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11 novembre 1918

Se souvenir de l’armistice… ou des révolutions ?

Mis en ligne le 13 novembre 2018 Convergences Monde

Il y a cent ans, l’arrêt des hostilités sur le front Ouest signait la fin de la Première Guerre mondiale. L’occasion depuis pour les officiels de commémorer la fin d’un conflit sanglant qui a causé près de dix millions de morts, en invoquant au mieux « la folie des hommes », quand il ne s’agit pas d’en prendre prétexte pour des défilés militaires et autres glorifications chauvines.

Le premier conflit mondial, cette boucherie à grande échelle, fut surtout l’arène d’un partage du monde entre les grandes puissances capitalistes, à la recherche de débouchés et de chasses gardées dans une économie déjà mondialisée. Dans ce monde entièrement partagé entre colonies et zones d’influence, les puissances impérialistes arrivées sur le tard convoitaient leur place dans ce banquet de rapaces.

Cette guerre mondiale, tous la voyaient venir depuis des années. Les États militarisaient leur économie, cultivaient le patriotisme à l’école et dans la presse, etc. Et au signal de départ, ils jetèrent dans la balance tout leur poids pour mobiliser les millions d’hommes dont ils avaient besoin pour se jeter à la gorge les uns des autres.

Dans ces conditions largement anticipées, la trahison de la plupart des directions des partis de l’Internationale ouvrière, regroupant des millions de membres à travers l’Europe, et qui se rangèrent au dernier moment derrière les buts de guerre de leurs bourgeoisies nationales respectives, fut un coup de massue pour tous ceux qui auraient voulu s’opposer à la tuerie. Y compris leurs propres militants, se retrouvant désemparés au moment le plus critique.

Mais l’immense machine de guerre mise en branle pour emmener – de gré ou de force – les exploités se battre pour les intérêts de leurs exploiteurs n’était pas inébranlable. Après trois ans de carnage, elle commença à vaciller. En 1917, mutineries et grèves se multiplièrent. Et c’est en Russie que son effondrement commença. La Révolution faisait tomber un tsar d’abord, puis la bourgeoisie et avec elle tout son appareil d’État. Les travailleurs prenaient le pouvoir, et déclaraient la paix au monde, tablant sur la révolution internationale qui s’annonçait pour renverser tous les fauteurs de guerre et construire une nouvelle société à l’échelle du monde.

Mais cette vague révolutionnaire ne faisait que commencer à la fin de 1917. Ainsi les empires centraux imposèrent-ils les conditions d’une paix de pillage à la jeune république des soviets, ce qui leur permit de lancer une offensive de grande envergure sur le front français. Mais l’Entente, grâce à l’aide des États-Unis, fit définitivement basculer le rapport de force en sa faveur. L’issue de la guerre était décidée, mais elle était loin d’être terminée.

Tandis que le mécontentement envers la guerre se manifestait dans tous les camps, la volonté des puissances vaincues d’éviter le même genre de conditions qu’elles avaient imposées à la Russie révolutionnaire les conduisit à continuer des opérations militaires toujours plus absurdes, auxquelles répondaient des actes d’insubordination toujours plus nombreux.

Mais le 28 octobre 1918, en Allemagne, les marins des navires de guerre se mutinèrent dans le port de Kiel, refusant de partir pour une nouvelle opération en mer, décidée par l’état-major, sonnant par là la fin de la guerre. Car leur mouvement de révolte se propagea en quelques jours aux grands centres industriels du pays, à Hambourg, Brême, Stuttgart, Munich. Le 9 novembre, le mouvement gagnait Berlin. Ce fut cela le vrai prélude de la « paix » du 11 novembre, qu’il devenait urgent de signer par les gouvernants, par crainte de tout perdre.

Car le délitement complet des États allemand et autrichien suivit celui de la monarchie russe. En quelques jours, des manifestations monstres obligèrent les monarques à abdiquer, pour temporiser un mouvement qui menaçait bien plus qu’une couronne : l’exploitation capitaliste elle-même. Car la mise en mouvement des exploités dépassait largement les frontières nationales comme les limites de la simple protestation : des soviets et autres structures de démocratie ouvrière apparaissaient un peu partout, contestant – ou prenant parfois pour un temps – le pouvoir aux États capitalistes en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Finlande, en Ukraine… tandis que des grèves de grande ampleur secouaient la France et l’Angleterre.

L’Internationale révolutionnaire que les bolcheviks russes s’efforçaient de construire, sur les ruines de la vieille Internationale belliciste, en rassemblant autour d’eux tous les ouvriers qui regardaient avec espoir ce qui se passait en Russie, n’était encore qu’en gestation. L’absence d’une direction claire pour développer et asseoir les acquis de ces mouvements contre la bourgeoisie ne permit pas d’arracher la victoire. Mais la vague révolutionnaire qui courut durant toutes les années vingt – passée sous silence par tous ceux qui, dans cet anniversaire du 11 novembre 1918 ne veulent voir que la réconciliation des gouvernants qui avaient amené leurs peuples à la boucherie – peut nous rappeler qu’il y a cent ans, au-delà de la guerre, c’est le capitalisme qui est passé tout près de sa fin.

Gaspard Janine

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Numéro 122, novembre 2018