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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 67, janvier-février 2010

Travailleurs sans papiers : la grève continue

Mis en ligne le 16 février 2010 Convergences Politique

Depuis le 12 octobre, 6 000 travailleurs sans papiers sont en grève pour leur régularisation. Quatre mois déjà. La ténacité du mouvement est à la hauteur des enjeux, vitaux. Comme le disait un ancien gréviste intérimaire régularisé l’an dernier après dix mois de grève : « Après avoir passé près de dix ans ici, sans papiers et sans droits, qu’est-ce que c’est que dix mois de grève ? Cela vaut le coup de tenir » .

En quatre mois, la grève a franchi des paliers, affronte des difficultés aussi.

Les onze syndicats et associations [1] qui ont lancé le mouvement, CGT en tête, avaient d’abord exigé d’Éric Besson une circulaire satisfaisante et simplifiée de régularisation, valable sur l’ensemble du territoire, pour en finir avec l’arbitraire des préfectures. Le ministère de l’Immigration a sorti à la fin novembre un texte reconnaissant à sa façon la possibilité de régularisation par le travail, mais à des conditions jugées inacceptables et rejetées par « les Onze » et l’ensemble des grévistes [2].

Le mouvement, de travailleurs pour leurs droits, a décidé de continuer en s’adressant aux patrons et au ministère du Travail. C’est dans l’axe de ce qui est affirmé depuis 2008 par les responsables de la CGT qui ont lancé le mouvement : les travailleurs sans papiers sont des salariés comme les autres, qui bossent ici, vivent ici, doivent pouvoir rester ici, s’organiser et défendre leurs droits. C’est donc au ministère du Travail de répondre à leur revendication de régularisation. C’est en ce sens que lors d’un meeting organisé à la Halle Carpentier à Paris, le 14 décembre, qui a rassemblé 3 000 grévistes, dont des centaines de travailleuses et travailleurs chinois, un nouvel objectif a été fixé pour le mouvement : aller chercher auprès des patrons des « cerfas » [3]. Et les brandir face au ministère du Travail. Ces cerfas témoignent en effet que les patrons utilisent des travailleurs sans papiers et qu’ils sont prêts à les embaucher, c’est-à-dire permettre qu’ils soient régularisés [4]. Mais, pour le moment, pas question pour les grévistes et les « Onze » qui les soutiennent de déposer des dossiers de régularisation. Le cap demeure d’obtenir du gouvernement une circulaire valable pour tous.

Pour faire pression sur le ministère du Travail, une manifestation a rassemblé 2 000 personnes le 30 décembre, en pleine trêve des confiseurs. Le 6 janvier, une galette des rois de solidarité, organisée sur un piquet du bâtiment, au siège du FAF.SAB (organisme chargé de la formation professionnelle dans le BTP), a réuni plusieurs centaines de grévistes et de personnalités qui les soutiennent, dont Josiane Balasko, Lilian Thuram, Juliette Binoche, Guy Bedos et de nombreux autres. Les médias ont quelque peu relayé. Le 13 janvier, une conférence de presse a été organisée à l’Assemblée nationale, à l’initiative des organisateurs du mouvement mais aussi de députés qui ont décidé d’afficher leur soutien : a été rendu public le fait que des sans papiers ont travaillé sur le chantier de rénovation du bâtiment entre 2005 et 2007. Devant les journalistes, plusieurs d’entre eux ont montré leur badge « Bouygues » d’accès sécurisé. Les soutiens existent dans la population, en particulier à la porte d’entreprises où des grévistes vont parler de leur mouvement et faire appel à la solidarité financière. Dans les manifestations enseignantes également.

Mais le gouvernement n’hésite pourtant pas à faire donner la police pour évacuer des piquets. La dernière menace en date vise ce piquet du bâtiment où les personnalités avaient apporté leur solidarité, 8 rue du Regard au Métro Saint-Placide, dont le TGI de Paris a ordonné l’évacuation. Les grévistes, avec l’aide de personnalités, syndicats, associations et partis politiques, organisent sur place, une permanence massive pour refuser tout départ.

Le gouvernement à ce jour ne se manifeste pas. Du côté patronal, seule la CGPME s’est exprimée, après les déclarations faussement menaçantes de Darcos envers les entreprises utilisatrices de sans papiers, pour dire que ce n’était pas aux patrons de PME de vérifier l’authenticité des papiers des salariés et qu’il fallait envisager une régularisation. Le patronat est sur la sellette, confronté à des grévistes qui les démarchent pour les cerfas et leur font la mauvaise publicité… qu’ils méritent.

Le 13 février, un appel à une manifestation centrale à Paris,à 14h30 à Montparnasse, du Medef vers le ministère du Travail, s’adresse à tous les grévistes, tous les syndicats, collectifs et associations qui les soutiennent. Il faut espérer que les organisations syndicales et associations qui ont pris cette initiative (les Onze) feront tout leur possible pour que le maximum de travailleurs, et pas seulement les sans papiers, expriment ainsi leur solidarité de classe, et aident ainsi une grève légitime et tenace.

5 février 2010

Lydie GRIMAL


Ceux de l’intérim

En 2008, des grévistes de l’intérim avaient réussi à arracher des régularisations par le travail dans un secteur qui en était auparavant exclu. Depuis le 12 octobre, les grévistes intérimaires sont particulièrement nombreux, plus de 1 500, et ont commencé par se regrouper sur de très gros piquets comme l’agence Synergie près de la gare Saint-Lazare, avant d’en être expulsés. Ils ont riposté du tac au tac aux évacuations policières, n’hésitant pas à occuper une agence après l’autre, et mener simultanément plusieurs occupations. Malgré le recours systématique des patrons à la police, une autre offensive est lancée, celle du démarchage des nombreuses entreprises de l’intérim pour exiger les cerfas.

Les grévistes, notamment avec l’appui de la CGT de l’intérim, continuent d’organiser le pointage, de se réunir en assemblées et comité de grève. Ce dernier est constitué de 80 délégués qui discutent quotidiennement et planifient les tâches : organiser les collectes, apparaître dans les manifestations d’autres salariés en lutte ou à la porte d’entreprises pour faire connaître leur mouvement, se déplacer en renfort sur des piquets menacés d’évacuation. Ils organisent des équipes pour aller chercher les cerfas (contrats de travail). Ainsi ils découvrent énormément de choses sur la vie quotidienne de leurs « pauvres » patrons : en vacances à Nice, à Monaco ou en Belgique, ou soudainement malades, pour éviter de les affronter ! Sans parler de ceux « qui ne savaient pas » et n’avaient pas jugé bon de s’étonner de les voir travailler sous plusieurs noms différents !

L.G.


[1Il s’agit de 5 syndicats (CGT, SUD, FSU, CFDT et UNSA) et de 6 associations (RESF, LDH, Cimade, Femmes égalité, Autremonde et Droits Devant).

[2Elle ne prévoit rien pour ceux qui travaillent « au noir », laisse de côté les Algériens et les Tunisiens, se limite à des formules inconsistantes, en évoquant « une durée significative de séjour ».

[3Formulaire officiel de contrat de travail pour ceux qui n’ont pas la nationalité française.

[4En remplissant un cerfa, le patron s’engage à une embauche, mais aussi à s’acquitter d’une taxe en fonction du salaire.

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