Solidarité avec les Palestiniens
Mis en ligne le 1er août 2001 Convergences Monde
Depuis huit mois, une révolte généralisée soulève le peuple palestinien pour obtenir enfin son indépendance et le retour des réfugiés, pour en finir avec l’occupation israélienne, la colonisation et les bouclages.
Escalade dans la répression israélienne
Les opérations menées par les forces israéliennes contre les Palestiniens suivent un plan baptisé « champ d’épine » : l’escalade dans la répression (recours aux hélicoptères et aux snipers, utilisation des blindés, bombardements, assassinats de responsables palestiniens, etc.) serait suivie du transfert massif de Palestiniens (4 000 familles ont été déplacées) et d’une réoccupation militaire. Ce plan a été établi à la suite des accords d’Oslo, preuve qu’Israël comme les Etats-Unis savaient fort bien que ces accords qui maintenaient pour l’essentiel l’occupation et la domination israélienne ne conduisaient pas à la paix mais préparaient inévitablement de nouveaux soulèvements.
Le choix de rendre public ce plan vise à exercer une pression formidable sur l’Autorité palestinienne en la plaçant devant l’alternative suivante : soit réprimer l’Intifida pour maintenir ne serait-ce que son apparence de pouvoir sur quelques lambeaux de Palestine soit être en butte à la répression israélienne directe. C’est le sens des pressions américaines et israéliennes qui se sont exercées sur Arafat pour le conduire à accepter de signer un cessez-le-feu qui se traduit par une coopération dans le domaine de la sécurité avec Israël sous l’égide de la CIA.
L’autre aspect de la politique menée par le gouvernement israélien pour mettre à genoux l’Autorité palestinienne est la guerre économique. Huit mois de bouclage ont entraîné un effondrement de l’économie. Même l’agriculture est touchée, moins à cause de la fermeture des frontières internes et externes que des destructions. Une étude menée par les Nations Unies en février a estimé que la Palestine avait perdu 50% de son PIB depuis octobre 2000 ; le taux de pauvreté (moins de 2,1 dollars par jour) est passé à 32% et un tiers des foyers palestiniens déclarent avoir perdu leur source de revenu.
L’Intifada
La popularité d’Arafat s’est en partie effritée malgré le symbole historique qu’il représente. L’Autorité Palestinienne est largement discréditée par la corruption, les négociations et le manque de démocratie. Elle contrôle toutefois encore en grande partie la situation ne serait-ce que parce qu’elle tient les finances, la police et que ses services de sécurité dispose d’une liste de tous les activistes (notamment du Fatah) alors même que s’est mise en place une politique de coopération avec la Sécurité israélienne. Cette situation est un frein au développement d’un mouvement plus massif, car les manifestations apparaissent comme un moyen de pression sur Israël mais aussi comme un soutien à l’Autorité dans laquelle les Palestinien n’ont plus confiance.
D’autre part l’Intifada est dirigée par le Comité national et islamique qui regroupe l’ensemble des partis, (Fatah, Hamas, Djihad, FPLP, FDLP, PP…etc.). Il représente en partie un contre pouvoir : si le soutien à Arafat est publiquement exprimé, le Comite a aussi clairement pris position en faveur de la continuation de l’Intifada tant que le bouclage persiste. Mais sa position reste assez ambiguë vis à vis d’Arafat.
Le soutien à la cause nationale peut rester massif. L’engagement réel dans les actions (boycott, manifestations aux checkpoints, jets de pierre, actions armées) reste très minoritaire, de l’ordre de 5% des jeunes, à l’exception de moments forts comme l’enterrement de Fayçal Husseini qui a vu des flots de manifestants de Cisjordanie défiler à Jérusalem, brandissant au nez des soldats israéliens la carte orange qui leur interdit habituellement de s’y rendre. Cela n’a rien à voir avec la première Intifada (de 1987 à 1993) qui a représenté un moment unique par l’importance de l’engagement de toute la population (85% des jeunes) et la mise en place d’une contre-société. Cela s’explique en partie par une différence dans les modes de lutte, c’est-à-dire par le choix de la lutte armée, qui reste forcément minoritaire : un choix contraint par la violence de la répression.
Cessez-le-feu ?
La colonisation continue. Pendant le « processus de paix », le nombre de colons était passé de 75 000 à 200 000. Et le grignotage se poursuit. Chaque nouvelle implantation sur des terres confisquées s’accompagne de routes barrées, de vergers détruits et de dizaine de maisons rasées au bulldozer sur les ruines desquelles les familles tentent parfois de survivre dans des tentes. L’arrivée de Sharon au pouvoir a encore augmenté le danger quotidien que représentent les colons. Disposant désormais d’une impunité totale, ils multiplient les attaques de taxis, de villages, et les assassinats.
A ceci s’ajoutent les humiliations quotidiennes aux multiples checkpoints, la désorganisation de toute activité par le bouclage et bien sûr le coût humain. La répression israélienne est particulièrement violente : les soldats tirent pour tuer (40% des blessés sont touchés à la tête) sur des jeunes ou des manifestants tout au plus armés de pierre. Ils ont fait en quelques mois près de 600 morts et des milliers d’invalides et de blessés.
Mais malgré l’épuisement, l’exaspération face aux humiliations quotidiennes, le désespoir, les objectifs restent clairs pour les Palestiniens : gagner l’indépendance qu’aucune négociation ou processus de paix n’a fait aboutir.
Il est donc peu probable que la trêve signée signifie la fin du soulèvement. Les conditions en sont inacceptables pour le peuple palestinien. Au mieux, il s’agirait d’un retour à la situation du 28 septembre 2000, c’est-à-dire qu’elle laisse intactes les raisons qui ont entraîné le soulèvement : occupations, humiliations, colonisations. Malgré la lassitude, les Palestiniens n’ont pas consenti autant de sacrifices pour ne rien obtenir. L’oppression nationale qu’ils subissent ne pourra se résoudre que par l’application du droit à l’autodétermination, et la création d’un Etat indépendant sur les territoires de 1967, dans la perspective d’une Palestine laïque et démocratique regroupant tous les citoyens juifs et arabes.
Pour cela il faudrait certes que les Palestiniens trouvent des appuis dans le peuple israélien. On semble pour l’instant en être loin. Bien sûr l’Intifada semble avoir réussi à gêner la vie des colons et en partie à déstabiliser la société israélienne : un récent sondage fait ressortir que 52% des Israéliens seraient prêts à un démantèlement des colonies pour 36% contre. Néanmoins, le mouvement pour une paix juste reste extrêmement minoritaire.
La situation est aujourd’hui très difficile. Il n’est pas exclu qu’Israël ne s’apprête à mener une action d’envergure contre les Palestiniens. Et au vu de la politique menée par les Américains et les puissances occidentales la demande forte des Palestiniens de la présence d’une force de protection internationale apparaît largement illusoire.
Pourtant malgré l’intransigeance qui est au pouvoir en Israël certains Israéliens osent quand même se manifester. Les actions menées par des militants israéliens dans le village de Harres par exemple pour protéger les villageois des attaques des colons, la présence de délégations internationales dans les manifestations pour ouvrir les barrages même symboliquement montrent qu’une solidarité de terrain peut porter ses fruits et desserrer l’étau.
Pour le peuple palestinien comme pour la minorité israélienne qui ose s’opposer à la politique criminelle de son gouvernement la solidarité internationale n’en est que plus urgente.
30 juin 2001, Margot KERVALET