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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 140, septembre 2021

Tribune : Lutte ouvrière et la vaccination, une étrange analyse qui cherche à masquer un choix opportuniste

Mis en ligne le 1er septembre 2021 Convergences

Ci-dessous la version de cette tribune parue dans le Convergences révolutionnaires no 140. Une version complète de cette tribune a été publiée sur ce site (cliquer ici).


Face à une crise sanitaire pas vue depuis longtemps, dans un contexte où les réactions du mouvement ouvrier sont très faibles, il était inévitable que des sensibilités diverses apparaissent au sein des organisations qui se revendiquent du communisme révolutionnaire, comme parmi les syndicalistes et les travailleurs en général, et même que certains militants soient désorientés.

De fait, alors que certains défendent le principe de la vaccination générale obligatoire, d’autres ont glissé sur des positions méfiantes voire hostiles envers la vaccination, avec toutes sortes de nuances entre les deux. L’entre-deux adopté par Lutte ouvrière est à cet égard assez significatif.

LO s’oppose en effet non seulement au passe sanitaire, comme la majeure partie de l’extrême gauche, mais à l’obligation vaccinale, et surtout LO défend l’idée que la vaccination ne serait pas un problème important, ou en tout cas pas une nécessité que l’on doive affirmer, car la lutte de classe doit réunir vaccinés et non vaccinés. LO a certainement constaté dans les entreprises et milieux où elle intervient qu’un certain nombre de travailleurs, dont des syndicalistes et des sympathisants d’extrême gauche, étaient influencés par les idées anti-vaccin, parfois complotistes, propagées par les réseaux sociaux. Pour tenter de ne pas se couper d’eux, LO a donc choisi de ne pas défendre la nécessité de la vaccination générale, comme elle le faisait auparavant très clairement. Par exemple dans un article du mensuel Lutte de classe du 17 septembre 2017 intitulé La vaccination, un progrès médical majeur, remis en cause au nom de la liberté de choix. Dans la conclusion de cet article, on pouvait ainsi lire : «  Après la critique des vaccinations obligatoires, à quand la discussion sur l’école obligatoire […]  ? »

Et pour expliquer ce virage, LO a tenté de lui donner une justification théorique. Dans le numéro 2764 du 21 juillet 2021 de l’hebdomadaire, on peut découvrir un long article signé Georges Kaldy et titré Les travailleurs conscients et la vaccination. Kaldy nous explique d’abord que «  le rôle des travailleurs n’est certainement pas de militer pour la vaccination […] indépendamment de la classe qui dirige la société et prend en charge ces mesures  ». LO est pourtant une organisation qui a toujours défendu la science contre l’obscurantisme, comme en atteste par exemple l’importance accordée au chapiteau scientifique lors de sa fête annuelle. Tout au long de son histoire, le mouvement ouvrier a d’ailleurs considéré l’éducation populaire, scientifique et sanitaire, comme une de ses tâches.

Mais, pour Kaldy, « au lieu que le vaccin devienne, ainsi que l’affirment hypocritement les politiciens, “un bien commun de l’humanité”, il se transforme en arme contre les pauvres ». Pourquoi ? Parce que cette vaccination est inégalitaire : les pauvres des pays riches et les populations des pays pauvres sont moins vaccinés que les riches. Pourtant, cela n’a rien de nouveau. C’était déjà le cas à l’époque de Pasteur quand l’immense majorité de la planète n’avait pas la moindre chance de disposer de ses vaccins. Et c’est vrai aussi d’une manière générale pour tous les acquis scientifiques, sanitaires et sociaux. Aurait-il fallu rejeter l’école obligatoire à l’époque de Jules Ferry parce qu’il y avait pénurie d’écoles en Inde, en Chine ou en Afrique ? Faudrait-il rejeter un traitement contre le cancer ou le Sida parce que tout le monde ne peut pas en bénéficier ?

Kaldy réserve pour sa conclusion l’argument théorique qu’il estime sans doute fondamental : «  Ce qu’elle (la bourgeoisie) a fait de positif, elle l’a fait dans le passé lointain, à l’époque où elle menait le combat contre des formes d’organisation sociale anachroniques  ». Autrement dit, il ne peut plus rien sortir de positif d’un capitalisme entré dans sa « phase de décadence », voire « en décomposition » – expressions que Kaldy n’utilise pas ici mais qui reviennent régulièrement dans la presse de LO. Il semble pourtant évident que l’élaboration et la fabrication de vaccins à grande échelle dans un délai aussi court représentent un acquis scientifique et industriel, même si celui-ci est en partie gâché par l’incapacité du capitalisme à planifier la production et la distribution de vaccins à l’échelle mondiale. Reconnaître cet acquis ne revient nullement à faire l’apologie du capitalisme, qui est un système dépassé et nuisible, mais à constater que les forces productives ont continué à se développer… pour le meilleur et pour le pire. Le rôle des « travailleurs conscients » n’est pas de rejeter tout ce qui vient de positif de ce développement en attendant la révolution socialiste mais d’agir pour que le plus grand nombre en bénéficie.

1er septembre 2021 – Gérard Delteil

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Numéro 140, septembre 2021