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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 138, avril 2021

Éditorial

Tchad, la Françafrique perd un ami : le maréchal est mort, vive le général !

Mis en ligne le 26 avril 2021 Convergences Monde

« La France perd un ami », « un chef exemplaire et un guerrier courageux », a déclaré Emmanuel Macron à l’annonce de la mort, mardi 20 avril, du maréchal Idriss Déby, président du Tchad depuis 30 ans. Et se précipitant à N’Djamena aux funérailles de son ami, le président français y est allé de sa petite pelleté pour enfouir le maréchal, en adoubant son successeur, le général Mahamad Déby, qui a pris la tête d’un Comité militaire transitoire, par l’affirmation du « soutien commun au processus de transition civilo-militaire pour la stabilité de la région ». L’affaire est bouclée, la France, qui perd celui dont elle avait fait son gendarme dans la région, aurait trouvé un nouvel homme de main. De père en fils.

Il faut dire que les gouvernants français sont accoutumés à ces transitions d’un autocrate à un autre, au gré des coups de force militaires, dans cette zone d’influence de l’impérialisme français que sont les anciennes colonies de la France d’Afrique. Peu importe pour eux les noms ou les passés des présidents ou dictateurs au pouvoir en Afrique. Peu importe les moyens qu’ils utilisent pour y arriver. Peu importe la dictature qu’ils exercent sur leur peuple. Pourvu que prospèrent Bouygues, Bolloré ou Total.

Les tâches de police en Afrique, pour le compte de l’impérialisme français

Idriss Déby, ancien « rebelle » lui-même, c’est-à-dire candidat au pouvoir par les armes, en était le parfait exemple. Il était arrivé au pouvoir, il y a 30 ans, en reversant, avec l’appui de la France, par un coup d’État militaire, son ex-allié, Hissène Habré, dont la France s’était fort bien accommodée un temps. La découverte récente de pétrole dans le pays avait fait la fortune d’une toute petite couche de corrompus et surtout la richesse des trusts pétroliers, en même temps qu’elle stabilisait le régime d’Idriss Déby et lui donnait les moyens d’entretenir une armée conséquente.

Cela suffisait pour que la France de Hollande, puis celle de Macron, fassent appel à cette armée tchadienne pour remplir, pour le compte des intérêts français, des tâches de police en Afrique, au Mali et en Centrafrique d’abord, en 2013, puis dans tout le Sahel aujourd’hui. Tâche pour laquelle feu le maréchal tchadien avait été dernièrement promu par Macron à la présidence du G5, l’alliance militaire africaine, sous la houlette de l’armée française pour faire régner l’ordre impérialiste dans la région. Et ce ne sont pas les bavures de l’armée tchadienne, notamment en Centrafrique, qui allaient gêner. L’armée française a les siennes, comme les treize Maliens tués par le bombardement, par « erreur », d’un mariage, crime que la France refuse de reconnaître malgré l’enquête concluante menée par l’ONU.

Grèves et manifestations au Tchad

Le maréchal est mort, tué lors d’une opération, par une balle venant des rebelles ou de ses propres troupes. Le doute subsiste tant il y a de concurrence dans ce petit monde-là. Peu importe. Son fils peut faire l’affaire pour Macron. Mais pas plus que le père il ne fera l’affaire du peuple tchadien.

C’est une vague de grève qui avait secoué le Tchad il y a déjà deux ans, avec une grève générale des services publics, administrations, enseignement, santé qui avait paralysé le pays. La raison : les salaires impayés depuis des mois. Le gouvernement avait dû reculer. Mais les retards de salaire ont repris cette année : il n’y a de l’argent que pour les hommes d’affaires et la petite couche dominante de l’État. Et les grèves se sont à nouveau succédées fin 2020 et début 2021. Suivies de manifestations massives en janvier-février, dont le facteur déclencheur avait été le refus du sixième mandat pour le président Idriss Déby et la mascarade d’élection présidentielle où il était pratiquement le seul candidat, et qu’il a donc officiellement remportée… le jour même de sa mort.

Car dans tous ces pays dominés par la France, le Tchad, le Mali, le Niger, le peuple ne voit pas la couleur des richesses minières ou pétrolières du pays qui n’engraissent qu’une fine couche privilégiée et surtout les grandes compagnies étrangères. Macron espère bien avoir déjà trouvé un nouvel homme de main. Le peuple tchadien sait qu’il n’a rien à attendre du changement en cours.

Mais les mouvements sociaux au Tchad de ces toutes dernières années montrent qu’il ne va peut-être pas se contenter d’attendre.

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