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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 53, septembre-octobre 2007

Réforme des universités : un nouveau pas dans la casse du service public

Mis en ligne le 27 septembre 2007 Convergences Société

Annoncée à la mi-juin, la loi sur « les libertés et responsabilités des universités » à été présentée par Sarkozy et Valérie Pécresse (ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche) comme l’une des premières grandes « réformes » du gouvernement. L’empressement à passer sa loi le plus vite possible, à coup de procédure d’urgence, pour que tout soit bouclé pendant les vacances, avait de quoi inquiéter.

Ladite réforme a donc, dès le mois de juin, rassemblé la majorité des organisations syndicales du personnel, enseignants ou non, des universités contre elle. De même au niveau étudiant, jusqu’à l’Unef dont les dirigeants semblent avoir hésité et changé plusieurs fois de position avant, finalement, de la condamner. Les facs n’ont pourtant pas connu de mouvements importants. Seuls les personnels étaient présents au moment de l’annonce de la loi. Mais les petites assemblées générales qui se sont tenues (500 personnes à Toulouse, 200 à Rouen, 150 à Lyon ou 180 à Paris-Jussieu) ont témoigné au moins d’une certaine inquiétude. Et les syndicats continuent à exprimer leur hostilité. Un texte des syndicats des personnels de l’université (FSU, CGT, UNSA, Solidaires, FO) réaffirme ainsi début septembre que « cette loi est inacceptable ».

Il faut quand même regarder un peu en détail ce dont il s’agit pour discerner les vraies attaques contenues dans la réforme Sarkozy-Pécresse.

Réorganisation de façade

L’objectif affiché est essentiellement d’accroître l’« autonomie » des universités, à savoir les possibilités de gestion des ressources par les universités elles-mêmes, de manière décentralisée. La mesure la plus spectaculaire consiste en un toilettage de l’organisation administrative des facs, avec un Conseil d’administration restreint de 20 à 30 membres et des pouvoirs élargis dans ce conseil pour le président de l’université.

Ces mesures ont été au centre des critiques syndicales. Il faut dire que la principale conséquence en est de diminuer leur nombre d’élus (en particulier pour les syndicats étudiants), et de diminuer d’autant leur rôle de « partenaires » dont ils sont si fiers. Ce n’est toutefois ni vraiment ni essentiellement là que se situe l’attaque contre l’ensemble des personnels et des étudiants.

Insertion professionnelle, Au service de qui ?

Autre point qui a soulevé la protestation en particulier dans le milieu militant étudiant de gauche et d’extrême gauche, l’inscription de l’« orientation et de l’insertion professionnelle » au nombre des missions des universités. Ce milieu dénonce la « professionnalisation » de l’université à laquelle il faudrait opposer une mission de formation générale, coupée de tout objectif professionnel, la promotion du savoir pour le savoir.

Là encore, c’est taper un peu à côté du vrai problème... et des préoccupations de la majorité des étudiants. Il n’y a pas à s’étonner, ni particulièrement à s’offusquer qu’un jeune désire que ses études lui permettent de trouver un emploi. C’est d’ailleurs là-dessus que le gouvernement s’appuie pour justifier démagogiquement sa réforme. Démagogiquement, car c’est là aussi que réside une première entourloupe de la réforme Pécresse.

En effet, en lieu d’insertion professionnelle il s’agit d’abord d’accroître le contrôle direct des grandes entreprises sur les formations. Au programme, la possibilité de multiplier les diplômes élaborés avec le patronat, en fonction de ses besoins du moment. Tout bénéfice pour les entreprises en question qui pourront former la main d’oeuvre à leur guise, disposeront de stagiaires bon marché et par dessus le marché toucheront certainement exonérations et subventions pour leur implication dans la formation.

Côté étudiants l’avenir est moins riant : des diplômes dévalorisés, valables dans une seule entreprise. Or les exemples existent déjà de jeunes titulaires d’une licence Michelin à Clermont-Ferrand ou d’une licence Phillips à Rennes, « licenciés » dans tous les sens du terme, et se retrouvant sur le carreau avec un diplôme qui ne leur ouvre les portes... que de l’entreprise qui vient de les mettre dehors !

Cette manière d’associer directement les entreprises aux formations universitaires remplit un double rôle : ajuster les cursus aux besoins patronaux, mais aussi diminuer les fonds que l’État investit dans les universités.

De l’autonomie comme mode de gestion de la pénurie

Car l’octroi d’une nouvelle « autonomie des universités » semble devoir surtout aboutir à un nouveau désengagement financier de l’État. L’autonomie budgétaire qui est promise aux facs au nom de la souplesse et de l’adaptation, cache la gestion de la misère, sinon pour toutes, du moins pour celles qui ne figureront pas au nombre des « pôles d’excellence », richement dotés.

Avec la gestion budgétaire fac par fac, il s’agira de trouver de nouvelles sources de financement. D’où l’encouragement des partenariats avec les entreprises. D’où aussi la possibilité de recourir à des fondations privées comme l’a fait l’Université Lyon 1 où a été créée une fondation l’associant à Sanofi-Pasteur et à la Banque Populaire, laquelle est chargée de collecter de l’argent privé pour l’université. Il s’agit explicitement de « renforcer le lien entre l’université et les entreprises ». Ce qui ne peut qu’aboutir au contrôle accru sur les universités par les entreprises qui leur apportent les fonds.

La réforme de cet été n’a pas touché (en clair augmenté) les frais d’inscription. Mais cette nécessité de nouvelles sources de financement pourrait bien justifier une future déréglementation de ces frais d’inscription. Les étudiants eux-mêmes devraient alors payer le désengagement de l’État et, au passage, cela creuserait encore les inégalités entre « pôles d’excellences » et ce qui deviendra des « facs poubelles ».

En attendant, ce sont surtout les personnels en particulier non enseignants (administratifs, techniciens et ouvriers) qui trinquent. Car autonomie dans la gestion des ressources humaines oblige, les possibilités d’embauche de contractuels (donc hors statut de la fonction publique) sont accrues. Encore un bon moyen de faire des économies sur les conditions de travail et de salaire. Le gouvernement met en avant – sans rire ! – une avancée contre la précarité avec la possibilité de CDI au lieu des CDD renouvelés tous les ans qui existent aujourd’hui. L’escroquerie est trop visible vu que le même gouvernement veut en finir avec les CDI et instaurer des contrats uniques et précaires pour tous.

Pour une rentrée offensive

Tous les problèmes évoqués ci-dessus ne sont pas créés par cette seule réforme. Le contrôle du patronat sur certaines formations existe déjà. Le système universitaire à deux vitesses avec les facs d’excellences et les autres est déjà bien en place. La précarité aussi : par exemple la proportion de précaires chez les personnels non enseignants dans une université comme Lyon 1 reste stable, autour de 30 % depuis 2003. Mais la réforme est un pas supplémentaire vers une politique générale de casse et de privatisation des services publiques.

Les syndicats promettent une « rentrée offensive » dans les universités. On ne peut que souhaiter que ce soit le cas. Mais surtout que la riposte des étudiants comme du personnel s’insère dans celle, plus générale et nécessaire, de l’ensemble des travailleurs contre les attaques tous azimuts dont ils sont la cible. Et pour cela, qu’ils sachent s’adresser à l’ensemble de la population comme ils avaient, en partie au moins, su le faire lors de la lutte contre le CPE.

Ce sera peut-être plus difficile que pour le CPE, la réforme risquant d’être vue uniquement comme une attaque contre les université et son refus un réflexe corporatiste. L’insistance des syndicats sur les aspects les plus spécifiques comme la réorganisation des conseils d’administration va d’ailleurs dans ce sens. Mais s’il y a une chose qui apparaît de plus en plus clairement, et que le monde du travail comprend de mieux en mieux, c’est bien que si les attaques prennent une forme différente dans chaque secteur, elles visent toutes le même résultat.

20 septembre 2007

Yves LEFORT

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