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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 130, janvier-février 2020 > La grève de 2019-2020

La grève de 2019-2020

Rencontres avec la fraction L’Étincelle du NPA

Mis en ligne le 21 janvier 2020 Convergences Politique

Les 8 et 14 janvier derniers, à Paris, notre courant a rencontré des grévistes de la SNCF et de la RATP, ainsi que les étudiants et enseignants venus les soutenir sur les piquets et les assemblées générales. Les discussions ont porté sur les questions en jeu dans le mouvement de grève. Nous transcrivons ici des extraits des interventions de camarades de la Fraction. Les discussions menés essentiellement par des grévistes des bus, du métro ou de la SNCF, ont été particulièrement percutantes. Ces grévistes ont à chaque fois animé le débat avec beaucoup de détermination et la conscience (et fierté) de mener la lutte de classes. Pas question pour eux que ça s’arrête là. Y compris du point de vue de la nécessité de s’organiser politiquement, en tant que révolutionnaires.

Décidément, le slogan « la grève aux grévistes », n’est pas une vaine formule !


Introduction à la rencontre du mercredi 8 janvier

« Discutons donc aujourd’hui de la politique des révolutionnaires dans le mouvement. Discutons aussi de la politique du camp d’en face, de l’état de la mobilisation puis de tous les problèmes liés à la direction du mouvement.

La réforme des retraites, pour qui, pourquoi ?

Nous n’allons pas détailler les mécanismes de cette réforme que vous avez tous dénoncée dans des tracts et des interventions.

(…) On nous parle d’une conférence sur le financement qui va s’ouvrir vendredi. Son but ? Examiner par quels biais faire les poches des travailleurs. Nous faire partager la misère (ce qui est d’ailleurs le principe de la retraite par répartition, mais là, pour l’aggraver !). Pas question ! Le seul financement, c’est de faire payer les riches et les exploiteurs en imposant l’augmentation des salaires, l’interdiction des licenciements et le partage du travail entre tous.

De toute façon, ces négociations avec la CFDT (quasiment des négociations internes au gouvernement) sont un faux semblant qui n’a rien à voir avec la grève et ceux qui la font . Toutes les Assemblées générales exigent depuis plus d’un mois le retrait du projet, en finir avec la retraite par points. Car ce projet revient à baisser les pensions, baisser les cotisations (patronales), c’est-à-dire le salaire différé (notamment mais pas seulement avec l’exonération au-dessus de 10 000 euros – 72 milliards d’économies pour les patrons sur dix ans). Avec des pensions abaissées, il s’agit de faire bosser les vieux, comme aux États-Unis et en Allemagne. Pas dans le métier qu’ils auront peut-être exercé une bonne partie de leur carrière. Non, car au-delà de 55 ans, c’est le chômage ou l’incapacité de travailler. Ce ne sera ni un emploi, ni la retraite pendant 10 ans encore, mais la précarité, à se disputer des jobs avec des étudiants. C’est un moyen d’agrandir l’armée de réserve des chômeurs et précaires, laquelle exerce une pression sur les salaires de tous.

Un autre aspect de cette réforme taillée sur mesure pour le patronat, c’est l’encouragement à la capitalisation, pour les plus hauts salaires (c’est déjà le cas) mais aussi pour des salaires plus moyens, de technicien ou d’ouvrier qualifié en CDI.

Autant d’aspects qui intéressent le Medef au plus haut point. Macron a fait cette mesure pour eux.

BlackRock, Axa, AG2R, CNP Assurances, Generali, Amundi, BNP…

Les cheminots de Gare de Lyon ont eu bien raison d’envahir le siège de BlackRock le 7 janvier, ce géant de la finance parmi d’autres, qui a dicté cette réforme au gouvernement. Il y a quand même un « mais »… De la gauche institutionnelle à la droite, on met en avant l’épouvantail BlackRock car c’est une entreprise américaine. Mais des boîtes bien françaises font exactement la même chose : Axa, AG2R, CNP Assurances, Generali, Amundi, BNP…

BlackRock est un « gestionnaire de fortunes et de placements » qui centralise 7 000 milliards d’euros. Dont des fonds de pension. Comment place-t-il son argent ? En général il choisit un pays et investit en bourse en espérant en retirer des dividendes. Donc il investit dans PSA, Amazon, Lafarge ou encore la BNP dont il prélève une partie des bénéfices, qui eux-mêmes viennent de l’exploitation de notre travail salarié.

Plutôt que de choisir une entreprise ou une industrie, il met un peu d’argent dans toutes. Il prend 5 % de Peugeot, 5 % d’Axa, 5 % de Carrefour. Si une entreprise fait un mauvais résultat conjoncturel, les autres rattraperont le coup. Ces « gestionnaires de fortunes et de placements » ne mettent pas leurs œufs dans le même panier. C’est ce que les financiers appellent la « propriété commune » ou encore le « communisme des actionnaires ».

En fait les géants de la finance ne s’intéressent pas aux résultats de l’exploitation dans un secteur particulier. Ils s’intéressent aux résultats de l’exploitation moyenne de toute la classe ouvrière d’un pays (et même de plusieurs). Pour augmenter leurs profits et évaluer leurs bénéfices, ils ne se demandent pas combien de voitures seront vendues en France ou bien si la grande distribution se porte bien en Allemagne, mais ils regardent des paramètres directement politiques, car communs à toute la classe ouvrière : augmentation ou compression des salaires (directs ou indirects, d’où les retraites), taux de chômage (plus il est haut mieux c’est), temps de travail et flexibilité, droit du travail. Ils sont intéressés directement au résultat politique de la lutte de classe à l’échelle nationale et internationale.

C’est à cette échelle que raisonnent les grands bourgeois, les commanditaires de Macron.

L’État à leur service

Ils savent que l’État est à leur service, au service de la défense de la propriété privée des moyens de production. Cela ne date pas d’hier, même si c’est particulièrement visible avec ce gouvernement de banquiers et de DRH. L’État moderne a toujours été au service de la bourgeoisie, en dépit de ceux qui, à gauche, veulent faire croire le contraire. Derrière le slogan mensonger de la République, « Liberté, égalité, fraternité », il y a la dictature du capital. Il n’y a pas de démocratie entre exploiteurs et exploités.

Cet État, c’est non seulement toutes les institutions politiques et médiatiques de la bourgeoisie, son affichage public, mais aussi son appareil judiciaire, policier et militaire. D’où la répression sur les piquets de grève, qui n’est pas « un abus de pouvoir » de la police mais son rôle fondamental de maintien de l’ordre social capitaliste. Il ne s’agit donc pas de sagement s’en indigner mais de se donner des moyens collectifs d’y résister. En sachant qu’en face ils sont capables de tout, qu’ils n’ont aucune limite sinon celle que nous mettons par le rapport de force.

Conscience de classe

Il y a deux classes fondamentales : pour l’heure, « ceux qui ont un flingue, et ceux qui creusent ». Ceux qui produisent les richesses, et ceux qui ne servent à rien mais les exploitent. La grève des cheminots et des conducteurs de bus le démontre : ce ne sont pas les patrons de la SNCF ou de la RATP qui font rouler les trains, les trams et les bus.

Et l’un des premiers acquis des grèves actuelles, c’est la conscience d’être une classe sociale, celle des travailleurs, comme l’ont montré le refus des grévistes des différents secteurs de ladite « clause du grand père » : nous avons tous entendu dans les différentes assemblées générales les interventions pour décrire la situation d’un gosse d’ouvrier, quasiment condamné à la relégation scolaire, puis à la précarité des petits boulots, puis à l’exploitation dans un emploi plus ou moins « stable » et pénible… Et à tous ces jeunes on voudrait maintenant arracher leur future retraite ! Pas question, comme l’ont résumé les grévistes de l’Opéra : « Nous ne voulons pas être la génération qui a sacrifié la suivante ».

Alors pour en finir avec l’exploitation, le mal fondamental de la société capitaliste, il faudra exproprier la bourgeoisie, une révolution sociale, poursuivre et faire aboutir de façon victorieuse les épisodes révolutionnaires du passé.

Un mouvement de masse, politique

Ce que nous vivons actuellement, ce n’est pas encore une révolution, mais c’est déjà une grève de masse, politique. La question du « blocage » économique revient souvent dans le mouvement. Oui, la force des travailleurs c’est la grève, car c’est par la grève qu’on fait la démonstration qu’on produit toutes les richesses. La grève, donc, cela tape au portefeuille des patrons… Certains en déduisent qu’il suffirait de bloquer quelques cibles prioritaires pour avoir le même effet qu’une grève. C’est faux. Car le patronat sait se serrer les coudes et leur portefeuille est mieux garni que le nôtre. Si le rapport de force était uniquement comptable, nous aurions perdu d’avance.

En réalité le bras de fer est politique. Faire basculer de nouvelles couches dans la grève, c’est faire prendre conscience à tout le monde de la fragilité de Macron et de la domination de la bourgeoisie qu’il représente.

Suite à un an de mobilisation des Gilets jaunes (d’ailleurs il y avait beaucoup de Gilets jaunes parmi les grévistes RATP ou SNCF), voilà cette grève sur les retraites à échelle nationale, c’est-à-dire sur un sujet qui concentre tous les problèmes de l’exploitation capitaliste : c’est forcément un mouvement politique. Politique aussi par ses revendications et ses aspirations qui sont bien plus larges que la seule réforme des retraites. C’est dans ce genre de mouvement que les travailleurs peuvent faire basculer le rapport de force en leur faveur et faire taire les réactionnaires de tout poil, racistes ou intégristes.

Beaucoup s’inquiètent de la polarisation entre Macron d’un côté et Le Pen de l’autre, qui conduirait 2022 à se résumer au duel entre un banquier ami des racistes et une raciste amie des banquiers. Mais cette épée de Damoclès ne se lèvera pas en 2022 ou dans les élections qu’il y a entre temps. Le mouvement actuel peut permettre de rebattre les cartes politiques en mettant au centre du jeu non pas les élections et les campagnes nauséabondes sur les musulmans ou l’insécurité mais les intérêts et les aspirations des travailleuses et des travailleurs, dans tout ce qui les unit, quels que soient leur sexe et leur couleur de peau.

Le rôle d’un parti ouvrier révolutionnaire dans les luttes

De même que les bourgeois font de la politique (BlackRock etc), de même qu’ils ont leur État-major politique (le gouvernement, sa police, son armée), il faut que les travailleurs, la classe ouvrière, aient le leur. Sinon nous sommes condamnés à perdre les batailles de cette lutte de classe.

Cet État-major, c’est l’inverse de l’union de la gauche. Les partis dits de gauche PS, PCF, Verts ou ceux qui sont à l’origine de LFI, ont tous déjà gouverné ensemble ou séparément. À chaque fois, de Mitterrand et son gouvernement PS-PC jusqu’à Hollande PS-Vert et Jospin et sa gauche plurielle, ils ont fait des promesses de campagne aux ouvriers pour être élus, puis ont gouverné dans l’intérêt du patronat et des riches. Ce sont des partis bourgeois, ils sont candidats à gérer les affaires de la bourgeoisie.

S’ils se montrent aujourd’hui dans les AG de grévistes, c’est dans l’espoir de profiter de la popularité de la grève pour gagner des voix aux prochaines élections. Ils offrent un recours à la bourgeoisie, ils lui offriront de sauver son système si le mouvement prend de l’ampleur. Comme ils l’ont fait lors des deux dernières grèves générales en Juin 1936 et en Mai 1968.

Le parti que nous cherchons à construire est sur un terrain complètement différent. Un parti qui permette aux travailleurs qui le veulent de prendre en main eux-mêmes leur propre sort jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la révolution contre leurs exploiteurs.

La politique des confédérations syndicales, sous pression

Pour l’instant, ce sont encore les centrales syndicales qui chapeautent le mouvement, malgré le slogan de la base, « la grève aux grévistes ».

Si on doit résumer le rôle fondamental des bureaucraties syndicales, c’est, en tant qu’organisations domestiquées, de défendre la politique de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière. C’est un rôle très contradictoire, ambivalent. C’est le résultat d’une vieille histoire de plus de cent vingt ans d’intégration dans la société capitaliste. Bien sûr, quand nous parlons des directions syndicales, nous ne parlons pas des centaines de milliers de syndiqués qui font toutes les grèves. Mais le poids des instances bureaucratiques, de ces « corps intermédiaires » comme disent les politiciens, est si fort aujourd’hui (puisque beaucoup de syndicats n’ont presque plus de base), que c’est cette politique de collaboration de classe, de « dialogue entre partenaires sociaux » qui domine tout le syndicat. C’est cette évolution fondamentale qui explique les sales coups comme celui de proposer une trêve le 19 décembre en repoussant la journée d’action suivante au 9 janvier.

Bien sûr ces centrales syndicales sont sous pression. Elles ne font pas ce qu’elles veulent. On l’a vu avec les Gilets jaunes. Jusqu’ici, Sud-Solidaires, la FSU et surtout celle qui compte vraiment, la CGT, accompagnent la détermination des grévistes pour rester à leur tête, tout en lançant des ballons d’essai. Se dire pour le retrait mais aller aux négociations ; appeler à généraliser la grève mais donner rendez-vous dans 3 semaines. Une politique qui a l’air brouillonne et contradictoire mais qui fonctionne comme amortisseur social : il faut qu’elles conservent sinon la confiance du moins l’assentiment des grévistes pour jouer les pompiers auprès du gouvernement. Leur attitude dépend aussi de celle du gouvernement qui peut se montrer plus ou moins rétif à leur donner « du grain à moudre ».

Macron a cru avantageux de mettre les syndicats sur la touche au début de son mandat. La crise des Gilets jaunes a montré d’un côté les problèmes que posent au pouvoir l’absence d’intermédiaires, et de l’autre l’incapacité des directions syndicales à jouer ce rôle face à ce mouvement.

Gouvernement et syndicats tentent aujourd’hui de revenir à un conflit social plus « classique ». D’où le paritarisme (annonce oubliée de Philippe le 11 décembre). Mais aussi le cinéma des négociations avec la CFDT.

Gagner le retrait du projet implique en fait de se battre à la fois contre le gouvernement et le patronat mais aussi de se battre au sein du mouvement pour que les travailleurs dirigent eux-mêmes leur propre grève, sans la laisser aux bureaucraties syndicales.

La grève aux grévistes !

Comment ? Par une grève active. Des Assemblées générales. Des Comités de grève. Pas seulement sous forme d’un comité d’organisation mais une véritable direction locale.

Pas un syndicat de plus à côté des autres mais un petit gouvernement des grévistes – comme les patrons ont leur Directoire et leur Conseil d’administration – qui rassemble des syndiqués de toute appartenance et des non syndiqués. Élu régulièrement en AG, avec des délégués révocables s’ils ne sont pas à la hauteur. Chargé de mettre en musique les décisions de l’AG mais aussi de présenter les décisions à prendre, les choix à faire de manière à ce que tout ce qui concerne la grève soit tranché par un vote en AG par les grévistes eux-mêmes.

Même s’il y avait des comités de grève partout (il y en a déjà beaucoup mais pas encore partout), la grève n’appartiendrait toujours pas aux grévistes. Car nous sommes dans un mouvement d’ensemble, national, dans lequel chacun regarde à juste titre les autres secteurs. La RATP a entraîné la SNCF qui donne de la force en retour à la RATP. La détermination dans le transport est peut-être en train de faire basculer les profs, en tout cas on l’espère.

Et je ne parle pas des raffineries, d’EdF, de la culture, etc.

Pour réellement contrôler son mouvement de A à Z, la base doit se hisser au sommet. C’est-à-dire qu’elle doit se poser en direction alternative à celle des syndicats, Martinez et compagnie. Mais une direction très différente, une direction élue et révocable, contrôlée en permanence par les grévistes eux-mêmes. Pour ça il faut une organisation qui permette à tous les grévistes de toutes les AG de contrôler celles et ceux qu’ils auraient choisi comme porte-parole ou figures du mouvement. Cette organisation, c’est une Coordination.

C’est dans ce sens que nous participons activement, en tant que grévistes, à la Coordination RATP/SNCF. Aujourd’hui c’est une réunion qui a permis d’organiser des actions (certaines réussies comme la manif du 26 décembre) ou les piquets tournants sur les bus. Cela permet d’appeler des soutiens à venir sur vos piquets et de centraliser un peu les informations.

Mais cette réunion pourrait devenir plus que cela. Elle pourrait non seulement organiser des actions et centraliser les piquets en région parisienne dans les bus, mais elle pourrait devenir une véritable direction du mouvement issue de la base. À condition que ses participants aient cet objectif en tête et se donnent les moyens de l’atteindre. Représenter au niveau national le plus d’AGs possible de grévistes en reconductible, RATP et SNCF pour l’instant (les profs peuvent avoir leur propre coordination et des liens peuvent se faire entre coords). Cela permettrait de continuer à faire vivre la grève malgré les décisions des appareils syndicaux. Cela serait le pire cauchemar de Macron, une véritable « gilet jaunisation » de la grève ouvrière, qui le laisserait sans interlocuteur crédible pour négocier. Cela serait aussi un encouragement aux travailleurs du privé de voir que les grévistes ne suivent pas les syndicats mais s’organisent eux-mêmes – cela voudrait dire qu’ils peuvent aussi le faire.

Nous soulevons ici un problème général pour les révolutionnaires du monde entier : c’est l’enjeu de la lutte de classes à l’échelle mondiale, au Chili, en Algérie, à Hong-Kong, au Liban, en Irak… : aux travailleurs en lutte de se donner leurs propres représentants, leur propre direction, issus de leur lutte même. »


Introduction à la rencontre du mercredi 14 janvier 

« Si nous sommes organisés politiquement dans une organisation révolutionnaire, c’est parce que nous pensons qu’une seule classe sociale peut renverser ce monde capitaliste, et que cette classe sociale c’est la nôtre, c’est celle des travailleurs, avec ou sans emploi, c’est-à-dire une immense majorité de la population mondiale. Face au camp d’en face, il faut s’organiser politiquement pour que toutes les expériences de notre classe nous permettent d’aller plus loin et un jour de nous libérer du joug de l’exploitation. […]

On a déjà souvent discuté entre nous de la nécessité pour les grévistes eux-mêmes de se coordonner, afin que la base, la force vive, se hisse au sommet et que la grève appartienne vraiment aux grévistes et pas aux appareils syndicaux. Cette nécessité est toujours d’actualité. Plusieurs faits survenus cette semaine l’ont bien montré.

La répression

L’attitude de la police a franchi un cran dans les dernières manifs et sur les piquets. Ciblage dans les tabassages et arrestations de militants de la grève, syndiqués ou non, et de GJ qui manifestent chaque semaine. Répression patronale aussi : à la RATP (Patrick, Yassine et François à Vitry, Hani à Belliard, mais 120 procédures en cours !), mais aussi dans le privé : pressions patronales fortes à Saint-Malo avec chantage au licenciement pour que les salariés ne rejoignent pas les manifs (et ce n’est qu’un exemple).

Réaction de la ligne 9 du métro parisien : débrayage surprise massif pour protester contre le tabassage d’Irène et la garde à vue de Damien.

Nous ne sommes pas surpris par cette répression – d’autant que leur attitude contre les Gilets jaunes nous l’avait rappelé. (…) D’un côté les pseudo-négociations, le pseudo-dialogue avec un prétendu « interlocuteur » que le gouvernement s’est choisi et qui n’est absolument pas celui des grévistes. De l’autre la matraque bien réelle, les vrais flashballs, les vrais licenciements pour faute improbable… Les deux faces de leur démocratie bourgeoise. Ces flics lâchés sur des travailleuses et des travailleurs sont l’image réelle du dialogue social.

Ces violences sont telles que même le journal le Monde a dû les reconnaître et en faire un édito, de même que BFM. Ce qui a fait dire à une collègue en AG lundi « pour une fois j’ai vu un truc vrai sur BFM ».

Du côté de la gauche, on nous a parlé du droit « constitutionnel » de manifester qui ne serait pas respecté. Tant mieux si les grévistes peuvent trouver quelques soutiens, même du côté des partisans d’une bonne république française. Mais nous savons bien par expérience que ce n’est pas parce que c’est écrit que c’est respecté. Le droit au logement existe sur le papier, mais il y a pourtant dans ce pays dit riche des dizaines de milliers de SDF. Ce qui fait la loi, c’est le rapport de force : à qui fera craquer l’autre.

La gauche s’indigne… des « abus »

Tout ce langage de la gauche ou des partis dits démocratiques est trompeur. Ces gens-là parlent de la police et de l’armée comme d’institutions républicaines nécessaires et qu’ils respectent. Il faudrait juste qu’il n’y ait « pas d’abus » ! Pas de « bavures ». Ils savent pourtant que l’armée mène ses guerres en Afrique pour les intérêts de Total ou Areva ; que la justice emprisonne les pauvres et laisse courir la fraude fiscale. Un bon gouvernement de gauche ferait-il mieux ? Les massacres de la guerre d’Algérie ont été déclenchés sous un gouvernement de gauche. Ce sont les flics de Valls et de Hollande qui ont assassiné Rémi Fraisse et Adama Traore et réprimé les opposants à la loi Travail en 2016. […]

Aujourd’hui ces gens-là ne pensent qu’élections et ils pourraient bien tendre le piège du référendum ou du RIC pour mettre fin à la lutte. D’ailleurs la FI vient de proposer à tous les parlementaires de signer une motion de censure en prévision d’un potentiel 49.3. On voit bien sur qui ils comptent : ceux qui siègent à l’Assemblée et dans les salons ; nous pensons au contraire que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes.

Voilà d’un côté les pièges tendus par la gauche.

L’extrême droite, nichée dans l’appareil d’État

Mais il y a aussi les pièges tendus par l’extrême droite. Après pas mal d’hésitations (déclarations anti-grève, anti-manifestations, anti-régimes spéciaux, pour la trêve de Noël…démagogie raciste contre les grévistes), on a eu droit à un communiqué de Marine Le Pen de ferme soutien au mouvement, y compris à la grève. Des travailleurs, voire des grévistes, vont-ils être tentés de voter Le Pen pour « faire barrage » au banquier Macron ? Mais le RN (ex-FN) est lui aussi un parti lié aux institutions, né dans les milieux les plus militaristes et policiers de l’époque de la guerre d’Algérie (l’OAS). L’extrême-droite est bien institutionnelle, nichée au sein de l’appareil d’État, de la police, l’armée, et depuis toujours elle surfe sur la démagogie nationaliste et xénophobe, alors qu’il y a plus de points communs entre un travailleur français et algérien ou américain qu’entre un travailleur français et son patron français. Ces gens-là sont des ennemis de notre camp car ils cherchent à le diviser.

Les machines à dialogue social

Les confédérations, y compris la CGT, prévoient de participer à la conférence de financement. Ce qui n’aide pas la grève. C’est le grand problème de ce que sont devenus les syndicats. Des machines à « dialogue social », à négociations, concertations, bien plus qu’à lutter pour instaurer un rapport de forces et le pousser à son maximum. La direction de la CGT, quant à elle, si elle poursuit le mouvement jusqu’alors, c’est pour disputer à la CFDT son rôle de négociateur principal avec le gouvernement.

Certains grévistes proposent ce qu’ils appellent « l’interpellation des directions syndicales » ; il faudrait les asticoter, les mettre devant leurs responsabilités. C’est tactiquement parfois nécessaire, à condition de ne pas nourrir l’illusion que ces directions pourraient changer de nature. Dans la réalité, elles ne sont pas une direction pour nous, et ne le seront probablement plus, après tant de décennies de fonctionnement dans les rouages de la bourgeoisie. Il nous faut une autre direction, dans nos luttes. Pas les implorer pour qu’elles aient une bonne politique dans le mouvement, mais leur imposer cette politique, par nos propres moyens.

[…] Comme le disait un gréviste cette semaine « Pour l’instant on n’a pas eu la force de battre Macron mais Macron n’a pas eu la force de nous battre. » D’autant que les enseignants, les étudiants et différents salariés du secteur privé entrent aussi dans la danse. Donc on ne lâche rien ! »

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