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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 124, janvier-février 2019

Suite aux Ghosneries de Renault, un nouveau Pape est appelé à régner

5 février 2019 Convergences Entreprises

La fumée blanche a fini par s’élever, jeudi 24 janvier, au-dessus du siège de Renault à Boulogne-Billancourt, annonçant la désignation du successeur de Carlos Ghosn. Comme nouveau pape du groupe, nous aurons droit au comte Jean-Dominique Sénard, vice-président de la « Réunion de la noblesse pontificale » [1]. Il est assisté d’un vicaire, Thierry Bolloré, déjà numéro 2 du groupe sous Carlos Ghosn. Histoire de bien signifier que rien ne change.

Le saint parcours de J.-D. Sénard

Mais ce n’est pas par l’inspiration du Saint-Esprit que s’est faite l’ascension de J.-D. Sénard à la tête du groupe Renault. Après avoir fait ses classes à la Compagnie Française des Pétroles (aujourd’hui Total), puis chez Saint-Gobain, il était devenu PDG du groupe Péchiney de 2003 à 2005, juste le temps de présider aux restructurations (quelques milliers d’emplois en moins). PDG de Michelin de 2012 à aujourd’hui, il a notamment à son actif 703 suppressions d’emplois sur le site de Joué-lès-Tours en 2013, et 907 autres à l’usine mère de Clermont en 2017. Jugez vous-même du caractère de « patron social », d’« anti-Ghosn » que lui attribue la presse pour saluer son arrivée à la tête de Renault.

Mais s’il est supposé plus diplomate que son prédécesseur, c’est le gouvernement lui-même qui a pesé de tout son poids pour qu’il soit nommé à la tête de Renault, chargé de s’assurer que les intérêts de la bourgeoisie française seront bien défendus chez un constructeur mondialisé dont les relations avec Nissan, quelque peu bousculées par la boulimie de Carlos Ghosn, focalisent l’attention des milieux financiers depuis deux mois.

Le complotisme de la presse économique

L’arrestation de l’ancien samouraï Ghosn avait dans un premier temps donné lieu en France à une foule d’accusations contre Nissan, qui aurait voulu absorber Renault ou s’en séparer, selon les versions. Le dragon vorace était plutôt de l’autre côté : depuis 1999 et la quasi-faillite du constructeur japonais, Renault a pris une participation importante dans le capital de Nissan ; les participations croisées en sont aujourd’hui à 43,4 % des actions de Nissan possédées par Renault et 15 % des actions de Renault possédées par Nissan (sans droit de vote au conseil d’administration de Renault).

La théorie d’un complot monté de toutes pièces par Nissan est tombée à l’eau quand les malversations de l’ancien PDG de Renault et de Nissan sont apparues comme de plus en plus fondées. Villas de luxe, emploi fictif pour sa sœur, garanties par Nissan de millions d’euros de pertes spéculatives personnelles, cela faisait trop de casseroles ! Il était temps pour le gouvernement français de le lâcher.

Ceci dit, les entourloupes de Carlos Ghosn avaient commencé il y a plus de dix ans et si Nissan a soudain choisi de les révéler, c’est qu’il doit se jouer entre les capitalistes français et japonais (épaulés par leurs États respectifs) une partie de poker menteur pour rafler une plus grande partie de la mise. La partie française tentait, semble-t-il, d’imposer une fusion des deux groupes assurant une plus grande mainmise de Renault sur Nissan, tandis que la partie japonaise souhaite un rééquilibrage actionnarial pour un meilleur partage des profits et dividendes entre les actionnaires des deux pays.

Ne compter que sur nos forces

Dans les usines et centres techniques de Renault on a bien ri des déboires de notre ex-PDG, et la succession de scandales sur son train de vie a suscité de la colère, tout comme en suscite l’annonce que ses indemnités de départ pourraient s’élever à 30 millions d’euros. Mais les inquiétudes concernant l’avenir pèsent, avec cette querelle Renault-Nissan, tant on sait que c’est toujours à nous qu’on demande de payer les pots cassés. Et les directions syndicales entretiennent un certain défaitisme, quand elles ne font, comme la CGT Renault, que demander une « nouvelle gouvernance » ou prôner « un véritable projet industriel » sous l’égide de l’État. Avec un bon PDG ?

Nous n’avons rien à attendre du gouvernement ou du nouveau Président du groupe. C’est plutôt du côté de la mobilisation, dont les Gilets jaunes ont donné le coup d’envoi, qu’il nous faut regarder. Surtout que la question des salaires est à l’ordre du jour avec l’ouverture fin janvier des négociations annuelles obligatoires. Plutôt que le ronron syndical classique autour de la table des négociations, si on rejoignait les Gilets jaunes dans la lutte ?

27 janvier 2019, Lucien Massa


[1Association regroupant les descendants (en ligne masculine exclusivement) de nobles ayant reçu leur titre du pape pour services rendus à l’Église.

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