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Vague de manifestations en Italie

« Tu ci chiudi, tu ci paghi » (Si tu nous fermes, tu nous payes)

3 novembre 2020 Article Monde

(Photo : Sur la banderole : « Revenu et santé pour tous. Aux riches de payer la crise »)

Alors que l’Italie est dans l’attente de nouvelles mesures de confinement, depuis plus d’une semaine, des manifestations ont lieu dans de nombreuses villes contre les dispositions du décret qui instaure la fermeture des bars, restaurants, pâtisserie, etc. de 18 heures à 5 heures et l’interdiction de circuler après 21 heures dans les rues où pourraient se former des rassemblements.

Ce mouvement a commencé le 23 octobre, à Naples après l’annonce par le président de région d’un confinement local. La nuit même, des centaines de petits commençants, des employés de la restauration ou de bars sont descendus dans la rue pour protester. Malgré le recul du président, cette révolte s’est poursuivie le lendemain et a été rejointe par des syndicats de base, surtout par beaucoup de jeunes.

La classe politique et la presse se sont déchaînées contre les manifestants, accusés d’être des membres de la Camorra (la mafia napolitaine) ou des naïfs manipulés par elle. Si la Camorra est une réalité à Naples, elle compte sans doute sur le détournement des aides accordées par le gouvernement pour se rembourser du manque à gagner. Comment expliquer, dans ce cas, que le mouvement ait fait tache d’huile et se soit répandu aussi rapidement du nord au sud du pays ?

Le paiement du dernier chômage partiel a des mois de retard

En fait, on aurait bien du mal à trouver un quelconque « chef d’orchestre » à ces manifestations tant elles diffèrent. Certaines concernent quelques commerçants, d’autres rassemblent des centaines, voire des milliers de personnes exprimant une véritable révolte sociale : des propriétaires de petits commerces qui ont peur de devoir mettre la clé sous la porte, mais aussi des indépendants ou des travailleurs au noir, des salariés qui craignent un nouveau confinement, alors que le paiement du dernier chômage partiel a des mois de retard.

Ce qui est surtout notable, c’est la participation de nombreux jeunes – étudiants mais aussi jeunes de banlieues – dont certains à Turin ou à Florence se sont heurtés à la police ; et ont été aussitôt qualifiés, bien sûr, de « provocateurs venus pour chercher des affrontements ».

Les revendications contradictoires

Les revendications sont aussi très différentes, entre d’une part ceux qui crient « nous voulons travailler » et veulent la réouverture complète de toutes les activités et, d’autre part, ceux qui sont préoccupés par l’épidémie. Une contradiction qui n’oppose pas seulement boutiquiers et travailleurs, mais que l’on retrouve aussi parmi les salariés.

À Rome

À Rome, le 31 octobre au soir, environ 3 000 personnes ont manifesté à l’appel de syndicats de base, d’organisations étudiantes et de différentes associations pour demander un revenu universel payé en taxant les plus hauts revenus. La banderole de tête portait l’inscription « Tu ci chiudi, tu ci paghi » (si tu nous fermes, tu nous payes), devenu le slogan commun à de nombreux manifestants.

Le même jour, toujours à Rome, une autre manifestation était organisée par la droite, au cours de laquelle une centaine de militants d’extrême droite, reconnaissables au fait qu’ils portent des masques tricolores, se sont battus avec la police.

Mais, si les groupes d’extrême-droite comme Forza Nuova, ou Casapound qui se réclame du « fascisme du 3e millénaire », essaient de profiter de la situation, leur influence reste très marginale.

L’extrême gauche, la gauche « radicale », les syndicats de base

Les organisations d’extrême gauche ou de la gauche « radicale » (le Parti de la refondation communiste ou Potere al Popolo), et les syndicats de base mettent en avant l’instauration d’un revenu universel financé par un impôt sur les hauts revenus. À Naples, dans un communiqué, le SI Cobas (Syndicat inter-catégoriel comités de base) écrit : « Contrairement à d’autres catégories sociales descendues dans la rue ces derniers jours, notre objectif n’est pas la “réouverture” : nous, nous voulons que la pleine sécurité de la santé aille de pair avec le respect des droits et la garantie du salaire pour tous les prolétaires […] Pendant qu’on criminalise la “movida”, personne n’ose parler des milliers de foyers que l’on découvre dans les usines et les magasins à cause de l’absence totale de mesures de sécurité. »

Le gouvernement, après avoir rencontré les confédérations syndicales « officielles », a annoncé la prolongation du droit à la cassa integrazione (chômage partiel) jusqu’au 31 mars 2021. Ce chômage sera entièrement financé par l’État, les employeurs n’ayant plus rien à payer, alors que les travailleurs perdent 20 % et que 500 000 d’entre eux attendent toujours de toucher l’indemnité du mois de mai !

Accord entre confédérations syndicales et gouvernement

Les licenciements sont théoriquement interdits pendant la même période. Mais beaucoup de ceux qui sont en cassa integrazione savent qu’ils ne retrouveront pas leur travail et cela n’a pas empêché la multinationale Whirpool de fermer son usine de Naples le 31 octobre, mettant ses 400 salariés (et autant dans la sous-traitance) sur le carreau.

Cette situation n’empêche pas les confédérations syndicales de tenir toujours le même discours. « Nous avons fait un bon travail ensemble  », a déclaré le secrétaire de la CGIL en sortant de la rencontre avec le gouvernement. « Aujourd’hui, le gouvernement a fait le bon choix », a ajouté le secrétaire de l’IUL. « Le fait de sortir avec un accord nous permet d’affronter les journées compliquées pour le pays et sur les lieux de travail avec un esprit positif », estime de son côté la secrétaire de la CISL.

Les travailleurs italiens savent qu’ils ne pourront pas compter sur ces dirigeants syndicaux, tout juste capables de cirer les bottes du gouvernement et du patronat. Reste, pour les militants réellement soucieux des intérêts de leur classe, à organiser la riposte.

2 novembre 2020, Thierry Flamand

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