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Sur des piquets de Transdev, lundi 20 septembre 2021

21 septembre 2021 Article Entreprises

Semaine 3, J1 : la grève s’étend comme un feu de palettes

Vaux-le-Pénil

Troisième semaine, troisième fût : les grévistes de Vaux-le-Pénil n’ont pas menti. En revanche, ils ont fait mentir le CV de leur directrice, qui se prétend experte en « évaluation des risques ». Si au dépôt, les flammes des palettes ont plusieurs fois déclenché une alarme, aucune sirène ne l’avait prévenue du feu de la grève, qui court comme un incendie. Les grévistes de Melun, Sénart, et Saint-Gratien peuvent être fiers d’eux. Les nombreux messages et vidéos qu’ils ont postés sur les réseaux ont inspiré de nombreux collègues, qui viennent grossir les rangs de la grève et la renforcer. Tôt ce matin, c’est un machiniste de la RATP des Pavillons-sous-Bois qui est passé sur le piquet. « Chez nous, c’est 2024 l’ouverture à la concurrence. Mais votre exemple, ça motive les collègues ! » Il prend en photo un tract écrit par les grévistes, et l’envoie sur ses propres réseaux. Une étincelle ?

Au retour du week-end, des grévistes se montrent des photos. Pas de leurs vacances, mais du nouveau piquet qui s’est monté au dépôt Transdev de Bailly-Romainvilliers. « Il faudrait y aller pour les soutenir ! – Oui, je crois que c’est prévu dans la semaine. » Mais qui pour organiser la visite ? Et les autres projets de la semaine ? Il y a un peu moins de monde que d’habitude sur le piquet ce lundi. Mais il ne faut pas se fier aux apparences. Si la grève a pris ailleurs, c’est qu’elle est en extension. À Vaux-le-Pénil qui a commencé il y a deux semaines, c’est normal que la fatigue se fasse sentir. Mais c’est aussi le moment où il faut serrer les dents. Les autres dépôts rejoignent la bagarre, il faut vite créer des liens pour frapper ensemble et faire plier les patrons.

Négociations et portes ouvertes

À 14 heures, une nouvelle réunion avec la direction locale est prévue. Les grévistes n’en espèrent pas grand-chose. « Tu vas voir elle va nous faire : ‘‘Je vous ai enlevé trois minutes de TI, ça vous va ?’’, et les gars vont redescendre directement. » Mais parfois la réalité dépasse les attentes : sur la nouvelle proposition, le TI n’a pas bougé d’une minute. Le papier circule, et avec lui la colère. « Bon, on mange quoi demain ? » plaisante un gréviste.

« Avec la grève, on a ouvert une porte » affirme le délégué qui prend la parole après ces négociations. « D’autres dépôts sont rentrés par là. Ou la direction ferme cette porte, ou d’autres vont rentrer. » Pour lui, il faut un « médiateur », entre les grévistes et la direction qui refuse de faire le moindre pas. Mais comment s’assurer que ce médiateur défendra les intérêts des travailleurs, comme la grève le fait elle-même ? N’est-ce pas encore une manière pour la direction de « jouer la montre » ? On sait comment fonctionnent les patrons : au rapport de force. Il y aurait sans doute intérêt à laisser la porte grande ouverte et à appeler de vive voix encore plus de dépôts et de collègues dans la grève. Beaucoup n’attendent que ça, et la force qui se réunirait alors pourrait aller arracher bien plus qu’un « TI plafonné ». Par exemple l’intégration du temps de coupure au temps de travail, et le paiement intégral de toutes les coupures. Et encore l’intégration de toutes les primes au taux horaire, pour une augmentation du taux horaire à 17 euros pour tous. Et encore des embauches massives pour interdire les services en double vacation, et les services de plus de huit heures d’amplitude.

En attendant la visite officielle à Marne-la-Vallée, des grévistes envoient une vidéo d’encouragement. « On soutient le combat que vous avez commencé aujourd’hui, avec nous, pour qu’on puisse tous avancer, car on a tous le même objectif. » Ils montrent la feuille insultante que la direction a présentée. « Ce qui nous gêne, c’est toujours le TI. Sur une journée travaillée 7 heures 30, on est payés 6 heures 39. » Le paiement intégral des coupures est une revendication qui peut unir les dépôts. « Venez nous rejoindre ! », concluent-ils. La porte est ouverte.

Bailly-Romainvilliers

Pendant ce temps, dans le coin de Marne-la-Vallée, la grève commence. 130 grévistes sont annoncés. La direction a tenté le bluff en annonçant un service quasi normal, et en prévoyant de faire travailler beaucoup d’intérimaires. Mais dès 4 heures, des grévistes sont sur place, et si la police n’était pas là, aucun bus ne sortirait. La police nationale, « milice du capital » comme dit le slogan, protège la production, c’est-à-dire sabote la grève. Mais bien plus que le blocage, c’est l’organisation des grévistes que craignent les patrons. Et la police est bien incapable de l’empêcher.

Ici aussi, suite à un nouvel appel d’offre début 2020, Transdev a fait signer aux syndicats un accord minable qui rend le travail insupportable. Depuis cet été et la prétendue ouverture à la concurrence, c’est la galère. Un gréviste montre les logos sur le flanc d’un bus : « Ils ont ajouté IDFM, mais c’est toujours Transdev… même si c’est écrit plus petit ! »

Tous racontent la dégradation des conditions de travail : journées interminables, paies amputées, RTT qui fondent avec le nouveau calcul du temps de travail, stress permanent à cause des retards, pauses rétrécies, fatigue chronique, peur de l’accident quand il est tard et qu’on a commencé à rouler douze heures plus tôt… La liste est longue. Impossible de hiérarchiser ce qui est le plus insupportable. Peut-être l’amplitude horaire et les coupures si mal indemnisées : « Tu restes douze heures au boulot, mais t’es payé cinq heures ! »

C’est l’enfer et ça ne peut plus durer. La grève lancée à l’autre bout du département par les dépôts de Vaux-le-Pénil et Lieusaint les a poussés à l’action. Les contacts avec les autres grévistes sont limités… pour l’instant. Un « primo-gréviste » de Bailly appelle un « primo-gréviste » de Vaux-le-Pénil. Avec ses deux semaines de grève, ce dernier fait figure « d’ancien », et donne des conseils. À 14 heures 20, les grévistes de Bailly exultent : un communiqué « info trafic » informe les voyageurs que plus aucun bus ne sort. Première journée de grève réussie.

Quelles perspectives ?

Pour beaucoup, c’est la première grève. Les anciens ont fait celle de 2007. Les jeunes en connaissent juste la légende. Ils sont majoritaires sur le piquet, ces jeunes conducteurs qui roulent depuis quelques années déjà et se trouvent aujourd’hui confrontés à une attaque patronale sans précédent qui menace leur avenir. Car comment envisager de rester à Transdev dans ces conditions ? Impossible de tenir le coup physiquement ou psychologiquement, encore moins d’avoir une vie de famille. La grève s’impose, même si les modalités restent décidées par des élus syndicaux de la CFDT et surtout de l’Unsa. N’empêche, ce sont les grévistes qui paralysent le dépôt. Ils en sont fiers. Et pas mécontents de voir la direction dépitée face au piquet.

C’est bien difficile de savoir ce qui va arriver dans les prochains jours. Une visite au TRA Villepinte ? Certains racontent que ce dépôt de Marne-la-Vallée est « stratégique », car les lignes desservent Disneyland, les centres commerciaux, la gare TGV, etc. Ils espèrent que la direction cèdera plus vite qu’ailleurs. Pourquoi pas préparer la réception des grévistes de Melun et Sénart ? Ou se donner un rendez-vous pour une manifestation à Paris ? Les discussions sur les revendications et les négociations sont en pointillé. Ce qui est certain, c’est que personne n’a envie de reprendre le travail dans ces conditions dégradées. La bataille commence à peine. Les contacts avec les autres dépôts seront vitaux pour coordonner la riposte. Le plus tôt sera le mieux.

Correspondants

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