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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 47, septembre-octobre 2006

Sarkozy contre les immigrés : une campagne électorale sur le dos de ceux qui n’ont pas le droit de vote

Mis en ligne le 25 septembre 2006 Convergences Politique

Le candidat Sarkozy fait feu de tout bois pour arriver à faire le plein des voix de la droite et de l’extrême droite. D’où son acharnement à jouer sur les préjugés réactionnaires - on vient de le voir encore avec ses déclarations fracassantes sur le laxisme des juges de Seine-Saint-Denis - et de faire le matamore envers la partie la plus fragile de la population française : sa composante immigrée.

Faire du chiffre

En février, une circulaire de 17 pages avait été éditée avec le concours du ministère de la justice, délivrant des conseils aux policiers sur la manière de pratiquer des rafles aux abords et dans les foyers de travailleurs immigrés, de piéger les sans papiers en les convoquant aux préfectures pour les y appréhender, et même de les arrêter dans les hôpitaux et les blocs opératoires. Ce manuel de « recettes » destiné aux policiers et magistrats avait pour but d’assurer que leurs interventions soient à l’abri de l’annulation pour vice de procédure.

La circulaire affirmait « la nécessité d’accroître de façon significative le nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière ». À grands renforts de publicité, des quotas de reconduite à la frontière étaient fixés aux policiers, que ceux-ci n’arrivent d’ailleurs pas à atteindre. Au point qu’on a assisté à une fronde de la part de certains d’entre eux qui se sont ouverts à la presse de leur écœurement du rôle qu’on leur fait jouer dans cette constante chasse à l’immigré.

Faire du chiffre, tel semblait le mot d’ordre. Au point d’affirmer la volonté de rendre obligatoire la délation, en violation du secret professionnel auquel ils sont tenus, de la part des travailleurs sociaux et des personnels des établissements d’hébergement.

Cette politique est encore renforcée par le vote de la nouvelle loi sur l’immigration.

Régularisation rendue plus difficile

Le Ceseda (Code d’entrée et de séjour des étrangers et demandeurs d’asile), voté cet été, a rendu la régularisation des immigrés presque impossible. Cette loi scélérate restreint de façon drastique le regroupement familial, en mettant des conditions, de revenus ou encore de surface habitable, pour faire venir sa famille que bien des salariés français ne possèdent pas. Combien gagnent en effet deux Smic dans une famille de trois enfants ?

Les immigrés qui souhaitent faire une demande de regroupement familial devront désormais résider en France depuis 18 mois au lieu de 12. Il leur est demandé de prouver qu’ils se plient aux « principes qui régissent la République française », une façon hypocrite de mettre les demandeurs à la discrétion et à l’arbitraire des autorités préfectorales. Mesure plus choquante encore : la suppression de la régularisation automatique au bout de 10 ans sur le territoire, soumise désormais à la seule bonne - ou plutôt mauvaise - volonté des préfectures.

Les patrons d’abord

Dans sa démagogie anti-immigrés Sarkozy aurait-il oublié ses commanditaires ? Oublié que l’immigration, et tout spécialement l’immigration illégale, est d’abord une bénédiction pour les employeurs à la disposition desquels elle met une main d’œuvre corvéable, pratiquement livrée pieds et poings liés aux patrons quand il s’agit de clandestins ? Aurait-il oublié que des entreprises comme Citroën ou Renault ont bâti leur fortune sur le dos des travailleurs immigrés, qu’on a fait venir tout exprès ? Ou encore que des entreprises de bâtiment comme Bouygues emploient, directement ou par sous-traitants interposés, des travailleurs sans papiers à des tarifs et des conditions de travail dignes du siècle dernier ?

En fait Sarkozy ne brandit pas que la menace de la répression. Il sait aussi donner des garanties, sinon aux immigrés au moins... aux patrons qui entendent continuer à exploiter les immigrés. Ainsi sa prétendue théorie d’immigration choisie au lieu d’immigration subie vise à satisfaire les chefs d’entreprise demandeurs de main d’œuvre qualifiée à bon marché. Ainsi certains articles de la nouvelle loi prévoit la reprise possible d’une immigration sur la base de « grandes difficultés de recrutement » qui seraient constatées dans certains secteurs d’activité ou certaines professions. L’immigration continuera donc mais, si cela dépend de Sarkozy, encore plus que maintenant dans l’intérêt exclusif des patrons.

Enfants sans papiers menacés d’expulsion

Il n’y a pourtant pas que devant les patrons que Sarkozy est parfois obligé de faire machine arrière. En octobre 2005, devant l’émotion soulevée dans le pays, et la mobilisation de lycéens et de professeurs, il a dû reculer et demander aux préfets de suspendre jusqu’à la fin de l’année scolaire les expulsions de familles ayant des enfants scolarisés sans papiers.

Au mois de juillet dernier, Sarkozy clamait qu’il régulariserait 750 familles au grand maximum. Devant le tollé et des manifestations de soutien dans tout le pays, venant de parents scandalisés par le fait que les copains de leurs enfants risquaient d’être renvoyés dans un pays qu’ils ne connaissaient pas, et où ils ne voulaient pas aller, le ministre de l’Intérieur a dû reculer une fois de plus. Il a annoncé qu’il régulariserait environ 6 000 familles, sur les 30 000 qui ont, dès son appel, déposé leur dossier.

Aujourd’hui, 6 924 personnes très exactement ont été régularisées, dans des conditions tout à fait arbitraires, dénoncent les associations qui les ont accompagnées depuis le début dans leurs démarches. Ainsi, l’association Réseau éducation sans frontières (RESF) parle-t-elle du « Sarko-loto » - deux dossiers identiques recevant parfois un traitement opposé - , et elle estime que les préfets ont simplement régularisé... dans la limites des quotas imposés. Lorsqu’on regarde de près les chiffres des préfectures, on s’aperçoit en effet qu’un simple pourcentage de 23 % à 28 % de régularisation a été appliqué partout (23 % dans le Bas Rhin, 28 % en Loire Atlantique, 23 % en Haute Garonne ou encore 25 % dans les Bouches du Rhône).

Cachan : du sensationnel anti-immigrés

Pour calmer l’éventuel mécontentement des réactionnaires qui auraient pu lui reprocher sa « clémence » (pourtant si mesquine), le gouvernement a ordonné, en plein été, l’expulsion des familles du squat de Cachan. Celle-ci a été conçue comme un spectacle pour donner des gages à la clientèle électorale la plus réactionnaire de la droite. Un policier a d’ailleurs fait part de ses doutes à Libération, en affirmant que lors de leur arrivée, les médias étaient déjà là !

Cette offensive anti-immigrés de grande envergure n’est pourtant pas passée sans émoi ni réactions. L’expulsion de Cachan, comme la manière de procéder, a choqué de nombreuses personnes, et pas seulement quelques noms connus du monde du spectacle, qui ont manifesté un soutien actif. Près de 500 organisations se sont regroupées dans le collectif Uni-e-s contre l’immigration jetable. Des manifestations nationales ont regroupé des dizaines de milliers de participants, pour protester contre la loi Sarkozy, demander son retrait et affirmer qu’il faut imposer la régularisation, l’arrêt des expulsions et la libération des sans-papiers détenus dans les centres de rétention.

Des collectifs du Réseau éducation sans frontières (RESF) existent aujourd’hui dans 68 départements, plus de 100 000 personnes ont signé la pétition où elles s’engagent à prendre sous leur protection un enfant menacé d’expulsion. Des manifestations se déroulent depuis la rentrée scolaire dans de nombreuses académies comme Créteil, Rouen, Lille, Marseille ou encore Montauban pour s’opposer à des éventuelles reconduites d’enfants déboutés de la régularisation. Dans les collèges et lycées, le personnel éducatif s’organise pour prouver que nombreux sont ceux et celles qui n’acceptent pas cette violence faite aux immigrés, et surtout protéger pratiquement les enfants en les hébergeant et les cachant.

L’exemple à suivre. La lutte et l’action solidaire dans la rue, les écoles, les quartiers, est seule susceptible de faire échec à la campagne électorale de Sarkozy, avant comme après les élections, et quel que soit le nombre de voix obtenues par le chef de file de la droite.

22 septembre 2006

Laurence VINON

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