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Sous une dégueulasserie, toutes les autres

18 octobre 2007

Ah, le « coup de gueule » de Fadela Amara contre l’amendement dégueulasse (certes) à la loi anti-immigrés Hortefeux ! Le gouvernement lui-même en est tout ému. Quel courage, quel franc parler. La gauche a applaudi. Une bonne partie de la droite aussi, et tous les entre-deux. « J’ai d’abord envie de dire à Fadela Amara : « enfin ! » et "bravo ! », s’est exclamé Bernard-Henri Levy. Et Jacques Toubon de rendre hommage à cette « sacrée bonne femme ».

Courageuse mais pas téméraire, la « sacrée bonne femme » a néanmoins tenu à préciser qu’elle n’envisageait absolument pas de quitter le gouvernement. « Si l’amendement est confirmé, oui, je resterai. (...) Je n’ai jamais voulu démissionner ». C’est là tout le charme du style gouvernemental de Sarkozy. Vive « l’ouverture », vive la « diversité », vive la « liberté d’expression »… Que les grandes gueules gueulent, mais marchent au pas. Que les « partenaires sociaux » bougonnent et discutent « les termes » de la réforme sur les retraites, mais finissent par accompagner la réforme.

Bon. Fadela Amara avait déjà changé de veste, pas de quoi trop s’étonner. Mais ladite opposition ? Ses ex et toujours (dit-elle) ami(es) du parti socialiste ? Font-ils preuve de plus d’audace sur la question des lois scélérates et des mesures administratives et policières anti-immigrés ? Les ténors du PS ont mouillé leur chemise, oui… sur une scène très people du zénith ! Entourés du tout Paris et aux côtés de Bayrou et d’un député Villepiniste (qui s’est fait ovationner en déclarant qu’il ne participait « pas à un meeting contre le gouvernement mais contre un amendement »), ils ont discouru sur les dangers des dérives eugénistes. Jusqu’à Charles Pasqua, grand ami des immigrés comme chacun sait, qui a protesté dans la presse contre l’amendement Mariani. Décidément, l’heure est à l’indignation consensuelle.

Mais aucun de ces révoltés ne prend la peine de dire un mot de la loi elle-même, destinée à précariser encore davantage les immigrés, et dont tous les articles rivalisent d’ignominie avec le fameux amendement. Soyons clairs : il ne s’agit pas d’interdire aux travailleurs étrangers de travailler en France – les patrons sont trop contents de pouvoir surexploiter les salariés les plus vulnérables – mais de les empêcher de faire venir leurs femmes et leurs enfants : obligation de passer un test de langue conditionnant l’obtention d’un visa, signature d’une charte sur les « valeurs et la culture françaises » et, surtout, obligation de gagner le smic ou 1,33 fois le Smic (pour les familles nombreuses) pour bénéficier du regroupement familial. A ce compte-là, bien des Français devraient se séparer de leurs enfants ou rejoindre les centres de rétention. Le rêve du patronat : disposer d’une main d’œuvre célibataire, précaire et sans attaches sur place.

Tant pis si des familles sont explosées, tant pis si des maris ne voient pas leurs femmes durant des années, tant pis si les immigrés se retrouvent seuls dans un pays inconnu. L’essentiel, c’est qu’ils s’adaptent aux besoins du patronat. Et pour être sûr qu’ils comprennent bien, Brice Hortefeux a mis en place la politique du chiffre. On fixe un quota annuel d’expulsés – 25 000 pour 2007 – et on sème la terreur parmi les sans papiers pour l’atteindre, quitte à provoquer des drames, des suicides et tentatives de suicides, des défenestrations.

La gauche veut bien consacrer un dimanche soir à dénoncer l’utilisation scandaleuse (et de sinistre mémoire en effet) de la biologie, mais pour le reste elle préfère se taire. C’est qu’elle ne voudrait pas avoir à mentir trop effrontément. Elle ne va tout de même pas s’attaquer réellement à Brice Hortefeux alors que Ségolène Royal proposait, il y a à peine six mois, l’instauration d’« un visa permettant des allers-retours multiples sur plusieurs années, afin que les migrations s’adaptent aux besoins réels du marché du travail ».

Heureusement que les parents d’élèves, les associations, les militants, les enseignants, les camarades de travail et voisins n’ont pas attendu le PS pour protester réellement et exiger la régularisation de tous les sans papiers et de leurs familles. Retrouvons-nous tous ensemble samedi 20 octobre pour manifester notre opposition à l’ensemble de cette nouvelle loi scélérate.

Juliette NOUTALI

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