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Qui a tué Malcolm X ?, série documentaire d’Abdur-Rahman Muhammad

Netflix, 2020, six épisodes

1er décembre 2021 Article Culture

Le 21 février 1965, le leader afro-américain Malcom X était abattu de 21 balles de fusil dans une salle de bal de Harlem alors qu’il allait s’adresser à plusieurs centaines de personnes rassemblées pour l’occasion. Un an plus tard, trois membres du groupe politico-religieux la Nation de l’islam (Nation of Islam), dont les membres étaient surnommés les Musulmans noirs, étaient reconnus coupables et condamnés à vingt ans de prison. Sur les trois, un seul, Mujahid Abdul Halim, avait admis devant le tribunal avoir participé à l’assassinat, disculpant ses deux autres co-accusés, Norman 3X Butler et Thomas 15X Johnson, qui ne se trouvaient d’ailleurs même pas sur les lieux ce jour-là. Mais rien n’y fit. L’enquête de la police de New York fut sciemment bâclée, le FBI conservant par-devers lui nombre d’informations qui auraient pu être utiles aux enquêteurs. C’est seulement après la diffusion de ce documentaire l’an dernier aux États-Unis que le bureau du procureur new-yorkais a décidé de rouvrir l’enquête mais, d’ores et déjà, l’innocence de Butler et Johnson a été reconnue.

Un personnage qui dérange

Malcolm X était, par bien des côtés, un personnage hors du commun. Petit délinquant emprisonné à plusieurs reprises, c’est en prison qu’il se convertit à la religion musulmane et rejoint la Nation de l’islam, mouvement créé par Elijah Muhammad, dont il deviendra rapidement l’adjoint. La Nation met l’accent sur la fierté d’être Noir, rejette le christianisme comme religion des Blancs et prône l’auto-organisation militaire et économique de la communauté. D’où la création d’un service d’ordre à l’allure de milice, les Fruits de l’islam, mais aussi la multiplication des commerces et des magasins dans les quartiers noirs, ce qui bientôt représentera un business pesant plusieurs dizaines de millions de dollars et incitera Muhammad à éviter toute confrontation directe avec l’État qui aurait pu nuire à la bonne marche de ses affaires.

Peu à peu Malcom X va s’éloigner de lui, reprochant à sa famille de faire des affaires sur le dos du mouvement et critiquant Muhammad pour ses frasques sexuelles. Il en vient alors à préconiser aux Afro-Américains la riposte musclée face aux violences des forces de l’ordre, à faire le lien entre l’oppression de la communauté noire et la lutte contre l’oppression coloniale en Afrique et en Asie, à critiquer la passivité de la Nation de l’islam et la non-violence préconisée par Martin Luther King dans la lutte pour les droits civiques. Et aussi à mettre en accusation confusément, non seulement l’oppression raciale, mais le capitalisme. Il effectue alors plusieurs tournées dans le tiers-monde où il reçoit un accueil enthousiaste de foules qui le considèrent comme l’ambassadeur des Afro-Américains.

Un homme à abattre

Il devient alors l’homme à abattre non seulement pour le groupe dirigeant de la Nation de l’islam, dont nombre de militants le rejoignent, mais aussi par le FBI et son dirigeant d’alors, Edgar Hoover, qui le tiennent pour un dangereux communiste.

Ses jours sont désormais comptés. Le FBI a placé certains de ses agents au sein de la Nation de l’islam mais aussi dans l’entourage direct de Malcolm X. Le jour de l’assassinat, plusieurs agents fédéraux sous couverture sont dans la salle mais aucun n’est là pour le protéger. À l’extérieur, la police new-yorkaise n’a placé que deux de ses policiers en uniforme, alors qu’habituellement ils sont en nombre pour ce type de meeting.

Et des cinq assassins présents dans la salle, un seul sera finalement arrêté, non par la police mais par des participants au meeting. Enfin, trois heures seulement après l’assassinat, la scène du crime sera nettoyée de fond en comble par des concierges, ce qui fera disparaitre tous les indices. Et la police présente laissera faire.

Un travail de longue haleine

La série s’appuie sur les travaux de l’historien, militant et journaliste d’investigation, Abdur-Rahman Muhammad, un Afro-Américain qui a passé des dizaines d’années à rechercher et à réunir les pièces du puzzle. Entre-temps plusieurs des antagonistes de ce drame sont décédés, ce qui ne l’a pas empêché de continuer ses recherches. Il a identifié le commando de cinq membres, venu de la mosquée de Newark (dans le New Jersey), qui prit part à l’assassinat.

Aujourd’hui tout pointe vers la responsabilité du FBI dans cette affaire. Les services secrets auraient manipulé des membres de la Nation de l’islam pour parvenir à leurs fins. Ce qui n’est pas vraiment une surprise, car dès le lendemain de l’attentat, les révolutionnaires américains penchaient déjà pour cette hypothèse. Arrivera-t-on un jour à la confirmer ? C’est possible mais loin d’être certain, le FBI ayant sans doute détruit les pièces du dossier que le compromettaient directement.

Et si le documentaire est parfois un peu répétitif – chaque épisode de la série résumant les épisodes précédents – il est passionnant de bout en bout.

Jean Lievin

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