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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 14, mars-avril 2001

Renault épinglé pour recours abusif à la sous-traitance

Mis en ligne le 1er avril 2001 Convergences Entreprises

En contestant le protocole des élections des délégués du personnel (DP) et du comité d’entreprise (CE), les syndicats CGT et SUD du Technocentre Renault de Guyancourt, dans les Yvelines, ont fait mouche.

Ces élections devaient avoir lieu le 7 décembre. Mais fin novembre, les deux syndicats engageaient une procédure judiciaire auprès du tribunal d’instance de Versailles. La CGT contestait les effectifs des salariés Renault déclarés par la direction, soit 7274 salariés. Elle lui reprochait de ne pas prendre en compte l’augmentation des effectifs prévue en 2001. SUD demandait que les sous-traitants présents sur le site (la direction en reconnaît 2200) puissent participer aux élections des DP un cas prévu par le code du travail (article L 423-7) pour les prestataires subordonnés à l’entreprise cliente.

A l’audience, la direction a refusé de fournir les contrats des prestataires. Le tribunal a alors nommé un expert chargé d’étudier ces contrats et d’établir les effectifs. La direction déposa aussitôt un recours en cassation tout en proposant aux syndicats un nouveau protocole électoral… en échange du retrait des plaintes. Elle proposait un poste de délégué au CE et 10 DP supplémentaires. Mais en cas de refus de la CGT et de SUD, la direction menaçait de ne pas prolonger les mandats des élus qui expiraient le 31 décembre et par conséquent de paralyser le CE.

Se pourrait-il que la direction de Renault ne veuille pas d’un expert car elle ne respecte pas la loi sur la sous-traitance ?

La loi dit en effet qu’en cas d’absence d’apport technique ou de qualification particulière des prestataires, de prestation non clairement définie, de travail sous l’autorité et l’encadrement du client ou encore de rémunération de la prestation en fonction du nombre d’heures travaillées, il y a prêt de main d’œuvre illicite ou délit de marchandage. Dans ce cas, la société de prestation et l’entreprise cliente risquent des amendes pouvant aller jusqu’à 1 million de francs ou deux ans de prison par prestataire. Et elles doivent proposer à chaque prestataire l’embauche dans l’entreprise cliente ou la requalification de son contrat : réajustement du salaire, application de la convention collective de l’entreprise cliente, de son régime de prévoyance.

SUD a maintenu sa revendication et sa plainte. La CGT a retiré sa plainte et signé le protocole.

La CGC et FO se lancèrent aussitôt dans une campagne contre…SUD. Pour la CGC, « le CE balbutiait un peu plus chaque jour du fait de la non prolongation des mandats due à l’obstination d’un seul syndicat : SUD ». Pire ! A cause de SUD, les sous-traitants allaient bientôt « avoir droit aux subventions du CE sur la masse salariale du Personnel Renault » ! Dans les tracts de FO les militants de SUD étaient traités de « nostalgiques d’un passé révolutionnaire » et accusés de « prendre les salariés en otage ». Le CE devenait le Titanic conduit par SUD droit sur l’iceberg de la direction !

La direction passa ensuite à l’intimidation. Le secrétaire de SUD convoqué à un entretien en vue d’une sanction s’y rendit accompagné d’une centaine de salariés venus à l’appel du seul SUD, la CGT se contentant d’y envoyer une délégation. Au cours de cet entretien, la direction lui reprocha d’avoir fait rentrer sa moto pour la réparer, ce qui est tout ce qu’il y a de plus courant.

Elle sortit également de sa poche un nouveau protocole électoral, acceptable cette fois-ci par SUD car il concernait uniquement les élections au CE. Elle reculait mais le faisait chèrement payer : le secrétaire de SUD eut dix jour de mise à pieds. Comble de mesquinerie, la direction prorogeait seulement les mandats CE, pas les DP. Il n’y a donc plus de délégués du personnel à Guyancourt depuis le 1er janvier.

Aux élections du CE début mars, la direction de Renault s’est prise un camouflet : 15 % des salariés ont voté pour SUD. 27 % ont voté pour la CGT qui, moins combative, perdait 8 % par rapport à 1998. La semaine suivant les élections au CE, l’expert a proposé un nouveau protocole : en échange du retrait des plaintes, les sous-traitants classés dans la catégorie « métiers techniques », soit environ 1100 prestataires, pourraient voter DP.

A l’heure où nous écrivons, ce protocole est en voie d’être accepté par la direction et les syndicats. Il permet à SUD de sortir la tête haute de ce conflit, mais il évite également à la direction une éventuelle condamnation pour emploi abusif de milliers de sous-traitants.

Le 16 mars 2001, R.M.

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