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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 137, mars 2021 > DOSSIER : Il y a 150 ans, la Commune

DOSSIER : Il y a 150 ans, la Commune

Quelques lectures sur la Commune

Mis en ligne le 6 avril 2021 Convergences

Dans le dossier sur la Commune de Convergences révolutionnaires no 137, sont publiés quelques unes des critiques de livres sur la Commune publiées sur notre site ici..


Léo Frankel, communard sans frontières, de Julien Chuzeville.

Libertalia, 2021, 280 p., 15 €

Début avril, à la première séance du Conseil de la Commune, un cas pose question : les électeurs parisiens ont porté leurs suffrages sur un ouvrier de l’orfèvrerie qui n’a pas la nationalité française… Que faire ? La Commune finit par valider à l’unanimité son élection. Un acte internationaliste souligné par Karl Marx.

Le jeune ouvrier hongrois ainsi élu se nomme Léo Frankel. C’est à ce « communard sans frontières » que Julien Chuzeville consacre une biographie, la première en français. L’action de Frankel pendant la Commune y est décrite avec précision. Âgé de 27 ans en 1871, Léo Frankel est déjà un militant aguerri de la section parisienne de l’Internationale et a connu les prisons du Second Empire. Correspondant de Karl Marx dans la capitale pendant la Commune, il se distingue notamment par sa prise en main de la commission du Travail. On lui doit d’avoir impulsé les mesures sociales les plus importantes de la Commune de Paris, dont la suppression du travail de nuit pour les ouvriers boulangers, l’interdiction des retenues sur salaire ou la reprise par les ouvriers des ateliers abandonnés par les patrons. Proche d’Élisabeth Dmitrieff, militante également de l’Internationale, il appuie fortement les mesures de la Commune en faveur des droits des femmes. Léo Frankel se distingue aussi par l’importance qu’il accorde à la nécessité de s’attaquer tant au pouvoir politique de la bourgeoisie qu’à ses racines économiques, la propriété privée des moyens de production.

Le livre de Julien Chuzeville ne s’arrête pas à la fin de la Commune mais suit Frankel, blessé sur les barricades et condamné à mort par contumace, dans son exil en Suisse puis en Angleterre où il intègre le conseil général de l’AIT. Proche de Karl Marx, organisateur hors pair, Frankel continue de militer jusqu’à sa mort en 1896 et est notamment un des principaux dirigeants des premières organisations révolutionnaires ouvrières en Hongrie. Son engagement internationaliste ne faiblit jamais et on le retrouve dans les premiers congrès de la Seconde Internationale.

Julien Chuzeville s’appuie sur un travail minutieux de recoupement d’archives de tout type (rapports de police, journaux, correspondances, etc.) pour nous dresser un portrait saisissant d’un militant révolutionnaire qui a l’internationalisme chevillé au corps.


Des graines sous la neige , de Laëticia Roussel et Rolan Michon. Locus Solus, 2017, 144 p., 20 €

Dans cette bande dessinée, les auteurs retracent la vie et les combats d’une communarde méconnue, Nathalie Lemel. Cette dernière grandit à Brest où ses parents tiennent une taverne. Elle s’y politise au contact des ouvriers des arsenaux et au gré de ses lectures. Devenue libraire à Quimper, elle participe au bouillonnement des idées révolutionnaires de l’époque sous le Second Empire. La misère la pousse à rejoindre Paris, comme bien des Bretons. On la retrouve alors en première ligne dans les grèves des ouvriers-relieurs de 1864 et 1865 aux côtés d’Eugène Varlin, militant de la Première Internationale. Ensemble, ils créent et animent plusieurs coopératives ouvrières à l’instar de la « Marmite », restaurant mutualiste qui rencontre un grand succès.

Femme divorcée et indépendante, Nathalie Lemel est de tous les combats. Sa lutte contre le Second Empire ne fait qu’une avec son combat pour la cause des travailleurs et son engagement pour l’égalité entre les sexes. Son engagement total dans la Commune au printemps 1871 sonne dès lors comme une évidence. À partir de l’exemple de Nathalie Lemel, les auteurs rendent ainsi justice à la forte implication des femmes pendant la Commune.

À noter la dernière partie de l’album consacrée aux longues années de déportation des communards en Nouvelle-Calédonie. Nathalie Lemel s’y lie notamment d’amitié avec Louise Michel, les deux femmes partageant le même combat pour l’émancipation humaine.

En somme, une bande dessinée qui fourmille de détails historiques et qui permet d’ancrer la Commune dans toute une époque à partir du fil rouge de la vie d’une révolutionnaire restée fidèle jusqu’au bout à ses idées.


Communardes !, de Wilfrid Lupano (scénario). Vents d’Ouest, (t. 1) 2015, 56 p., 14,50 €, (t. 2) 2015, 56 p., 14,50 €, (t. 3) 2016, 56 p., 14,50 €

Cette série de trois BD a été écrite par Wilfrid Lupano et illustrée par des dessinateurs différents pour chaque volume.

Chacun aborde des aspects différents de la participation des femmes à la Commune de Paris et suit des femmes de différents milieux sociaux.

Le premier, Les Éléphants rouges, dessiné par Lucy Mazel, se déroule pendant le siège de Paris par les Prussiens, lors du terrible hiver 1870. On y suit Victorine, une enfant qui rêve d’une vie d’égalité avec les hommes, et sa mère qui l’élève seule et partage ses aspirations, dans leur combat pour survivre.

Le deuxième, L’aristocrate fantôme, illustré par Anthony Jean, est centré sur Élisabeth Dmitrieff, aristocrate russe envoyée par Marx (avec qui s’ouvre cet album) à Paris pour lui rendre compte de ce qui s’y passe. Elle y fonde l’Union des femmes pour la défense de Paris et l’aide aux blessés… mais elle ne se contente pas de ce rôle d’infirmière, au grand dam de la plupart des hommes à qui elle s’oppose, soutenue par Frankel, représentant de la Première Internationale à Paris !

Le troisième, Nous ne dirons rien de leurs femelles…, dessiné par Xavier Fourquemin, suit Marie, ancienne domestique engagée dans l’Union des femmes et qui se bat jusqu’au bout sur les barricades, qui a un compte à régler avec la domination masculine mais aussi avec l’Église.

Le titre vient d’une citation empruntée à Alexandre Dumas fils, journaliste au Figaro, qui écrivit en 1871 en parlant des communards «  nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes ».

L’ensemble est très bien documenté et passionnant à lire, car il montre bien ce que fut l’engagement des femmes dans la Commune, elles qui avaient beaucoup à gagner à se libérer des oppressions.


Quelques incontournables sur la Commune

Histoire de la Commune de 1871 , de Prosper-Olivier Lissagaray,

Consultable sur Internet : https://gallica.bnf.fr/ark :/12148...

Un témoignage. L’auteur se définissait comme « républicain socialiste ». Le 18 mars, il vint à Paris où il continua l’activité journalistique qui lui avait valu de la prison sous le Second Empire. Il publia les six numéros de L’Action (4 au 9 avril) et plus tard Le Tribun du Peuple (17 au 24 mai). Il prit part du 25 au 28 mai, à la bataille de rue, d’abord sur les barricades du XIe arrondissement puis sur celles de Belleville, dans le XXe. Il a donc participé directement aux évènements qu’il décrit, a recueilli également de nombreux témoignages de communards réfugiés en Angleterre ou en Suisse et consulté maints documents, car il craignait que la moindre erreur soit exploitée par les ennemis de la Commune pour dénigrer son œuvre. Son livre parut en 1876. Exilé un temps à Bruxelles, puis à Londres, il se lia à Eleanor, la fille cadette de Marx, qui traduira en anglais en 1886 cet aperçu précieux sur la vie dans le Paris révolutionnaire.


Le canon Fraternité , de Jean-Pierre Chabrol. Gallimard, 1970, 864 p.

On entre dans Belleville au milieu du mois d’août 1870 à bord d’une carriole de paysans qui fuient leur ferme devant l’arrivée des casques à pointe prussiens. On en repart à la fin du mois de mai – ou au début du mois de juin, tout se mélange –, en cachette, pour échapper aux baïonnettes de Versailles. Entre les deux, on suit à la trace le jeune Florent et les habitants de l’impasse du Guet, concentré du Paris révolutionnaire.

Rédigé au jour le jour, on vit à hauteur d’homme – et de femme – tous les évènements qui s’enchaînent et leurs effets sur la conscience des Parisiens. On croise Ranvier et Flourens, les héros de Belleville, Vallès et Frankel… On suit les bronziers, les fondeurs, les menuisiers, les imprimeurs qui constituent le prolétariat de la capitale. On suit les femmes dans les files d’attente aux portes des magasins vides et dans l’ambiance bouillante des clubs politiques. Et on se laisse emporter par les enfants de Belleville, qui collectent pièce par pièce les petits sous de bronze grâce auxquels ils couleront le canon Fraternité dont le bruit, plus que le feu, suscite la confiance des uns et le trouble des autres. Un vrai roman politique qui fait une histoire totale de la Commune de Paris.


La guerre civile en France , de Karl Marx

Consultable et téléchargeable gratuitement sur Internet : https://www.marxists.org/francais/a...

Un texte écrit à chaud (13 juin 1871) par Karl Marx moins d’un mois après la semaine sanglante, qui vit les troupes versaillaises massacrer entre 20 000 et 30 000 communards, hommes, femmes et enfants. Au nom du conseil général de l’Association internationale des travailleurs (AIT, la Première Internationale), il prend vigoureusement la défense des communards alors que toute la presse d’Europe vomit des horreurs sur eux, les traitant d’assassins, d’égorgeurs, de criminels assoiffés de sang, d’incendiaires… Il salue l’initiative historique des masses laborieuses et la créativité de leurs luttes. Il souligne aussi que la Commune a inventé une nouvelle forme de pouvoir (fusion de l’exécutif et du législatif, élection et révocabilité des élus, tous payés au salaire moyen d’un ouvrier…), qui préfigure ce que devrait être demain un gouvernement démocratique des classes laborieuses, c’est-à-dire « la dictature du prolétariat », comme l’écrira Engels dans une préface de 1891 à une nouvelle édition de la brochure de Marx.

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