les Américains nés à l’étranger. On estimait à 1000 le nombre de détenus au lendemain du 11 septembre, sujets à des écoutes téléphoniques, parfois même déportés sans avertissement. Un nombre inconnu d’entre eux est encore en détention. Récemment à Los Angeles plus de 700 jeunes hommes « moyen-orientaux » ont été arrêtés et placés en centre de détention pour être interrogés...

Organiser l’opposition à la guerre ?

Aux Etats-Unis, l’activité se ralentit beaucoup entre la fin novembre (Thanksgiving) et le début de l’année. Pour autant les démonstrations de sentiments anti-guerre n’ont pas cessé. Des manifestations sont prévues les 11 et 18 janvier. La manifestation du 18 janvier est un rassemblement national qui aura lieu à Washington et San Francisco, de plus petits devraient sûrement se tenir dans d’autres villes. Le 27 janvier, jour où l’équipe des inspecteurs de l’ONU doit rendre son rapport, préoccupe tout le monde. Le lendemain Bush doit s’adresser au Congrès. Il profitera très certainement de cette occasion pour faire un discours va-t’en-guerre, voire pour annoncer le début officiel des opérations.

Une vingtaine de villes, comme Berkeley et Oakland (Californie du Nord) ont décidé de refuser de coopérer avec les officiers fédéraux dans la mise en œuvre de l’ « Acte Patriotique » et autres lois qui violent les droits constitutionnels de base. Cela reste symbolique évidemment.

Des comités anti-guerre ont aussi fait surface. Des petits groupes d’extrême gauche comme Revolutionnary Communist Party, maoïste, Worker’s World, un groupe en partie issu du SWP, mais il y a longtemps, ou encore International Socialist Organisation (venant du même courant que le groupe Socialisme par en bas en France) ont tenté de créer des comités de soutien sur les campus universitaires. Mais bien peu est fait pour donner aux gens ordinaires la possibilité de mobiliser leurs énergies et exprimer leurs sentiments politiques, encore moins pour s’adresser directement aux travailleurs et essayer de les organiser ! Pourtant beaucoup cherchent des réponses et les moyens de militer. Mais le mouvement anti-guerre et l’extrême gauche ont encore à rompre avec leur habitude passée consistant à se voir comme des petits groupes marginaux ayant perdu de vue l’idée qu’il serait possible d’influencer de larges masses de la population…

5 janvier 2003, Berkeley. A.K.

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